C’est une règle fondamentale en démocratie : il faut toujours écouter le message des électeurs.

En plaçant en tête Emmanuel Macron, les électeurs ont clairement manifesté leur désir d’un renouveau dans le fonctionnement de la vie politique.

Ce désir de renouveau, il faut l’entendre. Et il faut œuvrer pour ne pas le décevoir.

Les historiens reviendront, à n’en pas douter, sur cette émergence d’un candidat pratiquement inconnu il y a trois ans, ayant créé son parti il y a un an, et se retrouvant en position de devenir bientôt président de la République – ce qui est sans précédent sous la Cinquième République et même sous les Quatrième et Troisième Républiques.

Il semble peu contestable que, pour que cet événement advienne, il fallait, au-delà des circonstances très particulières de cette élection, qu’il y ait chez les Français une profonde volonté de changer la donne et de faire bouger les lignes.

Trois questions se posent maintenant, liées au second tour de la présidentielle, aux législatives et à l’exercice du pouvoir.

• S’agissant du second tour de l’élection présidentielle, les choses sont pour moi d’une totale clarté. J’appelle à voter massivement pour Emmanuel Macron, devenu le candidat des valeurs républicaines, afin de battre Marine Le Pen dont le programme est plus que dangereux pour la France et pour l’Europe. Nombre de Français n’imaginent pas, encore aujourd’hui, le désastre que seraient la sortie de l’Europe et de l’euro et le retour au protectionnisme le plus étroit pour notre économie, nos emplois, notre agriculture, notre système social, etc. Sans compter les positions antihumanistes – c’est le moins qu’on puisse dire – du parti de Jean-Marie Le Pen, même s’il a été plus ou moins habilement ripoliné par sa fille.

• S’agissant des législatives, l’enjeu est de taille. Il faudra « transformer l’essai » de l’élection présidentielle. Il faudra donc qu’Emmanuel Macron puisse s’appuyer sur une majorité claire à l’Assemblée nationale. Je me suis déjà exprimé là-dessus. Je ne crois pas que le mouvement « En marche ! » puisse y parvenir seul, par une démarche « sui generis » en quelque sorte. Le Parti socialiste est largement devenu un parti « social-démocrate », au sens où il veut mettre en œuvre justice et solidarité dans une société ouverte, une société d’initiative et d’entreprise, s’inscrivant fermement dans une logique européenne. Certains ne partagent pas ces choix, mais ils ne sont pas majoritaires. Je propose donc qu’une majorité nouvelle soit créée associant le mouvement « En marche ! », la majorité du Parti socialiste et d’autres encore provenant des partis écologiques et des centristes véritablement attachés à la réforme de notre société. La constitution d’une telle majorité supposera des discussions, des négociations et des choix pour les élections législatives : une multiplicité excessive de candidatures portant des projets proches peut, en effet, avoir dans le dispositif électoral actuel (il faut avoir 12,5 % des inscrits – et non des votants – pour se maintenir au second tour) des effets délétères. Cette majorité que j’appelle de mes vœux pourra être liée par un « contrat de législature » – pour reprendre la belle expression de Pierre Mendès-France – qui sera une charte engageant ses signataires à mener à bien toute une série de réformes dans les cinq ans qui viennent.

• S’agissant enfin de l’exercice du pouvoir, je suis convaincu, tirant les leçons des cinq ans qui viennent de s’écouler, qu’il faut agir vite – les six premiers mois sont décisifs ! – et conjuguer une grande clarté dans la mise en œuvre des réformes avec les nécessaires explications. Notre « opinion » – pour reprendre un mot bien imprécis – se cabre vite contre les réformes dès lors qu’elles ne sont pas clairement justifiées et expliquées, ce qui produit de l’immobilisme. Sur le fond, j’ai déjà dit que je pensais que la politique économique de François Hollande et de ses gouvernements serait réévaluée par l’histoire. J’ai lu dans Le Figaro vendredi dernier ce titre : « Les entreprises se remettent à embaucher : un niveau jamais atteint depuis 2002. » François Hollande et ses gouvernements auront eu le mérite d’œuvrer pour créer des conditions favorables à notre développement économique et à l’emploi. Ce sont des acquis sur lesquels il faudra, à mon sens, s’appuyer, pour aller plus loin et mener à bien nombre de réformes nécessaires. Nous en reparlerons. J’ajouterai, pour finir par là où j’ai commencé, que le renouveau du fonctionnement de ce qu’on appelle la « politique » fait assurément partie des évolutions indispensables : celle-ci doit être moins stéréotypée, moins figée dans des postures, plus proche des préoccupations quotidiennes. Oui, il faut faire bouger les lignes…

Jean-Pierre Sueur