On se dit que Marieke Aucante aime la Sologne. C’est un amour ancien, profond, sensuel. De la Sologne, elle connaît les chemins, les arbres, les couleurs, les paysans, les sous-bois, les étangs et les mystères. Elle connaît les animaux bien sûr, mais surtout les hommes et les femmes, dans leur diversité. Elle n’ignore rien des rapports sociaux, du dit et du non-dit, des vérités enfouies et des secrets solidement gardés.

Elle a été nourrie de l’œuvre de Maurice Genevoix. Mais cela ne l’a jamais complexée. Elle a peu à peu trouvé sa voie, elle s’est frayé ses passages, a cultivé sa singularité.

Et elle nous offre avec son dernier livre intitulé En écartant les branches (éditions Marivole) l’un de ses meilleurs ouvrages romanesques.

Le titre est un programme. Il s’agit pour Marieke Aucante de dépasser les descriptions superficielles de la Sologne prétendument authentiques et de retrouver les êtres humains qui y vivent, avec leurs peurs et leurs désirs, leurs conformismes et leurs folies, leurs vilenies et leurs grandeurs – « en écartant les branches », précisément.

Il y a donc le châtelain, Charles-Henry, qui est un Parisien, un journaliste sur la piste de scandales, sa jeune épouse, Hermine, romantique à souhait, le garde-chasse, Pierre Germain, qui a quitté le Creusot où il était ouvrier chez Arcelor Mittal – il nous rappelle qu’on appelait l’usine où il travaillait « le chagrin » – pour venir vivre parmi les arbres de Sologne, sa mère, âgée, son jumeau, qui débarque du Creusot, et bien d’autres personnages.

Charles-Henry n’a que mépris pour la Sologne et ceux qui y vivent. Il veut engrillager toute la propriété.

Hermine devient amoureuse du garde-chasse. Marieke Aucante devance nos remarques  en évoquant elle-même L’amant de Lady Chatterley.

Il y a la Sologne vivante, bruissante, avec ses rites, ses fêtes et ses rumeurs, et en contrepoint, l’univers parisien où vit Charles-Henry, qui ne fait que passer en Sologne, ainsi que l’univers des forges du Creusot et de leurs travailleurs.

Il y a des pages de vive sensualité, un meurtre, une enquête, des soupçons, des élans mystiques.

Que dire ? C’est un reportage et c’est un roman. C’est un livre que l’on prend plaisir à lire. Et comme Marieke Aucante écrit beaucoup… on attend qu’elle écarte d’autres branches.

Jean-Pierre Sueur