A propos du livre de Michel Onfray sur Freud
 
Après le « Livre noir de la psychanalyse », après tant de campagnes au cours des dernières années pour démolir Freud et la méthode psychanalytique, on reste confondu devant l’acharnement que met Michel Onfray, dans son dernier ouvrage, à poursuivre cette œuvre de destruction.
Faut-il vraiment que les concepts élaborés par Freud dérangent encore autant pour susciter une telle haine ?
On peut être pour ou contre la méthode analytique. Le champ de la psychanalyse est vaste et les débats ne manquent pas, ni n’ont manqué, parmi tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se réclament de l’héritage freudien.
Ce n’est donc en aucun cas le fait de critiquer tout ou partie de l’œuvre de Freud ou de ses héritiers qui pose problème.
Non : c’est le recours de Michel Onfray à des arguments fallacieux liés à la biographie et la vie intimes supposées de Freud pour démolir son œuvre.
J’ai connu des temps où l’on se défiait des biographies, où l’on analysait l’œuvre en elle-même selon des méthodes structurales. Ce fut critiqué. Mais j’en viens à penser que cela avait d’excellents côtés, quand je constate la manière dont est ici convoquée la supposée biographie pour invalider l’œuvre.
Je renvoie aux deux textes publiés par mon amie Elisabeth Roudinesco, l’un dans Le Monde du 16 avril, l’autre sur Internet, qui démontrent, preuve à l’appui, que Michel Onfray a repris des rumeurs ou des mensonges et des erreurs éculés.
Je résume : il est déjà absurde d’invalider une œuvre en vertu d’événements biographiques. L’œuvre existe en tant que telle. Si elle perdure dans le champ de l’art, de la pensée ou de la connaissance, c’est qu’elle transcende les « petits tas de secrets » que recèlent les existences singulières.
Mais il est doublement absurde de le faire en vertu de faits inexistants et de rumeurs recuites.
Face à ces attaques incessantes, la psychanalyse mérite, plus que jamais, d’être défendue comme un versant irréductible de notre culture.
Jean-Pierre Sueur
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