Les télévisions et radios diffusant des informations en continu ont modifié le paysage audiovisuel, et aussi notre rapport à l'actualité. Commençons par dire que cette évolution a des effets positifs : elle permet ainsi d'être informé à tout moment, en dehors du « sacro saint » rendez-vous de 20 heures à la télévision (ou de 19 heures sur France 3) ou des « matinales » des radios. Ajoutons cependant qu'il arrive que le système s'emballe. Lors d'attentats, de drames ou d'événements de toutes sortes, il est rare qu'on puisse connaître la vérité dans l'instant, et que celle-ci se révèle de manière univoque, sans ambiguïté aucune, au moment même où l'événement se produit. Cela peut conduire à des scènes où, devant son micro, le ou la journaliste ne peut faire mieux que de nous dire qu'il ou qu'elle ne sait pas ce qui se passe et se trouve derechef dans l'obligation de « meubler » minute après minute, édition après édition. Cela peut aussi conduire à des annonces sans fondement, dont – soyons justes ! –, les journalistes n'ont pas l'apanage... Ainsi, le tueur de Nice a d'abord été un personnage atteint de troubles psychiques sans rapport avec le « djihadisme » et qui aurait agi dans une sorte d'improvisation ; puis il a été présenté comme ayant été l'objet d'une « radicalisation rapide » ; on a enfin appris qu'avec l'aide de complices, il avait préparé l'attentat durant de longs mois... Qu'en conclure ? Une seule chose : la vérité n'est pas l'instantanéité, elle ne se « donne » pas instantanément ; l'établir demande enquêtes et investigation – et cela prend du temps – et parfois beaucoup de temps. Notre société, déjà victime du culte de la transparence, est aussi menacée par la religion de l'instant. Cela mérite assurément réflexion.

Jean-Pierre Sueur