L’histoire de l’humanité nous apprend qu’au fil des siècles les catastrophes de toutes sortes, et notamment sanitaires, les épidémies et les pandémies n’ont pas manqué.

Nous l’avions sans doute oublié.

Pourtant Albert Camus avait rappelé à la fin de son livre La Peste « que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi (…) et que peut-être le jour viendrait (…) où la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »

Il parle aussi de ce que « devraient accomplir encore (…) tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d’admettre les fléaux, s’efforcent cependant d’être des médecins. »

Donc le coronavirus est là. Il progresse et étend ses ravages aux dimensions du monde.

Face à ce fléau, je voudrais d’abord redire ce que j’ai dit lors de la récente réunion organisée par le Premier ministre lors de laquelle je représentais le groupe socialiste et républicain du Sénat, dont je suis vice-président : je plaide pour l’union, pour la solidarité, pour le respect de ce que demandent les autorités sanitaires. Rien ne me paraît pire, rien ne me paraît plus insensé que les exploitations politiciennes, que la recherche de petits et dérisoires profits politiciens dans une telle situation. Non : nous devons faire front dans l’unité et la solidarité des uns et des autres. Ensemble.

Seconde remarque : nous sommes plus que jamais à l’heure de la mondialisation. Et aucune frontière n’arrête le mal. Le protectionnisme ne protège pas. La pandémie est, par définition, mondiale. C’est pourquoi des mesures doivent pouvoir être prises au niveau de l’Europe et au plan international.

Ce fléau changera la donne. On le pressent déjà, même si l’urgence est de la combattre.

Pour ne prendre qu’un exemple, on mesure combien il fut déraisonnable de concentrer dans un seul pays – la Chine – une part si importante de la production industrielle, des médicaments au numérique en passant par l’automobile, même si cela nous fut présenté tant de fois comme inéluctable.

Mais rien n’est, dans ce domaine, inéluctable. Et il sera assurément sage d’œuvrer à l’avenir pour une distribution, une localisation plus équilibrée de l’ensemble des activités productives sur l’ensemble de la planète.

De même, bien des discours économiques et financiers sont d’ores et déjà caducs, puisqu’il faudra dédommager tous les salariés qui ne pourront plus travailler, ne serait-ce que pour la garde des enfants et assurer la pérennité d’un grand nombre d’entreprises et de services qui, sans aide, sans mesures exceptionnelles, seront voués à la fermeture.

Il faudra prendre en compte, encore davantage, ceux qui vivent dans la pauvreté et la précarité. Et il faudra, à l’évidence, revoir les mesures récentes qui auraient pour effet de réduire les allocations chômage…

Puisse ce bouleversement nous inviter à mieux distinguer l’essentiel de l’accessoire, à mieux choisir les vraies priorités au lieu de nous laisser entraîner, toujours plus, dans les boulimies de la société de consommation.

Puisse-t-il nous inviter à préférer la maîtrise du cours des choses au libéralisme sauvage et échevelé. Mais, dans l’immédiat, faisons face. Et n’oublions pas que les gestes de chacun contribuent à la protection de tous.

Oui, nous sommes tous solidaires.

Jean-Pierre Sueur