Quand on a connu la crise du lait, celle de l’élevage, quand on connaît les incertitudes qui subsistent sur les zones défavorisées, quand on sait ce qu’il en est des revenus effectifs d’un certain nombre d’agriculteurs, comment ne pas partager les réactions des organisations professionnelles et du ministre de l’Agriculture qui dénoncent la réduction de 5 % des crédits de la « Politique agricole commune » (PAC) envisagée pour les années 2021-2027 au plan européen comme une diminution « drastique, massive, aveugle, inenvisageable. » Et je suis, bien sûr, solidaire des agriculteurs qui craignent d’être les premières victimes d’une telle décision et demandent au président de la République et au gouvernement de ne pas l’accepter.

Et cela même si je pense – à l’instar d’un nombre non négligeable d’agriculteurs – que l’on pourrait et devrait revoir la répartition des crédits de la PAC entre le premier pilier (aides directes) et le second (développement rural) et revoir aussi la répartition des aides directes selon les types d’exploitation et de revenus.

Mais je veux ajouter que si cette question de la réduction potentielle des crédits de la PAC a fait la « Une » dans les médias – ce que je comprends, eu égard à l’impact qu’elle aurait en France, tout particulièrement –, il serait injuste de passer sous silence les autres mesures inscrites dans ce projet de budget, qui vont dans le bon sens et qui sont – pour certaines – attendues depuis longtemps.

La première d’entre elles serait de conditionner le versement des fonds européens au respect de l’état de droit, de l’indépendance de la justice et des droits de l’Homme. De surcroît, les mesures afférentes seraient mises en œuvre par des décisions du Conseil européen prises non plus unanimement (ce qui ôterait tout effet), mais à la majorité. On comprend que cela ne plaise ni à la Pologne, ni à la Hongrie, ni à Malte, ni à la Roumanie… Mais on comprend aussi, et surtout, qu’en faisant une telle proposition, la Commission affirme que l’Europe n’est pas seulement une sphère marchande, mais que c’est d’abord le respect de principes et de valeurs communes.

Deuxième bonne nouvelle : il est proposé que les crédits pour « Erasmus » soient doublés. C’est une excellente initiative que d’aider ainsi les étudiants de toute l’Europe. Pareillement, les crédits pour la recherche progressent même si cette progression est trop faible au regard des enjeux.

Troisième point important : une augmentation des crédits et des effectifs de Frontex. Il n’est pas d’autre moyen si on veut faire face aux « passeurs » qui exploitent la misère et transforment la Méditerranée en cimetière à ciel ouvert.

Quatrième point significatif : treize milliards d’euros seraient prévus pour « l’Europe de la Défense ». Bien que l’on proclame depuis des décennies l’ardente nécessité de cette « Europe de la Défense », on prévoit pour la première fois de dépasser le stade des incantations.

Enfin, le budget progresse. C’est donc plus d’Europe. Ce qui est bien, si l’on parvient à ce que les lumières éclairent davantage encore et à ce que l’on trouve des solutions pour dissiper les ombres annoncées.

Les négociations commencent.

Jean-Pierre Sueur