Voici donc qu’un nuage de poussières désorganise le cours du monde. Mais j’ai tort, de parler du monde. Car la désorganisation est nulle, ou minime, pour tous les habitants de la planète qui n’ont pas les moyens de prendre l’avion. C’est le plus grand nombre. Cela doit être noté. Comme il doit être noté qu’il y a là un saisissant paradoxe. Qui aurait pu penser que ces petites poussières cloueraient au sol des dizaines de milliers d’avions ? La nature vit sa vie. Elle peut-être bienfaisante ou hostile. L’espèce humaine a beaucoup œuvré pour la maîtriser, même si, ce faisant, elle lui a aussi porté tort. Et l’on sait aujourd’hui qu’il faut réparer les dégâts du progrès, que l’on ne peut désormais appeler progrès ce qui produit ces dégâts et qu’il faut donc concevoir de nouveaux modes de développement. Il n’empêche que, même si les capacités de l’intelligence humaine sont grandes, on voit mal comment elles permettraient de nous prémunir contre les éruptions volcaniques ou les tsunamis. C’est en tout cas un sujet de réflexion. Ce sujet aurait certainement passionné Blaise Pascal qui n’eût pas manqué d’observer avec intérêt comment d’infiniment petites poussières pouvaient détraquer l’infiniment grand réseau des liaisons planétaires.
Jean-Pierre Sueur
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