1. On le mesure une fois encore :... Le rapport des commissaires-enquêteurs sur le projet de seconde ligne de tram vient d'être rendu public. C'est pour moi l'occasion de proposer quelques réflexions sur ce sujet sur lequel je reviendrai ultérieurement.
1. On le mesure une fois encore : beaucoup de temps a été inutilement perdu ! Pendant de longues années, les actuels responsables de l'agglomération et de la ville d'Orléans ont tout fait pour perdre du temps, imaginant successivement toutes sortes de modes de transport de substitution pour surtout ne pas faire un nouveau tram, puisqu'ils avaient tellement vilipendé la première ligne – la seule qui existe aujourd'hui - ! – durant leur campagne électorale. L'évidente satisfaction suscitée par ce mode de transport les a cependant conduits – sans enthousiasme excessif – à se rallier au tram pour la seconde ligne, puis à engager, avec une lenteur calculée, les études et les procédures pour la seconde ligne. Résultat : six ans plus tard, le rapport des commissaires-enquêteurs conduit à... de nouvelles études sur (si on lit bien) des parties non négligeables du tracé proposé pour cette seconde ligne. Ces études, qu'il faut évidemment réaliser, on aurait pu les faire plus tôt si le processus engagé pour la seconde ligne de tram avait tout simplement était poursuivi il y a six ans. Mais on ne l'a pas voulu. Résultat : beaucoup de temps perdu. Puissions-nous cesser d'en perdre !
2. La première ligne de l'agglomération d'Orléans le montre d'ailleurs comme toutes celles réalisées en France (et dans d'autres pays) : un tramway n'est efficace que s'il est en site propre intégral. Cela ne sert à rien d'investir les sommes non négligeables que nécessitent la réalisation d'un tramway si c'est pour que celui-ci soit englué dans les embouteillages. Les commissaires-enquêteurs ont rappelé cette vérité évidente et ont totalement rejoint ce que je dis depuis deux ans (et plus) à ce sujet concernant le faubourg Madeleine ET la rue des Carmes : le projet ne sera crédible que si le tramway est en site propre effectif sur ces deux axes et si – naturellement – le plan de circulation est étudié en conséquence. Les déclarations de M. Grouard (La République du Centre du 23 juin) qui cherche à contourner cette évidence relèvent du plus total opportunisme : mieux vaut regarder la réalité en face.
3. Les commissaires-enquêteurs insistent également sur un point auquel je suis très attaché : il est indispensable d'accroître la fréquence des trams sur la première ligne. C'était aussi prévu dès l'origine, puisque nous avions envisagé de commander des rames supplémentaires pour la première ligne en même temps que nous commandions celles de la seconde ligne. Il est clair que cela aurait permis – et permettrait (ou plutôt je l'espère, permettra) – d'obtenir les prix les plus intéressants pour l'ensemble. J'ajoute que, dans une telle perspective, le choix le plus judicieux consiste évidemment à faire les mêmes rames pour les deux lignes – les unes et les autres pouvant également circuler sur les deux lignes. C'est d'ailleurs ce que préconise explicitement le rapport des commissaires-enquêteurs – si on le lit bien.
4. Je regrette que les commissaires-enquêteurs ne prennent pas en compte les possibilités de prolongation de la ligne à l'est et à l'ouest fortement demandées, de part et d'autre, par les habitants concernés. Les arguments financiers doivent être relativisés, pour deux raisons :
a. Il est évident que choisir le trajet long n'implique pas que celui-ci soit mis en œuvre en une seule étape. On peut phaser sur plusieurs années – voire sur plusieurs mandats – la réalisation de l'ensemble du projet. En un mot le faire par étapes. Mais il me paraît injustifié de répondre aux habitants concernés par une fin de non recevoir. C'est une question qu'il faudra revoir dans l'avenir.
b. Les commissaires-enquêteurs n'évoquent que très rapidement l'un des aspects les plus contestables du projet, qui est – tout simplement – son coût. Ce coût est très élevé puisqu'on atteint un montant de 26,5 millions d'euros par kilomètre, contre 16 millions d'euros pour la première ligne et 17 millions d'euros par kilomètre pour la plupart des tramways aujourd'hui réalisés ou en cours de réalisation en France. Cette " inflation " est étonnante de la part des actuels responsables de l'agglomération et de la Ville d'Orléans qui n'ont cessé d'évoquer ces questions financières pour différer la seconde ligne, se privant par là d'une subvention de l'Etat qui était attribuée et dépensant en pure perte des sommes conséquentes pour présenter des projets alternatifs sans crédibilité auxquels ils devaient eux-mêmes renoncer. Cette question du coût de la seconde ligne doit être examinée de près (il en est encore temps), et cela d'autant plus que, contrairement à ce que les commissaires-enquêteurs semblent considérer, les coûts annoncés n'intègrent pas les aménagements urbains.
