La liberté de la presse est essentielle. Sans elle, pas de démocratie. La loi de 1881, qui la garantit, est précieuse entre toutes. Il est des lois qui sont des symboles. Il ne faut y toucher qu’avec une « main tremblante » et sans doute est-il mieux de ne pas y toucher.

L’article 24 de la proposition de loi dite « sécurité globale », tel qu’il a été voté par l’Assemblée Nationale, met évidemment en cause la liberté d’expression et la liberté de la presse. Nous en avons eu la preuve par l’absurde. Si les faits n’avaient pas été filmés lors de « l’évacuation » de migrants place de la République à Paris, Gérald Darmanin n’aurait pas pu dire qu’il avait vu des « images choquantes » et si les violences faites à Michel Zecker n’avaient pas été filmées, Emmanuel Macron n’aurait pas exprimé sa « honte » devant de telles images.

François Hollande, qui a connu une situation où il a dû revenir en arrière – il s’agissait de la « déchéance de nationalité » – a fait à cet égard une déclaration très juste. Je cite : « Il y a plus d’honneur à retirer un texte quand il heurte les consciences et divise la société qu’à le maintenir quand le risque majeur est de créer de l’incompréhension et de provoquer la violence. Le seul apaisement possible est le retrait. »

J’ajoute que l’idée de créer une commission constituée de personnes nommées – aussi honorables soient-elles – pour réécrire la loi entre son examen par l’Assemblée et le Sénat est contraire à l’esprit de nos institutions. C’est le Parlement qui fait la loi. Les présidents de deux assemblées ont dénoncé ce procédé. On nous a depuis vendu que ladite commission ferait autre chose… sans convaincre pour autant, c’est le moins qu’on puisse dire !

Je me suis exprimé là-dessus en séance publique au Sénat ce samedi après-midi. La vidéo de mon intervention figure ci-dessous. Je suis clair : il faut supprimer cette commission comme cet article 24.

Il faut garantir pleinement la liberté d’expression et la liberté de la presse. Il faut aussi protéger les policiers et les gendarmes quant aux menaces dont ils peuvent être l’objet, ce que des dispositions législatives permettent déjà. Tout cela – comme l’ensemble du texte de la proposition de loi, au-delà de l’article 24 – demande un vrai travail parlementaire. Avec mes collègues, j’y prendrai toute ma part.

Jean-Pierre Sueur

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