GauguinOn sait que Paul Gauguin vécut neuf ans à Orléans. Un lycée professionnel à La Source, une salle de réunion avenue de Saint-Mesmin, une maison de retraite hébergée dans l’ancien petit séminaire où le peintre fit ses études, à la Chapelle Saint-Mesmin, portent son nom. Au musée des Beaux-Arts, deux de ses tableaux sont exposés, l’un célèbre, La fête Gloanec, l’autre, moins connu, de facture plus classique, La Clairière.
Et puis, que sait-on d’autre ou de plus ? Peu de choses.
C’est pourquoi il faut remercier Christian Jamet qui vient d’écrire un ouvrage passionnant sur Gauguin à Orléans (publié aux éditions de la Simardière).
On y apprend d’abord que la seule plaque qui témoigne de la présence de Paul Gauguin à Orléans n’est pas apposée au bon endroit… puisque le jeune Gauguin et sa famille ne vécurent pas au 7 rue Tudelle mais au 25 quai de Prague, qui s’appelait alors quai Neuf. Le déplacement de cette plaque au bon endroit sera une œuvre salutaire que pourra accomplir la future municipalité et qui ne grèvera pas trop nos finances…
Au fil des pages, le livre de Christian Jamet nous apprend beaucoup.
On découvre Isidore, l’oncle de Paul, bijoutier établi rue des Petits-Souliers (c’est, depuis 1882, la rue Louis-Roquet), républicain farouche, comme tous les membres de la famille, participant le 2 décembre à une manifestation menée par Alexandre Martin et Pereira, manifestation qui envahit la mairie avec le slogan « Constitution républicaine », qui sera victime, comme d’autres, d’une répression sévère – vingt et un manifestants furent déportés en Guyane -, emprisonné avant que d’être gracié.
On découvre la grand-mère de Paul Gauguin, Flora Tristan. Il écrit d’elle dans son autobiographie (Avant et après), que « Proudhon disait d’elle qu’elle avait du génie », qu’elle était « un bas bleu socialiste, anarchiste », qu’elle était « une fort jolie et noble dame » et « qu’elle employa toute sa fortune à la classe ouvrière ».
On découvre Lima, où le père de Paul, Clovis, « fervent républicain », décide de s’expatrier avec sa famille en 1849. Revenant ensuite à Orléans, Paul gardera la nostalgie de ce pays « où il ne pleut jamais ».
On découvre les interrogations du peintre, depuis le premier séminaire, entre anticléricalisme et protestantisme. Christian Jamet cite Debora Silberman, qui présente Gauguin « comme un jouisseur pénitent oscillant entre l’élévation visionnaire et la tentation charnelle et se tournant vers la peinture pour se poser à nouveau la question fondamentale du catéchisme de son enfance : "Pourquoi sommes-nous sur la Terre ?" ».
On découvre encore les raisons pour lesquelles le célèbre tableau La fête Gloanec est signé « Madeleine B. ». Il paraît – selon Maurice Denis – que Mme Gloanec aurait refusé d’accrocher dans sa salle à manger ce tableau qui était décrié par certains convives comme trop moderniste. Paul Gauguin lui fit croire, par cette signature, que c’était l’œuvre d’une débutante. Il semble qu’elle ne fut pas dupe.
On découvre enfin Paul Gauguin bien loin d’Orléans, aux Marquises, sur la petite île d’Hiva Oa où devait le rejoindre Jacques Brel.
C’est là qu’il mourut, le 8 mai 1903, le jour où Orléans célébrait le 474e anniversaire de sa libération.
Voilà.
J’espère vous avoir donné le désir de lire le livre de Christian Jamet.

Jean-Pierre Sueur

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