Sur le projet de loi intitulé « engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique », il y eut de notables désaccords entre le Sénat et l’Assemblée Nationale, et aussi des divergences au sein de chaque assemblée.
Pourquoi donc la commission mixte paritaire (rassemblant députés et sénateurs) à laquelle j’ai participé, est-elle parvenue à un accord qui s’est traduit par un vote positif dans chaque assemblée le 18 décembre dernier ?
Parce que nous avons choisi de privilégier les avancées concrètes contenues dans le texte, portant sur des aspects très divers de la vie des collectivités locales, plutôt que de cultiver et d’approfondir des divergences sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.
Je crois que cette attitude pragmatique correspond à l’attente des élus locaux.
Quelques mots, pour commencer, sur deux divergences qui me touchent particulièrement.
En premier lieu, je regrette vraiment qu’il n’ait pas été possible de reprendre les dispositions issues d’une proposition de loi que j’avais rédigée et qui avait été largement votée par le Sénat, qui permettraient une représentation plus juste des moyennes et petites communes au sein des communautés. Les amendements que j’ai présentés étaient justes, permettaient une plus grande souplesse, favorisaient des accords entre les élus et s’appuyaient sur une décision récente du Conseil Constitutionnel – ce qui réduisait le risque à nouveau brandi d’une censure de ce dernier. Je regrette vraiment qu’alors que le Sénat était d’accord sur ces avancées, l’Assemblée Nationale s’y soit opposée.
En second lieu, je regrette qu’il n’ait pas été possible d’avancer en matière de parité. Un rendez-vous est certes pris pour en parler « ultérieurement ». Mais de réels progrès étaient possibles dès maintenant.
Je continue en signalant un point, pour moi important, sur lequel j’étais – avec d’autres – en désaccord avec la majorité du Sénat, et sur lequel je me suis trouvé davantage en accord avec la majorité de l’Assemblée Nationale (on le voit : je revendique de ne pas avoir des réflexes simplistes et « pavloviens » sur ces sujets, pas plus que sur d’autres).
Il s’agit de l’affectation des compétences. Dans la version du Sénat, il était prévu que les communes puissent déléguer des compétences aux intercommunalités (ce qui est logique), mais aussi que les intercommunalités puissent en déléguer aux communes, mais encore – et sans solliciter l’avis des communes – aux départements et aux régions.
Avec un tel système, on s’acheminait vers des « compétences à la carte », tout niveau et toute collectivité pouvant être dotés de toutes compétences !
J’ai eu l’occasion de dire que c’était l’exact contraire de la philosophie des lois de décentralisation de 1982 – que j’ai votées comme député. J’étais et je reste attaché à ce que chaque niveau de collectivité exerce des compétences clairement définies. Je préfère la séparation des pouvoirs à leur confusion. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, les coopérations.
Cela étant dit, il y a dans le texte finalement voté des simplifications et adaptations en matière de compétences qui sont positives.
Je voudrais pour finir saluer un certain nombre d’apports concrets du texte qui seront assurément bénéfiques – et ont justifié nos votes :
- l’instauration d’une « conférence des maires » dans toutes les intercommunalités ;
- la généralisation d’une tarification sociale de l’eau (même s’il n’est pas prévu, à ce stade, que l’État y contribue financièrement) ;
- la sensible amélioration du régime indemnitaire applicable à un certain nombre d’élus dans les communes de moins de mille habitants, mais aussi de moins de 3 500 habitants ;
- le fait qu’un conseil municipal sera réputé complet dès lors qu’il comptera cinq élus dans les communes de moins de cent habitants et neuf dans celles de moins de cinq cents habitants ;
- le droit à une formation durant la première année de leur mandat pour tous les élus ayant reçu une délégation, y compris dans les communes de moins de 3 500 habitants (ce qui n’est pas le cas actuellement) ;
- le remboursement des frais spécifiques de déplacement engagés pour l’exercice de leur mandat par les élus communautaires en situation de handicap.
Cette liste n’est pas exhaustive – des bilans complets et détaillés paraîtront –, mais elle permet d’expliquer et de justifier nos votes, au total, positifs sur ce texte.
Jean-Pierre Sueur