Réception à l’Hôtel Groslot Au terme de l’inauguration des trois expositions que nous venons de parcourir, La Cricothèque à la Médiathèque ; Kantor, l’autre sène : de la folie à la planche à la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier ; et A la frontière…, l’exposition-mémoire de Bruno Wagner, nous avons souhaité organiser cette réception à l’Hôtel Groslot afin de rappeler les origines de ces expositions.

Ces expositions ne sont pas le résultat d’une agrégation d’intérêts divers qui se seraient retrouvés un peu par hasard pour finir par donner un hommage. Nous voyons beaucoup de ces sortes d’hommages. Tel n’a pas été le souhait de la Ville d’Orléans, d’Augustin Cornu, adjoint à la Culture et de la Direction et de l’Action Culturelle de la Ville qui a assuré la coordination de cette manifestation. Ces expositions procèdent, au contraire, de la volonté de produire un ensemble qui fera date.

L’intérêt de cette manifestation a d’ailleurs été justement reconnu par la Mission 2000 en France, et par son président, M. Jean-Jacques AILLAGON, que je tiens à saluer et à remercier, puisqu’il a décidé de l’inscrire dans le calendrier des manifestations qu’il souhaitait distinguer particulièrement.

Ces expositions, à Orléans, ne sont pas le fruit d’un hasard heureux, car elles découlent d’un projet global qui se voulait d’abord et avant tout un rappel à la mémoire, ou plutôt, pour employer un thème et un mot qu’affectionnait Tadeuz Kantor, un RETOUR, un travail de la mémoire, mais qui n’est pas une mémoire pétrifiée et pontifiante, plutôt une mémoire-élément vivant.

Un RETOUR, car il y a dix ans, presque jour pour jour, le 29 septembre 1990, une exposition des œuvres de Tadeuz Kantor était présentée au Centre d’Art Contemporain d’Orléans, intégré à la Scène Nationale du Carré-Saint-Vincent. Cette exposition a été une des dernières expositions organisées du vivant de Tadeuz Kantor puisqu’il est décédé le 8 décembre 1990. Que la dernière exposition de Kantor ait eu lieu en France n’est d’ailleurs pas un hasard. Les dernières représentations de ses œuvres théâtrales ont eu également lieu en France, à l’automne 1990 au Théâtre National de Chaillot. La reconnaissance internationale de Tadeuz Kantor est, en effet, passée par la France, par le Festival de Nancy, dirigé dans les années 1960 et 1970 par Jack Lang, si bien que la France finit par devenir un pays d’adoption pour lui.

Cela ne doit pas étonner. Les liens entre la France et la Pologne sont, nous le savons, très forts. Sans parler d’Henri III, roi de Pologne avant de devenir roi de France, regretté par ceux qui l’avaient élu, sans parler des immigrés polonais, qui depuis le XVIIIe siècle, sont régulièrement venus s’installer en France au gré des vicissitudes politiques et économiques, sans parler des ententes diplomatiques de l’entre-deux-guerres, les liens entre la France et la Pologne restent aujourd’hui importants. C’est notamment la France qui soutient activement la Pologne pour son entrée future dans l’Union Européenne.

A notre échelle, entre Orléans et Cracovie, capitale culturelle de la Pologne, reconnue en cette année 2000 « ville européenne de la culture » et dont Tadeuz Kantor était le « maître », nous avons tissé des liens réguliers et étroits dans le cadre d’un pacte d’amitié. Les liens entre nos deux villes sont d’ailleurs plus anciens, puisque, pendant 15 ans avant le jumelage, les éclaireurs et éclaireuses d’Orléans recevaient et rencontraient très régulièrement les éclaireurs et éclaireuses de Cracovie. Depuis 1992, nous avons multiplié les échanges entre nos deux villes.

Pour célébrer ce pacte d’amitié, nous avons organisé en 1992 une semaine culturelle polonaise, à l’occasion de laquelle des artistes de Cracovie ont exposé leurs œuvres. D’ailleurs, c’est certainement dans le domaine culturel que nos échanges ont été les plus fructueux, mais les secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur, des sciences, de l’environnement, de l’économie ont été concernés. Des fonctionnaires et des élus de nos deux villes se sont régulièrement rendus visite.

Cette exposition consacrée à Tadeuz Kantor a donc été aussi un RETOUR sur notre jumelage, l’occasion de nourrir nos liens d’amitié.

