Ancien adjoint au maire d’Amilly, professeur à Montargis et à l’Institut d’études politiques, Jean-Louis Rizzo poursuit son œuvre d’historien et après des livres éclairants sur Pierre Mendès-France, une « somme » sans équivalent sur Alexandre Millerand et une analyse des élections présidentielles en France depuis 1848, il nous propose, dans son dernier et récent ouvrage, un nouveau regard sur « de Gaulle, le gaullisme et la République ».
La première vertu de ce livre m’apparaît être pédagogique, ce qui, pour moi, n’est pas réducteur, tout au contraire. Il nous offre, en effet, une synthèse précise et documentée restituant l’histoire singulière de de Gaulle et du gaullisme, une histoire très partagée, puisque beaucoup de Français se référèrent ou se réfèrent encore à de Gaulle, ou du moins à l’une des étapes de son parcours exceptionnel.
Ce n’est pas pour autant un livre austère et compassé. Il est vivant. On y découvre par exemple que le jeune commandant de Gaulle écrivait les discours du maréchal Pétain auquel il devait s’opposer avec une farouche et extraordinaire détermination dès les débuts de l’aventure de la « France libre », alors qu’« aucun homme politique d’envergure ne le rejoint à Londres » et que la « justice » militaire de Vichy, aux ordres du même maréchal Pétain, le condamne à la peine de mort le 3 août 1940.
L’une des principales questions que pose Jean-Louis Rizzo en retraçant tous les épisodes de la longue carrière de Charles de Gaulle est la suivante : « Est-il pragmatique ou doctrinaire ? » Pragmatique, de Gaulle le fut assurément. Ainsi : « Issu d’un milieu conservateur qui ne portait pas dans son cœur l’idéal républicain, officier d’une armée non moins conservatrice, il a su s’extirper de cet univers pour conduire à deux reprises des gouvernements d’union nationale, puis pour présider la République bien au-delà des idéologies […] En 1958, il rompt avec toutes ses exigences antérieures pour accepter toute une série de compromis avec les partis républicains. »
Sur la décolonisation, « devant l’évolution du monde, devant l’aspiration des peuples à accéder à leur souveraineté, il a compris rapidement qu’il ne servait à rien de s’accrocher à des conceptions révolues. »
De même, de Gaulle accepte qu’il soit inscrit dans la Constitution que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », même s’il ne doutait pas que, dans maints domaines, c’est le président qui déterminerait et conduirait ladite politique. Et, on le sait, il en ira de même pour ses successeurs… Qui méconnaîtrait aujourd’hui que la politique sanitaire de la nation est « déterminée et conduite » par le chef de l’État ?
Pragmatique, de Gaulle ne fut pourtant pas opportuniste, au sens péjoratif du terme. S’il n’était pas à proprement parler « doctrinaire », il était assurément guidé par une philosophie, par une conception de l’État et de son service et, bien sûr, « une certaine idée de la France. »
Jean-Pierre Sueur
  • De Gaulle, le gaullisme et la République, Jean-Louis Rizzo, éditions Glyphe, 220 pages, 18 €