Collectivités locaes

  • À lire les réactions des associations nationales d'élus, on voit que le rapport que le député Éric Woerth vient de remettre au président de la République, n'apporte ni la clarté, ni la simplification, ni le renouveau qui sont attendus - et ont été annoncés - en matière de décentralisation. Je ne suis même pas sûr, à lire ces réactions, qu'il permette un partage des compétences plus intelligible là où la confusion s'est installée !

    .. Si bien que je crains fort qu'on ne retienne - comme l'a fait une partie de la presse - qu'une seule mesure préconisée par ce rapport : la fin du non-cumul des mandats.

    Pour avoir voté cette réforme, durant le quinquennat de François Hollande, pour y être encore très attaché, l'expérience aidant, je suis et reste en désaccord avec cette proposition qui revient régulièrement dans le débat. Et je voudrais dire pourquoi en quelques mots.

    D'abord, je pense que la France compte assez de talents, de citoyennes et citoyens motivés, pour que les mandats politiques soient partagés.

    J'ajoute qu’après avoir longuement siégé à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'ai pu mesurer très concrètement les conséquences du cumul des mandats généralisé. Il n'est malheureusement pas possible d'exercer à plein temps à la fois un mandat de maire de grande ville ou de président d'une métropole et un mandat parlementaire. Cela se traduit forcément par un absentéisme, ou une moindre présence et un moindre engagement au sein des assemblées parlementaires.

    Je sais qu'on me répond toujours que le cumul est nécessaire pour assurer la « proximité » (c'est le maître mot !) des parlementaires auprès des citoyens.

    Je rétorque à cela que rien n'empêche (tout au contraire !) les parlementaires d'être présents sur le terrain deux ou trois jours par semaine… Il suffit de le vouloir. Et cela n'impose pas la nécessité du cumul.

    Et à ceux qui ne me croiraient pas, je fais et je ferai part de mon expérience personnelle.

    J'ai été une dizaine d'années député, puis 22 ans sénateur, sans exercer de mandat exécutif local. Et je me suis tout le temps considéré comme un parlementaire de proximité. C'est reconnu, je crois. Et sur les 12 années où j'étais maire d'Orléans, j'ai exercé ce seul mandat durant près de 9 ans. Et j'ai pu voir combien se consacrer à une grande ville et à son agglomération demandait du temps.

    Je précise donc que j’ai pu, par le passé, ne pas avoir la même prévention quant au cumul des mandats mais que c'est uniquement l'expérience qui m'a conduit à défendre le non-cumul. Tout parlementaire peut (et doit) être proche des citoyens, des collectivités locales, des associations, des entreprises… Il suffit de le vouloir.

    Pour ne pas finir sur une note négative, je soulignerai une mesure de ce rapport qui me paraît positive et opportune : la suppression des pays, autrefois créés par Charles Pasqua.

    Les élus locaux sont en effet « absorbés » par une multitude de réunions : sans compter ce qui relève des régions ou des départements, les élus locaux doivent faire face à la mairie, mais aussi au sein de l'intercommunalité et des pays, à une multitude de réunions de conseils, commissions, groupes de pilotage, etc.

    Je ne méconnais pas ce qu'un certain nombre de pays ont pu faire de positif. Mais souvent leur rôle principal consiste à gérer et répartir les aides financières venues des régions. Je crois que cela peut très bien être fait désormais par les intercommunalités (communautés de communes ou d'agglomération, etc.), avec lesquelles les régions pourront passer des contrats directement, sans que les pays soient indispensables à cet égard.

