Cette année, il n’y aura pas de débat public au Sénat sur la partie « dépenses » de la loi de finances pour 2022.
Pourquoi ?
Parce que la majorité du Sénat a choisi de rejeter la première partie, consacrée aux recettes, après l’avoir, pourtant, largement modifiée.
Les années précédentes, au bénéfice de ses amendements, la majorité adoptait la première partie, ce qui permettait de débattre en séance du budget de chacun des ministères.
Je conçois l’agacement – voire plus ! – que suscite l’annonce quotidienne, par le président de la République et le gouvernement, de nouvelles dépenses, à caractère souvent électoral, pour répondre aux vœux supposés des Français – alors qu’aucune de ces dépenses n’est inscrite dans le projet de loi de finances initial, et qu’elles suscitent donc une pléthore d’amendements gouvernementaux successifs.
Mais comme l’a dit à la tribune du Sénat mon collègue et ami Rémi Féraud : « Comme elle s’oppose à la partie dépenses, la majorité sénatoriale va rejeter les recettes alors qu’elle a adopté tous les articles parfois en les modifiant. »
Je ne cacherai pas mon désaccord avec cet état de choses.
Pour défendre constamment les droits du Parlement par des propositions de loi, des tribunes dans la presse, des interventions en séance, je crois pouvoir dire que je tiens, pour ma part, à ce que – comme c’est souvent le cas – le Sénat accomplisse pleinement la tâche qui est la sienne et donc débatte du budget de chaque ministère.
J’éprouve le même malaise lorsqu’en nouvelle lecture (après l’échec de la commission mixte paritaire), la majorité du Sénat propose de voter une question préalable dont l’objet est de décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer.
Pour être complet, je dois ajouter que cette attitude est souvent justifiée par le caractère bloqué et monolithique des votes de l’imposante majorité de l’Assemblée Nationale. Dès lors qu’il apparaît que celle-ci n’adoptera pas le moindre amendement provenant du Sénat et se rangera systématiquement derrière les positions de l’exécutif, à quoi bon faire de nouvelles propositions ?
Au total, c’est toujours la même question qui revient : celle du plein exercice par les deux assemblées du Parlement des droits qui leur sont dévolus par la Constitution.
Jean-Pierre Sueur