J’ai souvent écrit mon estime pour le travail d’édition mené avec ténacité – et avec un grand amour de la littérature – par Jean-Louis Pierre, créateur des éditions « La guêpine », situées à Loches.

Une nouvelle illustration de ce travail de grande qualité nous est offerte avec la parution d’un texte inédit de Charles Louis-Combet, écrivain trop peu connu, qui a, au travers de nombreux livres, mené ce que j’appellerai une « quête de l’intime » en un style somptueux, de haute lignée.

Ce texte inédit  s’intitule : Charles Péguy, l’initiation.

Charles Louis-Combet nous conte comment alors qu’adolescent il était fasciné par l’un de ses camarades appelé « l’Ange musicien », il fut successivement subjugué par la découverte des Fleurs du mal de Baudelaire et du Mystère des Saints Innocents de Péguy.

Charles Louis-Combet nous invite donc à le suivre – une fois encore – dans un cheminement intime fait d’angoisses, de désillusions, d’enthousiasmes et de découvertes.

Il s’interroge sur la question de savoir si Le Mystère des Saints Innocents « agirait comme un antidote ou me confirmerait dans une soumission à la tentation baudelairienne. »

Peu à peu, il est emporté, « saisi », par le style de Péguy – « par la singularité de l’expression, mais absorbé, en même temps, par la simplicité, la familiarité même de la vision et de la pensée. »

Et il écrit : « Ce n’était pas l’idée mais la forme de l’idée qui tout à la fois m’éveillait et me déchirait. » Et encore : « Ma première lecture de Péguy s’imposa d’emblée, pour moi, comme une initiation au rythme (…) J’étais mû, constamment, par le rythme, par la modulation inépuisable du souffle, qui s’associait, en mon esprit, à ce que je connaissais par ailleurs, grâce à la pratique du chant grégorien. J’ai éprouvé tout de suite la composante physique de la prosodie de Péguy, ses assises de chair, de respiration, de circulation du sang et souplesse des muscles. »

Enfin, Claude Louis-Combet nous restitue sa découverte d’Ève – chef d’œuvre de Charles Péguy, malheureusement trop méconnu – avec un remarquable enthousiasme :« Je retrouvais dans Ève, mais comme porté à l’infini, ce qui m’avait émerveillé dans les Tapisseries : une allure de légion en marche, de piétinement cadencé, obstiné, irrésistible (…) Je retrouvais par là, et ne me privais pas de goûter, dans le prolongement des Mystères, une épaisseur charnelle de verbe, un souffle physique de rythme, une respiration rappelant à tout moment que le poème est œuvre du corps. »

Oui, il faut remercier Jean-Louis Pierre de nous offrir ce texte, l’un des plus pénétrants qu’il m’ait été donné de lire sur l’écriture de Charles Péguy.

Jean-Pierre Sueur