    Jean-Pierre Sueur

  • Les élus des communes, départements et régions se plaignent régulièrement de l'inflation des normes applicables aux collectivités locales et de leurs conséquences financières.
    C'est pourquoi, en 2013, j'ai présenté au Sénat, conjointement avec Jacqueline Gourault alors sénatrice, une proposition de loi créant un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités locales et à leurs établissements publics. Celle-ci a été adoptée. Et ce Conseil (CNEN) a été mis en place. Je précise qu'il est composé très majoritairement de représentants des élus locaux. La mission de ce Conseil est de formuler en amont(ce qui est essentiel) un avis sur l'utilité et le bien-fondé de toute norme susceptible d'être créée par un projet de texte législatif ou règlementaire.
    Son rôle est donc très important pour éviter l'édiction de normes qui ne seraient pas indispensalbes ni utiles ou poseraient de réels problèmes aux collectivités locales.
    Or, ce Conseil connaît de lourds dysfonctionnements, qui ont souvent été mis en évidence par son président Alain Lambert et qui viennent d'être dénoncés par les grandes associations d'élus locaux. On lui demande ainsi d'examiner nombre de textes en "urgence", voire en "extrême urgence", ce qui rend difficile l'exercice de sa mission. On omet aussi de le consulter sur certains textes. C'est pourquoi j'ai posé la question qu'on lira ci-dessous à Mme la Première ministre.
    Toujours avec Jacqueline Gourault, j'avais présenté en 2012 une proposition de loi organique ayant pour effet de transmettre obligatoirement aux parlementaires les avis du CNEN sur les projets de loi qui leur étaient soumis, en même temps et selon les mêmes modalités que l'étude d'impact. J'ai relancé ce projet par une question écrite qui a donné lieu à une réponse qui ne donne que partillement satisfaction. Cette réponse qu'on lira également ci-dessous, annonce toutefois que les avis du CNEN, qui sont publics, seront "plus facilement cnsultables".
    Jean-Pierre Sueur
  • Lorsque, secrétaire d’État aux collectivités locales, j’ai eu l’honneur de présenter devant le Sénat et l’Assemblée Nationale le projet de loi sur l’administration territoriale de la République (ATR), qui fut finalement adopté et promulgué le 6 février 1992, j’ai eu le sentiment que ce texte représentait un tournant, une nouvelle étape aux conséquences importantes, dix ans après le vote des premières lois de décentralisation.
    En effet, à côté de mesures concernant l’État et la déconcentration, ainsi que la coopération décentralisée, ce texte instaurait une nouvelle forme d’intercommunalité, qui n’était plus seulement vouée à la gestion de services en commun par les communes, mais se traduisait par une véritable « intercommunalité de projets », essentielle pour le développement économique et l’aménagement du territoire.
    Celle-ci s’est concrétisée par la création de communautés de communes et par celle des communautés de villes, qui n’eurent guère de succès dans un premier temps, et ne furent acceptées et votées que sept ans plus tard, en 1999, sous la forme de communautés d’agglomération.
    L’une des mesures qui me paraissaient essentielles pour mener à bien – justement – des politiques de développement et d’aménagement cohérentes, ce fut la mise en commun au niveau intercommunal de la ressource économique qui était alors la taxe professionnelle.
    Le fait que cette mise en commun fut d’abord facultative pour les communautés de communes – ou limitée, le cas échéant, à des zones d’activité – explique le succès de cette formule. A contrario, le fait qu’elle ait été présentée comme obligatoire pour le monde urbain – les villes – explique le faible succès, et pour tout dire l’échec, des communautés de villes. Et il fallut beaucoup d’efforts d’explication, beaucoup de pédagogie, de simulations, sans compter d’utiles incitations – l’Association des maires des grandes villes de France jouera à cette à cet égard un rôle non négligeable – pour que le dispositif fut voté, en 1999, sous le nom, donc, de « communautés d’agglomération ».
    Mais la loi d’administration territoriale de la République avait incontestablement montré le cap et enclenché le mouvement.
    À mon initiative, un premier bilan de l’application de la loi ATR a été réalisé au Sénat par un colloque, publié sous forme d’un rapport intitulé « Vingt ans de communautés de communes : bilan et perspectives. La révolution de l’intercommunalité » paru le 15 février 2012.
    Un nouvel ouvrage vient de paraître rassemblant une série de communications de spécialistes, dirigé par Florence Lerique, sous le titre « Les fondements de l’administration territoriale : les éclairages apportés par la loi d’administration territoriale de la République » aux éditions L’Harmattan.
    Je reproduis ci-dessous, outre le rapport de 2012 précité, la préface de cet ouvrage que Florence Lerique a rédigée conjointement avec moi.
    JPS
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