Je tiens à saluer le livre que Claude Bourdin nous propose, qui retrace son itinéraire d’artiste et nous invite à suivre, de tableau en tableau, le rapport singulier qui est le sien avec les êtres, les paysages et le monde.

On le sait, Claude Bourdin fut longtemps maire de Beaugency et conseil départemental de son canton. Mais avant même d’être élu, il était déjà un peintre talentueux… et cette passion pour la peinture lui est revenue – comme les résurgences de la Loire – alors qu’il a achevé ses mandats.

Entre temps, il n’a cessé d’être un artiste, donnant à l’art et au respect ainsi qu’au renouveau du patrimoine une place essentielle dans l’exercice de son activité de maire.

Il est vrai que Beaugency est une ville fabuleuse. Il n’est pas étonnant qu’elle attire autant les écrivains, les philosophes et les artistes. C’est une ville qui est penchée vers la Loire, indolente ou violente – c’est selon. Mais la pente qui mène à la Loire compte nombre de hauts monuments de pierre dont la verticalité compose avec la cité et son fleuve des harmonies changeantes qui ont – bien sûr – fasciné Claude Bourdin, comme elles fascinent tout visiteur. Si bien qu’il saisit au bout de son pinceau la géométrie de la cité et les courbes naturelles du fleuve – il « habite la Loire », écrit Olivier Rigaud –, et que là, à Beaugency, comme en tous lieux magiques du Val de Loire, comme à Saint-Benoît-sur-Loire, la culture et la nature s’unissent pour constituer un paysage sublimement harmonieux, réponse, oui, réponse, et forte réponse, à tous ceux qui professent que l’œuvre de l’homme se traduit inéluctablement par une destruction de la nature et de la beauté. Le contraire peut être vrai, comme le montre le miracle de Beaugency – et de son pont riche d’histoire et lourd de poésie devant lequel il nous arrive de rêver inlassablement.

Avec Beaugency et la Loire, Claude Bourdin a un autre sujet de prédilection : les femmes – ou plutôt la femme qui est, écrit-il, « beauté, paix, sérénité » et dont il inscrit fréquemment la silhouette « lovée » dans une « bulle ovoïde. » J’ai toujours aimé – depuis si longtemps – ce tableau cent fois refait, avec de nouvelles touches de lumière et de couleur, des positions changeantes, mais témoignant d’une absolue permanence du sentiment.

Telles qu’en elles-mêmes, la cité, le fleuve, la femme résistent aux aléas du temps et des circonstances. Claude Bourdin vise l’essence plus que l’existence et ses accidents de toutes sortes. Il préfère la profondeur et la carté des lignes au pittoresque, qu’il récuse.

Sa peinture est méditation. Elle ouvre sur « le rutilement immobile du monde. » D’ailleurs, Claude Bourdin l’écrit : « Je ne me servirais pas de ma peinture pour affirmer des certitudes, mais ce que j’ai de plus profond que mes certitudes, mon appartenance au monde. »

La période la plus récente donne moins de place à la figuration. Ce n’est pas « abstrait ». C’est épuré. On retrouve, de plus loin ou de plus près, la Loire avec ses courbes douces, ses mouvements incessants et ses bancs de sable.

Claude Bourdin nous renvoie ainsi à la philosophie grecque qui fut notamment une profonde méditation sur la permanence et le changement, sur ce qui est immuable et sur ce qui passe…

Jean-Pierre Sueur