Faut-il déjà rappeler que les Français ont fait un choix lors de l’élection présidentielle et que, quoi qu’on puisse penser des conditions dans lesquelles ce choix a été fait, il s’impose aux démocrates que nous sommes ?

Faut-il rappeler aussi que les Français, souvent fatigués des postures politiques, ou politiciennes, stéréotypées, ont approuvé et semblent toujours approuver la volonté d’Emmanuel Macron de faire bouger les lignes et d’imprimer un nouveau cours à la vie politique de notre pays ?

J’écris cela pour inciter à la réflexion par rapport aux critiques que je vois monter alors que ce quinquennat ne fait que commencer. Il sera plus judicieux, me semble-t-il, de juger les actes plutôt que les intentions prêtées.

Mais je veux aussi dire que je comprends le malaise que peut susciter la formule « ni droite ni gauche » – ou plutôt « et de droite et de gauche » – en ce qu’elle laisserait supposer une sorte de symétrie, d’égalité entre la gauche et la droite, la recherche de la vérité consistant à additionner ce qu’elles auraient de meilleur pour façonner une sorte de parti central qui risquerait de gommer toute différence – à l’exception de celles qui caractérisent les extrêmes qui, du coup, se renforceraient.

Quand on se sent, quand on se vit « de gauche » depuis toujours, ou quand, venu d’ailleurs, on a, peu à peu, adhéré aux valeurs de la gauche, quand on y croit, qu’on a milité, qu’on milite toujours pour la justice, le progrès, pour une société plus solidaire, où l’égalité et la fraternité ne soient pas de vains mots, on ne se résout pas à oublier ces idéaux et ces valeurs.

Je suppose qu’il en est de même pour celles et ceux qui partagent les convictions de la droite – mais je ne puis en parler, n’en ayant pas l’expérience.

Je reviens donc à la gauche. Et je précise que, pour moi, être de gauche c’est – dans la foulée de Pierre Mendès-France, Michel Rocard et Jacques Delors – inventer une gauche moderne qui sait que le marché existe, qu’il est nécessaire, mais qui n’ignore pas qu’il est « myope », une gauche moderne qui croit donc au rôle de l’État et des services publics. C’est inventer une gauche qui regarde en face la mondialisation, mais ne se résout pas à ce que les peuples, les gouvernants et les organisations internationales subissent cette mondialisation sans faire prévaloir les règles du droit et de la justice. C’est inventer une gauche qui renforcera l’Europe, qui est aujourd’hui si nécessaire, comme pôle de stabilité, de développement, de paix et de progrès dans un monde instable et dangereux.

On le voit, comme bien d’autres, je tiens à cette gauche – et d’ailleurs à la gauche.

Je ne suis pas sectaire pour autant. Et de même que des élus de bords différents travaillent ensemble dans toutes les intercommunalités de France – depuis les communautés de communes jusqu’aux métropoles –, je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait pas coopérer au plan national sur un certain nombre de sujets et de perspectives.

Mais que ce soit dans la clarté ! Et sans nier les différences.

Emmanuel Macron a fait un choix. Il a dit que son action serait « progressiste. » Pour que son action soit progressiste, il doit pouvoir s’appuyer sur une majorité progressiste.

C’est pourquoi – au risque de me répéter – je redirai qu’il est, pour moi, essentiel que ceux qui se réclament de la gauche et d’une gauche réformatrice puissent faire entendre leur voix et peser au sein de la future majorité.
Je redis qu’on ne fera pas une majorité progressiste avec des conservateurs. Et c’est pourquoi je soutiens les candidats qui se réclament du socialisme et de la gauche de gouvernement aux prochaines élections législatives.

Jean-Pierre Sueur