M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur les enquêtes publiques, qui constituent un point important de ce projet de loi, pour expliciter un certain nombre d'amendements... M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur les enquêtes publiques, qui constituent un point important de ce projet de loi, pour expliciter un certain nombre d'amendements présentés par le groupe socialiste.
Vous le savez, mes chers collègues, la procédure actuelle d'enquête publique a le grand inconvénient de remplir simultanément trois fonctions : la concertation, la prise en compte des contraintes de l'Etat et la décision politique.

Un équipement est-il ou non d'utilité publique ? Il n'est pas bon d'avoir une seule procédure pour trois fonctions et le grand mérite du texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, est justement de dissocier les choses.

Premièrement, la concertation : il est clair qu'elle n'a de sens que si elle a lieu en amont. Il ne faut pas être dans l'obligation, ce qui est le cas avec le système actuel, de présenter un projet complètement bouclé pour ouvrir la concertation. Les citoyens ont dès lors, et à juste titre, le sentiment que celle-ci ne sert à rien puisque la décision est déjà prise. C'est avant qu'il faut poser les questions, émettre des hypothèses, présenter les arguments et les contre-arguments. Le débat public dans toute son ampleur est donc salutaire.

Deuxièmement, la prise en compte des contraintes dues à l'Etat qui doit, bien entendu, veiller à l'intérêt général : il existe, vous le savez, une procédure un peu archaïque appelée l'IMEC, l'instruction mixte à l'échelon central, qui est d'une lourdeur extrême lorsqu'une collectivité locale essaie de mener à bien un grand projet. Il faut envoyer au ministre de l'intérieur et à la direction générale des collectivités locales dix-huit, voire vingt dossiers, tous très épais et qui sont répartis entre tous les ministères concernés. Puis chaque ministère doit donner son avis. Il faut donc attendre longtemps avant d'obtenir l'avis du Gouvernement.

Nous approuvons donc la procédure que vous proposez de mettre en place, à savoir une concertation entre l'Etat et la collectivité locale. Nous avons cependant déposé des amendements, monsieur le ministre, afin que cette concertation soit clairement déconcentrée, conformément d'ailleurs à la charte de la déconcentration qui figure dans la loi de 1992, et aux principes de bonne gestion des intérêts de l'Etat comme de ceux des collectivités locales.

Il ne sert à rien de tout faire remonter à Paris. Il y a des préfets de région et des préfets de département. C'est à leur niveau, nous semble-t-il, que cette phase de la procédure doit se dérouler.

Troisièmement, se pose la question de savoir qui, finalement, est habilité à décider de l'utilité d'un projet. On peut penser que, conformément à l'esprit de la décentralisation, les collectivités locales sont les mieux placées. C'est pourquoi il est bien que l'innovation que constitue la déclaration de projets figure dans votre projet de loi. Celle-ci permettra en effet à la collectivité locale de préciser son projet en prenant en compte le résultat de l'enquête publique.

C'est très positif. Mais cela entraîne, monsieur le ministre, deux conséquences.

La première concerne l'enquête publique elle-même. A quoi sert l'enquête publique dès lors qu'existe à la fois une procédure claire visant à prendre en compte les impératifs publics de l'Etat et une déclaration de projet ? Elle sert à recueillir l'avis des citoyens, des associations et des corps constitués sur un projet.

Toutefois à notre sens, cela doit être là son seul objectif. En effet, toute appréciation subjective des commissaires enquêteurs - légitime mais subjective - doit être exclue avec toutes les conséquences que cela entraîne pour une collectivité, qui, ensuite, doit aller devant le Conseil d'Etat et attendre un an ou deux avant d'obtenir une déclaration d'utilité publique.

Le rapport de Mme Questiaux rappelle un certain nombre d'événements qui sont bien connus : des rapports de commissaires enquêteurs faisant référence, par exemple, au fait que tel ou tel projet de transports en commun en site propre avait pour effet de rendre plus difficile la circulation des automobiles, alors même que la loi vise à restreindre la part des automobiles au bénéfice des transports en commun !

La création d'une déclaration de projet entraîne une seconde conséquence. Il arrive assez souvent qu'un conflit de domanialité éclate entre des collectivités locales. Il n'est pas acceptable qu'une collectivité qui n'a pas compétence en matière de transports bloque longuement le projet d'une autre collectivité ou intercommunalité qui, elle, a compétence en matière de transports publics urbains, au motif qu'elle dispose d'un terrain et que le droit à la domanialité prévaut sur l'intérêt général ou public. C'est pourquoi nous déposerons un amendement sur ce sujet.

En conclusion, monsieur le ministre, tout en soulignant l'intérêt du processus qui est mis en cause, je voulais mettre l'accent sur le risque que comporte toujours l'empilement de bonnes intentions. Il est bon de clarifier les procédures. Dans le même temps, il ne faut pas que l'ensemble du processus dure trop longtemps. Or, entre la concertation préalable, le débat public, l'étude d'impact - qui reste nécessaire -, la concertation entre l'Etat et la collectivité locale, l'enquête publique, la déclaration de projet et, enfin, la décision, il peut se passer bien du temps. C'est pourquoi nous proposons des amendements, qui vont d'ailleurs dans le sens de ceux qui ont déjà été acceptés par la commission des lois, pour encadrer les délais de telle manière que l'on n'assiste pas à des procédures sans fin. L'intérêt du projet n'est-il pas de définir les étapes en toute clarté ?

En un mot, nous sommes d'accord avec la réforme que vous nous proposez, dès lors qu'elle permet de concilier la concertation la plus large possible avec l'efficacité nécessaire à la mise en oeuvre des projets d'intérêt public.

Thème : DEMOCRATIE DE PROXIMITE