Le débat qui revient sur la question de la « moralisation » de la vie politique appelle de ma part une première remarque dont je puis vous assurer qu’elle n’est en rien « corporatiste. »

Il y a 550 000 élus en France. J'en connais beaucoup, au plan national, mais aussi, bien sûr, dans le Loiret. Et je puis témoigner que ces élus, dans leur écrasante majorité, assument le mandat qui leur a été confié par les électeurs, avec dévouement et probité. Aussi sont-ils parfois découragés de constater que dès lors que certains ont un comportement condamnable, l’amalgame soit trop facilement fait avec tous les autres. Qu’on condamne ceux qui doivent l’être,  qu’on instaure des règles d’inéligibilité très strictes pour ceux-là, comme le propose François Bayrou : très bien ! Mais je demande aussi qu’on ne voue pas de ce fait aux gémonies ceux qui n’ont rien à se reprocher.

Ayant été le rapporteur au Sénat de la dernière loi sur ce sujet  - la loi sur la transparence de la vie publique –, qui a permis de beaucoup avancer sur les conflits d’intérêts et a créé la Haute autorité de la transparence de la vie publique, je puis affirmer que le projet de loi pour « la confiance dans la vie démocratique », préparé par François Bayrou, s’inscrit dans la continuité de ce texte et de textes plus anciens – les premiers étant dus à l’initiative de Michel Rocard – qui poursuivent le même objectif.

Je partage les objectifs et j’approuve, pour l’essentiel, les dispositions de ce nouveau texte.

S’agissant de la réforme constitutionnelle, il s’agit de mesures très judicieuses – je pense en particulier à la suppression de la Cour de justice de la République –, dont certaines – telle la réforme du Conseil Constitutionnel pour en exclure les anciens présidents de la République – étaient vivement souhaitées par François Hollande, mais auxquelles la droite – ou une partie de la droite – s’est constamment opposée ces dernières années, ce qui ne permettait pas d’obtenir au Congrès la majorité requise.

Il en allait d’ailleurs ainsi pour la réforme du statut du Parquet et du Conseil supérieur de la magistrature – réforme attendue de beaucoup et indispensable pour éviter que la France soit constamment condamnée ou critiquée par la Cour européenne des Droits de l’Homme. Et puisqu’il y a donc un projet de réforme constitutionnelle, il me paraîtrait salutaire que ces réformes concernant la Justice y soient enfin intégrées.

Sur les parlementaires, les conflits d’intérêts, la suppression des « emplois familiaux », les justifications des frais entraînés par l’exercice des mandats parlementaires, le financement des partis politiques et la transparence à cet égard ainsi qu’au sujet des dons effectués pour financer les campagnes électorales, je partage les objectifs poursuivis. Je serai évidemment attentif à l’écriture précise du texte : c’est mon rôle en tant que parlementaire.

Un dernier mot sur la « réserve parlementaire ». Je précise d’abord que ce que l’on appelle ainsi est une somme inscrite au budget du ministère de l’Intérieur, dont l’affectation relève des parlementaires.

 Au Sénat, en particulier, ces sommes sont majoritairement affectées aux petites et moyennes communes afin de les aider à financer leurs équipements et investissements. Tout est désormais transparent puisque les sommes attribuées sont publiées au Journal Officiel.

Des évolutions sont, bien sûr, tout à fait possibles. Je n’y mettrai qu’une condition. Puisqu’il s’agit, je l’ai dit, de sommes qui aujourd’hui aident, pour l’essentiel, les petites et moyennes communes, et donc la ruralité… il ne serait pas acceptable pour moi qu’elles soient purement et simplement reversées dans le « pot commun » du budget de l’État. Ce serait alors un recul pour ces petites et moyennes communes et pour la ruralité.

Jean-Pierre Sueur