M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, comme M. Serge Lagauche vient de le dire, ce projet de budget se traduit par des chiffres tout à fait significatifs : 3 500 postes sont créés ; les crédits de fonctionnement augmentent de 7,8 % ; 30 % des... M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, comme M. Serge Lagauche vient de le dire, ce projet de budget se traduit par des chiffres tout à fait significatifs : 3 500 postes sont créés ; les crédits de fonctionnement augmentent de 7,8 % ; 30 % des étudiants sont boursiers et les bourses sont revalorisées de 7 % ; en cinq ans, le budget de l'enseignement supérieur a augmenté de 20 % au total, alors que les effectifs n'ont pas connu la même progression.
Mes chers collègues, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de la commission des affaires culturelles, déjà évoqué par M. Lagauche. J'ai été frappé, à la page 9, par le titre du paragraphe I : « Une évolution générale des crédits décevante ». Puis, j'ai lu le premier sous-titre A : « La création de 3 500 emplois » et le titre de la section 1 : « Les emplois enseignants : un progrès par rapport à 2001 ». La section 2 s'intitule : « Les emplois non enseignants : un effort substantiel ». Je poursuis : à la page 20, le B s'intitule : « Une hausse attendue des crédits de fonctionnement », avec en section 1 : « Des moyens nouveaux » et en section 2 : « Un rattrapage nécessaire pour les universités sous-dotées ». (Sourires.)

Mes chers collègues, comme vous le savez, je suis nouveau dans cette assemblée ; je ne perçois peut-être pas encore toutes les finesses de la dialectique des commissions sénatoriales ! (Nouveaux sourires.)

M. Eric Doligé. Il faut lire entre les lignes !

M. Jean-Pierre Sueur. Je trouve cependant quelque peu paradoxal de juger décevant un budget, qui, à la lecture du rapport, se révèle incontestablement positif.

M. Hilaire Flandre. Il faut voir surtout les résultats !

M. Jean-Pierre Sueur. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il est important de noter que nous rattrapons le taux d'encadrement qui existait dans les universités françaises avant l'explosion démographique des années 1980. On compte aujourd'hui un enseignant pour 18,95 étudiants. On n'en était pas là, il y a quatre ou cinq ans, vous le savez bien ! On ne peut donc que constater un effort important, qu'il faudra poursuivre. Pourquoi ?

Vous le savez, mes chers collègues, il y a deux circuits dans l'enseignement supérieur français.

Il y a, d'une part, les classes préparatoires aux grandes écoles, les IUT, les STS, toutes filières soumises à contingentement. Il faut y être admis pour suivre les enseignements. Ces filières jouissent d'un très bon taux d'encadrement.

Il y a, d'autre part, les premiers cycles universitaires, qui accueillent la plus grande partie des bacheliers, en particulier ceux qui n'ont pas réussi à entrer dans les filières dont je parlais précédemment ou qui n'avaient ni le goût ni le désir d'y accéder. Là, les taux d'encadrement étaient beaucoup plus mauvais.

Il y a là, à mes yeux, une question de justice et d'équité. Favoriser la réussite de tous et lutter contre l'échec en premier cycle doit nous conduire à oeuvrer de manière continue pour un meilleur taux d'encadrement des étudiants, tout particulièrement, bien sûr, dans le premier cycle. Ce projet de budget le permet, et il est très important qu'il puisse s'inscrire dans la durée, dans une programmation.

Il faut un plan pluriannuel pour l'enseignement supérieur comme il en existe un pour l'enseignement secondaire, car les coups d'accordéon sont néfastes. Les jeunes enseignants chercheurs eux-mêmes veulent avoir une certaine visibilité de l'avenir. C'est une question d'équité entre les générations.

Cette démarche nous permettra également d'obtenir ce taux d'encadrement auquel nous aspirons afin de réduire le plus possible les échecs au cours du premier cycle universitaire.

Permettez-moi, en conclusion, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions.

La première porte sur l'autonomie des universités, dont on parle tant.

Bien sûr, nous devons veiller à conserver un statut national des enseignants, des diplômes nationaux, des objectifs fixés à l'échelon national. Sinon, on irait vers le modèle des universités concurrentielles, certaines étant bien dotées, d'autres sous-dotées. Je souhaite néanmoins vous demander quelles sont vos intentions pour donner plus d'autonomie et de liberté de gestion à nos universités, pour leur permettre de résoudre plus facilement toute une série de problèmes qu'elles rencontrent dans leur fonctionnement courant.

Il n'y a pas de contradiction entre une plus large autonomie et le maintien dans le service public.

A ce propos, contrairement à l'un de nos collègues, je ne crois pas que le rapport Mauroy préconise la régionalisation des universités. Les régions doivent, certes, être des partenaires essentiels pour les universités, mais il est également très important qu'il existe un véritable aménagement du territoire en matière universitaire, que toutes les régions aient des premiers cycles, des deuxièmes cycles et des troisièmes cycles de qualité, faute de quoi les régions riches auront les moyens d'abriter des universités prestigieuses et les autres devront se contenter d'universités d'un niveau plus modeste.

Le rôle de l'Etat en matière d'enseignement supérieur est donc, du point de vue de l'aménagement du territoire, absolument fondamental. Mais cela ne nous interdit pas d'aller vers plus d'autonomie dans la gestion des établissements.

Je veux également vous interroger, monsieur le ministre, sur vos intentions en ce qui concerne la contribution des universités à la formation continue.

Les universités prennent une part importante dans la formation tout au long de la vie, mais cette part me paraît encore insuffisante.

On parle beaucoup de la validation des acquis professionnels. Or desdocuments émanant de votre ministère montrent que quatre universités seulement assurent aujourd'hui la moitié de la validation des acquis professionnels pour toute la France. Cela signifie que cette pratique n'est pas encore véritablement entrée dans les moeurs de nos universités et qu'il reste beaucoup à faire pour que celles-ci jouent le rôle éminent qui doit leur revenir dans la formation permanente.

Enfin, monsieur le ministre, vous savez qu'il est essentiel de développer la recherche universitaire ; d'ailleurs vous vous y employez. A cet égard, la loi du 12 juillet 1999 est très positive, car elle favorise l'établissement de liens entre les laboratoires de recherche dépendant des universités et le monde économique, en vue d'utiles transferts de technologie. Cette loi permet notamment à des chercheurs oeuvrant au sein des universités de valoriser facilement leurs travaux dans le champ de l'industrie, par la création de petites et moyennes entreprises, et il peut s'agir de très petites entreprises à haute dimension technologique.

Malheureusement, les décrets d'application de cette loi ne sont toujours pas parus. Je vous demande donc de faire en sorte qu'ils puissent paraître rapidement.

Monsieur le ministre, je tiens, pour terminer, à vous remercier de ce projet budget. L'objectivité me conduit à dire que c'est un bon budget, qui prouve que vous avez confiance en l'avenir. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

Thème : BUDGET 2002