Tout a été dit ou écrit sur Simone Veil ces derniers jours. Et je ne voudrais pas redire ce qui a été si bien dit pour lui rendre hommage.

On me permettra d’apporter ici un témoignage plus personnel.

D’abord lorsqu’avec Henri Berthier, alors maire de Pithiviers et avec Camille Suttin, maire de Beaune-la-Rolande, nous avons décidé, alors que j’étais moi-même maire d’Orléans, de créer le Centre d’étude et de recherches sur les camps d’internement du Loiret (CERCIL) afin de rappeler la mémoire de tous ces êtres humains, de tous ces enfants qui avaient vécu dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande qui étaient l’antichambre de la déportation et de la mort, il ne faut pas croire que ce projet a été d’emblée largement soutenu. On nous a trop souvent dit qu’il n’était pas utile de revenir là-dessus, qu’il ne fallait pas « remuer cette poussière », revenir sur ces épisodes tragiques du passé. Soyons justes : nombre de nos concitoyens nous ont aussi soutenus. Parmi ceux-ci, Simone Veil fut la première. Son soutien et son engagement furent immédiats, absolus et constants.

Simone Veil avait connu la déportation à l’âge de seize ans. Elle récusait les discours pathétiques ou la commisération. Non : elle voulait que la vérité fût connue. Toute la vérité. Elle le dirait toute sa vie. Simplement pour que l’on sache, pour que toutes les générations sachent – et pour que cette horreur, ces horreurs, ne reviennent plus, ne recommencent pas.

Simone Veil ne s’épanchait pas. Elle parlait simplement, justement.

Autre souvenir : celui du Club Vauban. Avec son mari, Antoine Veil, elle avait créé ce que ce dernier appelait une « atypique confrérie ». Tous deux réunissaient tous les mois, pour un petit déjeuner, un groupe d’élus composé de deux moitiés, une moitié de droite (qu’Antoine appelait les parcimonieux) et une moitié de gauche (qu’il appelait les « partageux »). Je fus près de quinze ans membre de ce club dont le nom découlait simplement de l’adresse de Simone et d’Antoine : ils habitaient place Vauban à Paris. Pour en être membre, il fallait être profondément européen et attaché au dialogue social.

Qu’on ne se méprenne pas. Je ne pense pas qu’à cette époque le but aurait été de faire un « gouvernement Vauban » rassemblant la droite et la gauche.

Non, l’objectif était plus modeste, mais ambitieux cependant.

Simone et Antoine Veil voulaient « jeter des ponts », faire avancer des idées, dépasser les incompréhensions ou les sectarismes. Ce fut très riche.

Lors de ces réunions, Simone parlait peu. Mais c’était toujours avec justesse. Avec force. Elle ne biaisait pas. Elle détestait les inutiles prudences. Elle allait au but, directement. C’était vraiment une femme de conviction – au sens le plus noble du terme.

Je la revois parler de l’Europe. Elle était persuadée que l’Europe était la réponse aux camps d’extermination.

Il fallait, elle voulait que ces peuples et ces citoyens de différents pays d’Europe apprennent à se connaître, à se comprendre et à s’aimer.

Elle savait que rien de cela n’était ni ne serait facile. Mais sa volonté était farouche.

Enfin, nous n’oublierons pas, et les femmes de France et d’ailleurs n’oublieront jamais, son combat pour l’IVG dans cette assemblée d’hommes, bravant avec un immense courage injures et quolibets.

Il y a quelques années, 1 500 femmes maires réunies par le Sénat lui ont fait une longue ovation debout.

L’émotion était palpable, intense.

Oui, j’en suis persuadé, Simone Veil doit désormais reposer au Panthéon.

Jean-Pierre Sueur

>> Lire l’interview de Jean-Pierre Sueur dans La République du Centre du 1er juillet

>> Lire l’article du JDD du 2 juillet