La commission des lois du Sénat a procédé à une audition publique approfondie de représentants du comité des États généraux de la Justice et, en particulier, de son président, Jean-Marc Sauvé, de la Première présidente de la Cour de cassation, Chantal Arens, du procureur général près cette cour, François Molins, et de Jérôme Gavaudan, président du Conseil national des Barreaux.
Je publie ci-dessous la visio intégrale de cette audition qui a permis d’évoquer nombre de sujets importants.
Il est utile, me semble-t-il, de revenir sur ce rapport qui n’a pas vraiment fait la une de l’actualité puisque les travaux ont eu lieu durant la période qui a précédé les élections présidentielle et législatives et que le rapport a été rendu public juste avant la période électorale elle-même. Je reviendrai sur trois points – parmi beaucoup d’autres – qui ont notamment fait l’objet de mon intervention lors de l’audition publique – intervention à laquelle Jean-Marc Sauvé et François Molins ont apporté des réponses.
· Il y a d’abord la question des moyens. On ne cesse de dire, depuis si longtemps, que le budget affecté au ministère de la Justice est, par rapport au PIB, l’un des derniers de l’Union européenne et de l’OCDE. Il y a eu, certes, des augmentations au cours des dernières années, de 8 % lors des deux dernières lois de finances, et à nouveau une augmentation de 8 % est prévue dans la prochaine loi de finances. Mais il est clair que cela ne permet pas et ne permettra pas de rattraper le retard accumulé. Et ce d’autant plus que ces augmentations ne vont pas essentiellement à la justice pénale ou civile ou à la justice des mineurs, mais sont largement obérées par les choix faits en matière pénitentiaire, et notamment le recours au partenariat public-privé. Dans ce contexte, j’avais préconisé qu’au-delà du dogme de « l’annualité budgétaire », on puisse envisager un plan de dix ans qui s’appliquerait impérativement à tout gouvernement, présent ou à venir. Le comité des états généraux a préféré opter pour un plan de cinq ans. Celui-ci est précis, chiffré. Il prévoit le recrutement de 1 500 magistrats supplémentaires (en plus du remplacement des départs à la retraite), le recrutement de juristes assistants contractuels « dont le nombre ne devra pas être inférieur à 2 000 », l’augmentation des effectifs des greffiers de 2 500 à 3 000 personnes et celui des personnels administratifs et techniques d’au moins 2 000 personnes. Il est clair que si ce programme est réalisé, cela sera un grand pas en avant pour la justice. Mais il faudra impérativement y affecter les financements nécessaires.
· Les prisons. Sur ce sujet, le rapport est très clair. Il affirme que la privation de liberté, et donc la détention en établissement pénitentiaire, doit être une sanction, certes, mais qu’elle doit aussi favoriser la réinsertion de la personne détenue. Or l’état de vétusté d’un certain nombre d’établissements pénitentiaires, ou d’une partie d’entre eux, ne crée pas les conditions propices à la réinsertion. Plutôt que de construire de nouvelles prisons, il faudrait déjà restaurer celles qui doivent l’être. Il faut aussi lutter contre la surpopulation en prison, ce qui suppose une régulation faisant intervenir les différents acteurs de la justice et particulièrement les juges de l’application des peines, comme l’avait préconisé Dominique Raimbourg, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il faut aussi développer résolument les peines alternatives à la détention. Le rapport écrit en toutes lettres à ce sujet : « Une réponse fondée uniquement sur la détention par l’enchaînement de programmes de construction d’établissements pénitentiaires ne peut constituer une réponse adéquate. »
· Proximité. Ce mot revient dans le rapport des états généraux. Nos concitoyens souhaitent une justice plus proche, plus rapide, plus efficace. Le rapport insiste sur le rôle de la justice civile qui devra particulièrement bénéficier de l’affectation des nouveaux effectifs et moyens. Il insiste aussi sur toute l’importance qui doit être réservée à la première instance afin d’éviter – quand faire se peut – un certain nombre d’appels. Je me suis permis d’évoquer, dans le même sens, le rôle des Maisons de justice et du droit, citant l’exemple de celle d’Orléans. Ces Maisons sont très sollicitées. Elles le sont d’autant plus que le développement de la vidéo conférence leur permet d’intervenir sur le territoire de l’ensemble des départements où elles sont situées. Leur rôle me paraît être très positif. Là encore, les moyens ne sont pas à la hauteur de l’enjeu quand une seule greffière assure la gestion d’un tel établissement qui reçoit des milliers de nos concitoyens.
Jean-Pierre Sueur