Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, dont on connaît la proximité avec Nicolas Sarkozy, vient de s’en prendre très vivement à l’intercommunalité, considérée comme étant à l’origine des difficultés que connaissent les collectivités locales et la décentralisation (cf. l’article publié par le journal Le Monde).
J’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur cette question, en particulier lorsque paraîtra le rapport que la Cour des Comptes doit publier sur cette question.
Je me limiterai aujourd’hui à six remarques. 1. Les lois de 1992 et de 1999 ont permis une « révolution tranquille » puisque les communautés d’agglomération et de communes sont aujourd’hui très nombreuses et que 83% des Français vivent au sein d’une « communauté ». Cela correspondait, et correspond toujours, à une nécessité. Il est évident que le plus grand nombre des 36 700 communes que compte notre pays ne peuvent, à elles seules, faire face aux questions d’aménagement, de développement économique, d’environnement, de transport, etc. Et que dans l’espace urbain, ces questions doivent désormais être traitées au niveau de l’agglomération. Il serait absurde de revenir en arrière.

2. Il est vrai que certains « périmètres » peuvent être critiqués. Mais n’oublions pas que les lois de 1992 et de 1999 ont été faites sur le respect de la démarche volontaire des communes. Les « majorités qualifiées » n’ont pas été modifiées par rapport à ce qui existait auparavant pour les syndicats à vocation unique ou multiple. Si les périmètres avaient été imposés autoritairement par les préfets, MM. Sarkozy, Hortefeux et beaucoup d’autres n’auraient pas manqué de protester.

3. La philosophie des lois de 1992 et 1999 est claire : c’est l’intercommunalité faite avec les communes et dans le respect des communes. Ce n’est pas l’intercommunalité contre les communes. Je suis de ceux qui ont tenu et tiennent toujours à cette philosophie.

4. Il est tout à fait exact qu’il est nécessaire de clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités locales et d’éviter les « doubles emplois » qui engendrent des coûts et des lourdeurs administratives. Mais on doit observer que la loi Raffarin sur la décentralisation de 2004 (soutenue par Nicolas Sarkozy devant le Parlement avec relativement peu d’enthousiasme d’ailleurs) ne va pas dans ce sens puisqu’elle permet pratiquement à tout « niveau » de collectivité de se doter à un titre ou à un autre de toute compétence, ce qui accroîtra les inégalités et rendra le dispositif plus confus et moins « lisible ». La nécessaire clarification reste à faire.

5. On ne pourra pas longtemps encore faire l’impasse sur la démocratie, tout particulièrement pour les communautés d’agglomération. Celles-ci gèrent des budgets plus importants et prélèvent plus d’impôts que la ville centre. Leurs compétences sont plus développées. Dans ces conditions, comment expliquer que l’on n’élise pas leurs conseils au suffrage universel direct ? N’oublions pas que l’élection – et le contrôle direct par les citoyens – est l’antidote naturel aux éventuelles « dérives ».

6. On parle beaucoup, dans ce débat, des Hauts de Seine… département dont le Conseil général est toujours présidé par Nicolas Sarkozy. Il me paraîtrait dommageable qu’on assiste à un retour des rivalités entre département et communautés. Il est tout à fait exact qu’au départ, les conseils généraux ont souvent (ou parfois !) vu d’un mauvais œil les communautés, qui représenteraient une structure nouvelle et un nouveau pouvoir. Maintenant que les communautés sont pratiquement généralisées, il me semblait que cette controverse était close. Il me paraît dangereux de la réactiver. Il est bien préférable de mettre en œuvre des complémentarités efficaces entre les communautés et les départements, ainsi que les régions.
Jean-Pierre SUEUR

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