La longue réunion tenue à Saint-Denis par Emmanuel Macron avec les présidents ou chefs de file des partis représentés au Parlement a fait resurgir, dans les médias du moins, l'idée selon laquelle des référendums permettraient de pallier l'absence de majorité à l'Assemblée nationale.
Un ministre, Olivier Véran, a même prôné le « préférendum », formule qui permettrait, si j'ai bien compris, de consulter les Français sur plusieurs sujets à la fois lors d'un seul scrutin.
Le référendum est une procédure qui existe, qui est prévue par la Constitution. Il est donc possible et légitime d'y recourir.
Mais il présente certains inconvénients. On a souvent vu qu'il pouvait prendre un caractère plébiscitaire, les électeurs votant alors pour ou contre le président de la République qui a posé la question, et non sur la question posée.
D'autre part, pour l'appliquer à certains sujets constamment évoqués – je pense à l'immigration –, il faudrait d'abord réformer l'article 11 de la Constitution, comme d'ailleurs pour mettre en œuvre le « préférendum » cher à Olivier Véran. Il y aurait donc une procédure préalable assez lourde à accomplir.
Mais je tiens surtout à faire observer que si le référendum s'applique bien à certains sujets, il me paraît totalement inapproprié lorsqu'il s'agit de statuer sur des projets de loi.
En effet, le référendum, par essence, est binaire. On ne peut répondre que par oui ou par non.
Or, les projets de loi dont on parle – outre l'immigration, l'environnement ou l'éducation – sont complexes. Et entre le projet de loi et la loi, il y a les débats parlementaires qui se traduisent, au moyen de nombreux amendements, par l'examen, la discussion et la rédaction de chaque alinéa, chaque ligne, de chaque phrase du texte. Cela ne peut renvoyer à des logiques globalement binaires et justifie l'élaboration de la loi, ligne à ligne et presque mot à mot, par le Parlement.
S'agissant de l'immigration, je regrette les excès de démagogie auxquels on assiste tous les jours. J'ai eu l'occasion de dire au Sénat, en séance publique, que c'est un sujet qu'il ne fallait pas « exploiter », mais « traiter ».
À cet égard, je me permets de conseiller l'excellent livre d'un chercheur qui a étudié de près la question, François Héran, qui s'intitule Immigration : le grand déni (Éditions du seuil). On y lit par exemple : « Oui la population immigrée a progressé en France depuis 2000, mais moins que dans le reste de l'Europe. Non, notre pays n'a pas pris sa part dans l'accueil des réfugiés. La hausse vient d'abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. »
Cette citation n'est qu'un exemple d'une analyse des faits – statistiques à l'appui – qui viennent démentir les idées toutes faites et les démagogies.
Oui, « traiter » le problème et non « l'exploiter », ce serait une attitude juste, rationnelle et véritablement républicaine.
Jean-Pierre Sueur