5. Dans l'un des passages de l'avis qu'ils ont rendu, les commissaires-enquêteurs laissent poindre l'idée – qui avait été la malencontreusement beaucoup défendue par les commissaires-enquêteurs de la première ligne – selon laquelle le tram pourrait des effets néfastes pour la circulation automobile et le stationnement. Je tiens à souligner les incohérences de cette crainte récurrente, qui a aussi nourri la volonté de choisir le " site partagé " pour le faubourg Madeleine et la rue des Carmes. Le tram est, en effet, beaucoup moins encombrant que la voiture. Imaginez toutes les personnes transportées par les rames de la première ligne, chacune dans une voiture – ou même deux par voiture – et songez à l'embouteillage induit. Certes, si le tram n'existait pas, un certain nombre d'entre elles utiliseraient un autre moyen de transport collectif. Mais ce qu'on a observé à Orléans et partout, c'est que le mode de transport en commun moderne qu'est le tramway en site propre intégral était très attractif, si bien qu'un nombre non négligeable de nos concitoyens le préfèrent l'automobile individuelle lorsqu'il s'agit de se rendre au centre-ville par exemple. Conclusion : il est absurde de présenter le tram – fût-ce de manière incidente – comme un " gêneur " par rapport à la circulation automobile et au stationnement. Il faut, tout au contraire, construire une stratégie globale cohérente intégrant à la fois le tracé du tram, le plan de circulation des automobiles et le stationnement (avec, notamment, des parcs-relais bien placés, accessibles et de capacité suffisante).
Jean-Pierre Sueur
PS. Il ne faut pas refaire l'histoire. Quand M. Grouard évoque les " deux réserves " énoncées par les commissaires-enquêteurs de la première ligne, il omet de dire que le Conseil d'Etat, qui a été saisi par le gouvernement de l'époque, a levé ces deux réserves les jugeant toutes deux injustifiées. La première préconisait de construire un nouveau pont à côté du Pont Royal pour y faire passer le tramway. C'était, à l'évidence, infaisable sans porter atteinte à ce monument historique et les instances compétentes du ministère de la Culture n'auraient pas pu l'accepter. Quant à la seconde réserve, elle portait sur le passage de la seconde ligne dans le quartier du Larry à Olivet. On nous faisait observer qu'il n'y avait personne à desservir à cet endroit. Certes, mais nous avions prévu, à la demande des élus d'Olivet, d'organiser tout le futur quartier autour de l'axe du tram (ce qui est conforme aux orientations officielles en matière d'urbanisme, comme l'a confirmé le Conseil d'Etat en levant cette réserve). Aujourd'hui, il y a au Larry une clinique, une maison de convalescence, une école, un équipement sportif, des centaines de logements : les milliers d'habitants et d'usagers concernés bénéficient tous de la proximité du tram – et l'apprécient amplement. J'ajoute que les élus d'Olivet souhaitaient fort logiquement que le tram desserve l'un des quartiers de leur commune. C'était tout à fait compréhensible. Et sans leur accord, il n'y aurait pas eu de tram. J'ajoute encore qu'ayant vécu de très près la longueur et la lourdeur des procédures, devenu sénateur, j'ai aussitôt déposé des amendements – adoptés grâce à l'aide très précieuse de Daniel Hoeffel – pour alléger les procédures, donner davantage de pouvoir aux préfets et éviter soit des détours souvent longs par le Conseil d'Etat, soit l'obligation d'obtenir l'accord sur le projet de tous les ministères concernés, soit les deux (ce fut le cas pour la première ligne). J'ai également fait adopter d'autres simplifications en matière de domanialité. Si bien que les procédures étant maintenant plus courtes et mieux adaptées, il est d'autant plus dommageable qu'un temps précieux ait été inutilement perdu.
Thème : Textes sur Orléans