Editorial du numéro 5 de La Lettre du sénateur Jean-Pierre Sueur (juin 2004) L’Etat a pris, depuis une vingtaine d’années, de nombreuses décisions qui ont eu pour effet de réduire le montant des impôts locaux. A chaque fois, l’engagement a été pris de compenser le « manque à gagner » pour les communes, départements et régions par des « dotations de l’Etat ».
Le volume de ces dotations s’est toujours accru, au point de constituer l’un des premiers budgets de l’Etat. Nos concitoyens ignorent qu’ils financent autant, voire davantage, leurs collectivités locales en payant leurs impôts nationaux qu’en acquittant leur contributions locales. Il y a là une évolution qui présente de réels inconvénients.
D’abord parce que les dotations de l’Etat ne compensent pas toujours le « manque à gagner » des collectivités locales. Mais aussi parce que ce dispositif réduit les marges d’autonomie financière et fiscale des collectivités locales.
D’où l’idée d’inscrire cette autonomie dans la Constitution. Là où le bât blesse, c’est que la formulation inscrite dans la Constitution dispose que cette part d’autonomie sera « déterminante », ce qui est très imprécis… Ce qui explique les difficultés auxquelles s’est trouvé confronté le Sénat lors du récent débat sur la loi organique portant sur ce sujet.
Pour moi, ce débat ne peut pas être séparé de celui sur la péréquation. Lorsqu’on est pauvre, il est bien d’être « autonome », mais cela ne réduit pas pour autant la pauvreté.
Nos dotations d’Etat aux collectivités locales sont très élevées, je l’ai dit. Le paradoxe, c’est que ces dotations, pour élevées qu’elles soient, sont au total peu redistributives : la part de la péréquation représente environ 7 % de l’ensemble des dotations. Or, il y a des communes, urbaines comme rurales, dont les moyens ne sont pas à la hauteur de leurs charges. Cela vaut aussi pour les départements et régions.
C’est pourquoi, je ne suis pas un adepte de l’autonomie pour l’autonomie.
Je pense qu’à mesure que l’on accroîtra (ce qui est souhaitable) l’autonomie financière des collectivités locales, il faudra constamment augmenter, à l’intérieur du montant des dotations de l’Etat, la part de la péréquation. C’est tout à fait nécessaire pour que le principe d’égalité s’applique aussi à nos collectivités territoriales – et donc, à leurs habitants.

Jean-Pierre Sueur

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