J’emprunte ce titre au numéro de l’hebdomadaire Marianne de cette semaine.

Certains trouveront que ce sujet n’est pas d’actualité, qu’il sera toujours temps d’en parler « après ».

Mais la question est bien là. Et on ne peut l’ignorer quand on vient – comme je l’ai fait – de participer aux débats sur la deuxième loi de finances rectificative (PLFR)… après la première, votée en mars… et en attendant la troisième, qui ne saurait tarder !

Il est clair que ces lois sont justifiées. Nul ne comprendrait que l’on ne prenne pas des mesures de financement exceptionnelles dans cette situation sans précédent et dont les conséquences seront d’une ampleur qu’on ne peut sans doute pas imaginer, ni mesurer aujourd’hui.

Ainsi, ce projet de loi de finances inclut :

  • la hausse des moyens des dispositifs d’urgence en faveur des salariés et des entreprises, avec notamment vingt-quatre milliards d’euros pour financer le chômage partiel et sept milliards d’euros sur le fonds de solidarité pour les très petites entreprises ;
  • un montant de vingt milliards d’euros pour le renforcement de la participation de l’État et des garanties d’emprunt pour les entreprises stratégiques en difficulté comme Air France, Renault, etc. ;
  • un abondement d’un milliard d’euros du fonds de développement économique et social en direction des entreprises fragiles en difficulté ;
  • une provision de huit milliards d’euros pour les dépenses exceptionnelles de santé (rémunération exceptionnelle du personnel soignant, achat de masques, etc.).

De surcroît, à l’initiative du Sénat, ce texte inclut également :

  • la baisse à 5,5 % du taux de TVA applicable aux tenues de protection sanitaire ;
  • le relèvement à mille euros du plafond de déduction à l’impôt sur le revenu pour les sommes versées en soutien aux personnes démunies ;
  • l’augmentation de 7 500 €  du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu applicable aux rémunérations des heures supplémentaires ;
  • l’adaptation de la règle du « service fait » pour aider les entreprises culturelles.

Et j’ajoute qu’un certain nombre de dépenses qui devraient relever, en cette situation de crise, du budget de l’État, restent incluses dans celui de la Sécurité sociale dont le déséquilibre va être, par voie de conséquence, très considérable – à un niveau sans précédent.

Au total, le plan d’urgence pour faire face à la crise sanitaire s’élèvera, à la suite de ce projet de loi, à 110 milliards d’euros, le déficit public atteindra 109 % du PIB et la prévision de croissance (ou plutôt de décroissance) sera de - 8 %.

… Et il est une question que ce projet de loi n’a pas du tout traitée, la renvoyant à des textes futurs. Cette question, c’est celle que nous posions au départ : qui va payer ?

S’il est évident que les mesures citées ci-dessus sont, pour l’essentiel, justifiées, il me paraît très contestable qu’elles soient « financées » uniquement par la dette et le déficit – autrement dit, si rien ne change, par tous les Français durant de longues années, sans qu’il soit question d’une plus grande solidarité et d’une plus juste répartition des efforts.

Or cela est absolument nécessaire.

Je pense en particulier :

  • à des mesures fiscales permettant de faire contribuer plus largement l’ensemble des hauts revenus à cet effort ;
  • à l’arrêt de la distribution des dividendes dans les très nombreuses entreprises en difficulté ;
  • à la participation du capital et des revenus financiers à l’effort commun ;
  • à la contribution, plus élevée que celle annoncée, que pourraient apporter les assurances, dont les réserves sont importantes et qui font, durant cette période de confinement, de notables économies, puisqu’il n’y a que très peu d’accidents de la route !

Je conclus. La situation est certes difficile. Mais ce n’est pas une raison pour faire l’impasse sur le financement des mesures exceptionnelles qui sont légitimement décidées. Cette question se pose. Elle se posera de plus en plus. Elle est incontournable. Sa réponse devra faire appel à la justice et à la solidarité.

Jean-Pierre Sueur

>> Lire à ce sujet le communiqué du groupe socialiste et républicain du Sénat