Éditorial de numéro 32 de novembre 2019 de La Lettre de Jean-Pierre Sueur
 
 
Attaché à parcourir les 325 communes du Loiret, j’entends les remarques de ceux qui me demandent si c’est bien mon rôle. Je leur réponds : oui, cent fois oui. Car j’éprouve beaucoup d’intérêt aux très nombreux contacts avec les élus et les habitants, avec les responsables économiques, sociaux, culturels, sportifs que permettent ces visites sur le terrain et à la participation à de nombreuses manifestations – comme d’ailleurs aux rencontres avec nos concitoyens qui me demandent un rendez-vous pour me faire part de difficultés de toute nature.
Et je puis vous l’assurer : on ne parle pas de la même manière à la tribune du Sénat et de l’Assemblée Nationale lorsqu’on rencontre chaque semaine des chômeurs, des personnes en précarité, des étudiants dont les ressources sont minces, des demandeurs d’asile qui vivent des situations inextricables et aussi des dirigeants d’association, des entrepreneurs, des créateurs qui ne manquent pas de projets, sans compter les jeunes qui veulent défricher de nouvelles voies pour l’avenir.
Je n’ignore pas les avantages de la représentation proportionnelle. Mais je crains qu’elle n’éloigne les élus du « terrain ». J’observe d’ailleurs que, lorsqu’il l’avait mise en place en 1986, François Mitterrand avait pris soin que celle-ci fût départementale. J’étais alors député du Loiret. Et non membre d’une liste nationale, forcément abstraite pour nos concitoyens.
J’ajouterai que s’ils doivent rester près des habitants, les sénateurs et députés se doivent d’exercer pleinement les missions nationales que la Constitution leur confère : voter les lois et contrôler le pouvoir exécutif. L’absentéisme parlementaire est un fléau dont la loi sur le non-cumul des mandats – c’est un fait – a réduit les effets.
Cela oblige à de sévères arbitrages dans l’emploi du temps. Je n’hésite pas à les faire. Et je dois dire que les maires, en particulier, comprennent bien que le travail parlementaire – la participation aux travaux des commissions et des séances plénières – justifie des absences et des excuses lors de manifestations dont je ne méconnais pas l’importance. Mais un parlementaire se doit d’abord d’exercer les missions pour lesquelles il a été élu.
Être « en même temps » – puisque l’expression est à la mode – un élu national et un élu de terrain, c’est nécessaire. Ce n’est pas incompatible. C’est, au contraire, complémentaire ! C’est prenant, certes – mais comment dissimuler que c’est aussi passionnant.
Un dernier mot. Certains s’étonneront de la place que prend dans cette 32e lettre-bilan le rapport que j’ai publié – après un an de travail – sur la thanatopraxie. Il se trouve que, membre du gouvernement, en 1991, j’avais été chargé de préparer le projet de loi adopté en 1993 qui a mis fin au monopole des pompes funèbres tout en redéfinissant les règles de service public qui s’appliquent aux obsèques. Depuis, j’ai toujours suivi la législation funéraire, ce qui m’a conduit à faire adopter nombre de textes de loi et à publier plusieurs rapports. On m’a souvent demandé pourquoi je m’intéressais à ce sujet plutôt austère. Je n’ai qu’une réponse : il s’agit de défendre les familles endeuillées, éprouvées et donc vulnérables. Tous mes travaux vont en ce sens. Et on verra que mes propositions sur la thanatopraxie ne sont pas sans importance pour les professionnels concernés – et pour les familles, tout particulièrement pour ce qui est du prix des obsèques.
Jean-Pierre Sueur