160928 Badinter4Robert Badinter est venu au Sénat, le 28 septembre, remettre solennellement le manuscrit du discours qu’il avait prononcé en septembre 1981 lors du débat sur l’abolition de la peine de mort. Je me souviens de l’émotion avec laquelle j’ai voté le projet de loi qu’il avait d’abord présenté à l’Assemblée nationale. Une forte majorité le suivit : il y eut 362 voix pour et 117 contre.
Dans la majorité qui avait voté l’abolition, il y avait des élus de gauche, alors très nombreux, mais aussi des députés de droite abolitionnistes, comme Jacques Chirac. On s’attendait ce que le débat fût plus difficile au Sénat. Le gouvernement n’avait pas engagé la « procédure accélérée ». En cas de vote négatif du Sénat, il y aurait donc eu plusieurs navettes avant que l’Assemblée pût « dire le dernier mot ». Le 28 septembre dernier, Robert Badinter nous rappelait que, deux jours avant le vote, il y avait encore de grandes incertitudes : beaucoup pronostiquaient un vote négatif du Sénat. Or, le 30 septembre 1981, le Sénat votait l’abolition de la peine de mort par 160 voix pour et 126 contre. C’était le fruit d’un « travail de conviction » mené par des sénateurs abolitionnistes au sein de cette assemblée alors dominée par la droite. Ce fut aussi – Robert Badinter le rappelait – le fruit d’une profonde réflexion de ceux qui exprimaient alors leur « intime conviction. »
Contrairement à toute attente, contrairement à ce qu’indiquaient les sondages quant à l’état de l’opinion, l’abolition de la peine de mort a donc été votée dès la première lecture dans les deux assemblées du Parlement, pourtant de couleur politique différente.
Évoquant le terrorisme, Robert Badinter a parlé de la morbide attirance vers la mort qui caractérise ceux qui rompent avec le respect dû à l’humanité et à l’humanisme.
Gérard Larcher, président du Sénat, à qui le précieux manuscrit était remis, rappelait que la tâche continuait puisque la peine de mort est toujours en vigueur dans 95 États (même si cinquante d’entre eux n’ont procédé à aucune exécution au cours des dix dernières années).

Jean-Pierre Sueur

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