Mais ce RETOUR sur l’œuvre de Kantor ne s’est pas voulu un hommage pétrifiant et glacé. Nous avons voulu en faire quelque chose de vivant. Les lieux, la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier, la salle d’exposition de l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans, la Médiathèque sont des lieux ouverts au plus grand nombre, aux jeunes. Il ne s’agissait pas de faire des expositions pour des spécialistes. La visite des trois expositions a permis de le démontrer. Ces expositions permettent de percevoir tous les aspects de l’œuvre de Tadeuz Kantor, et je voudrais ici remercier l’ensemble des personnes qui ont permis leur organisation :

En Pologne, à la Ville de Cracovie, M. Andrzej GLOWACKI, Directeur du Département de l’Education et de la Culture ainsi que Mme Elizabieta KANIA, chargée des projets culturels à la ville de Cracovie ;
M. Lech STANGRET, Directeur de la Fondation Kantor ;
M. Marek SWICA, Directeur de la Cricoteka ;
M. Krzysztof PLESNIAROWICZ, professeur et biographe de Tadeuz Kantor ;

A Paris, M. Tomasz STROZINSKI, Directeur de l’Institut Polonais de Paris et conseiller culturel à l’Ambassade de Pologne à Paris ;
Mme Catherine THIECK et Mme Claudine MARTIN, respectivement Directrice et collaboratrice à la Galerie de France qui expose régulièrement les œuvres de Tadeuz KANTOR et celles de sa femme, Maria STANGRET ;

A Orléans, la Direction de l’Action Culturelle et celle des Relations Extérieures ;
les responsables et le personnel des structures culturelles qui ont accueilli les expositions : la Médiathèque, la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier, l’Institut d’arts Visuels, ainsi que les commissaires des trois expositions ;
Claude MALRIC, Directeur de la scène Nationale d’Orléans
Catherine MARTIN-ZAY, de la librairie des Temps Modernes qui accueille l’installation de Rafal Borkowski ;

Nous avons aussi souhaité montrer les prolongements de l’œuvre de Tadeuz Kantor, montrer qu’elle nourrit notre présent comme Kantor s’est lui-même nourri de son passé, de celui de son pays pour produire une autre vision de notre monde, la vision de l’artiste ancrée dans notre réel. C’est pourquoi, plusieurs expositions d’artistes contemporains sont associées à ce « RETOUR » sur Kantor : celle de Bruno Wagner à l’Institut d’Arts Visuels, celle de Rafal Borkowski à la Libraire des Temps Modernes, celle de Maria Stangret et de Bogdan Korczowski qui fera suite à l’exposition Kantor, l’autre scène : de la toile à la planche à la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier, au mois de novembre prochain.

Qu’a cette occasion il me soit aussi donné de remercier Maria STANGRET, qui a bien voulu venir aujourd’hui à Orléans. Vous avez été l’épouse de Tadeuz Kantor. Vous vous êtes rencontrés en 1955 à l’école des Beaux-Arts de Cracovie et il vous a entraîné avec lui sur le chemin de sa vie. Peintre, vous êtes devenue, avec lui, actrice. Tout comme celle de Kantor, votre œuvre part et retourne à notre réalité en cherchant à l’éclairer du regard de l’artiste, de ses passions, de ses peurs, de sa distance et de son rire.

L‘œuvre de Tadeuz Kantor est en effet marquée par le rire, la distance. Cette distance est parfois, souvent, inquiète. Tadeuz KANTOR est en effet un artiste de son siècle, façonné par lui et le façonnant en retour, marqué par ses débordement, travaillé par la mort et la cruauté. Mais son oeuvre est aussi traversée par l’amour et par l’ironie. Ce qui m’a frappé, lors de ces visites, ce sont les liens étroits qui se tissent entre théâtre et peinture dans son œuvre. Ses œuvres picturales sortent du cadre. Elles s’engagent dans notre réalité, mais nous ramènent aussi vers le tableau. De son théâtre, on disait aussi qu’il avait un caractère pictural. Mais là encore, il ne s’agissait pas de figurer, mais d’être avec les choses et les êtres, de nourrir le présent par le passé.

C’est cette volonté de rendre présent Tadeuz KANTOR, dix ans après sa mort, qui nous a incité à organiser cette manifestation. La tentative d’un retour qui animait d’ailleurs Tadeuz KANTOR.

« Là, ecrivait-il, dans la solitude
la MEMOIRE commence à agir intensément
Il n’y a plus alors de différence
entre le temps présent et le temps passé,
ils se mêlent, s’interpénètrent,
et le mot RETOUR s’imprègnent d’un profond sens de la vie.

Et alors, seulement, nous commençons à vivre pleinement. »

Je formule le vœu qu’à l’occasion de ces expositions, ce « RETOUR » à et de Kantor puisse nous le faire revivre pleinement.

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