Musée des Beaux-Arts - Rencontre avec le patrimoine religieux – Colloque d’Orléans Je suis heureux d’être, ce matin, avec vous pour participer à l’ouverture du colloque de l’association « Rencontre avec le patrimoine religieux », consacré cette année au rôle, dans la fondation des églises locales, du culte des saints et des reliques. Je souhaite donc tout d’abord remercier M. Michel MAULPOIX, président de l’association, pour m’avoir fait l’honneur de participer à l’ouverture de votre colloque.

La question qui va faire l’objet de vos communications et de vos débats, le culte des saints et son rôle dans la fondation des églises est particulièrement importante pour la compréhension de la christianisation de nos régions. En effet, le christianisme, à la fin de l’Antiquité tardive, réussit à inventer un mode de médiation tout à fait original entre le Ciel et la Terre, entre ce monde et un Au-delà, en conférant à des êtres humains morts, un rôle de médiateur, pour lesquels les évêques vont organiser un nouveau culte, le « culte des saints ».

Ce culte présente plusieurs caractéristiques.

Il s’organise d’abord à partir de corps morts, qui sont déterrés, manipulés, démembrés, montrés. Il contribue ainsi à modifier le rapport à la mort et aux morts, mais il est également l’occasion de créer des récits hagiographiques qui expriment le caractère exceptionnel de ces hommes de Dieu. L’étude du culte des saints, celle des reliques, concerne donc autant les textes, les récits de vie de ces hommes de Dieu, que leurs traces matérielles et les déplacements de ces corps.

Le culte des saints modifie ensuite profondément le cadre d’organisation de la cité romaine. La distinction entre les lieux habités et les lieux non habités devient plus mouvante. En effet, pour permettre le culte de ces saints, les croyants vont se mettre à construire, dans les nécropoles, des tombeaux puis des oratoires. En fondant des communautés religieuses auprès de ces tombeaux, ils vont rompre la rupture entre l’urbain et le non urbain.

Enfin, ce culte est partout organisé par les évêques qui trouvent ainsi l’occasion d’asseoir leur propre pouvoir à l’intérieur des vieilles cités romaines en s’appuyant sur ces espaces hors de la ville.

L’étude du culte des saints regarde donc autant l’histoire religieuse que l’histoire urbaine. C’est pourquoi, il est effectivement judicieux d’avoir organisé un tel colloque à Orléans.

Ceci d’autant plus qu’Orléans, comme de très nombreuses villes de Gaule, a connu, dès l’Antiquité tardive, un culte des saints et des reliques particulièrement vivant et vivace, qui a fini par s’ancrer dans les traditions civiles et religieuses de la cité et qui a façonné une partie de l’évolution de la ville.

• le culte de ces saints orléanais (saint Euverte, saint Aignan et un peu plus tard, autour de Micy, saint Mesmin et saint Avit) a permis, tout d’abord, d’ancrer la religion chrétienne dans notre région.
Jusqu’au XIXe siècle, les historiens reprenaient tous une légende des origines de l’église d’Orléans, celle d’Altin et du diacre Eobald, disciples du Christ, et qui auraient fondé la première communauté chrétienne vers 70 après JC. Cette légende est aujourd’hui abandonnée. Il est, en effet, plus probable que les premières communautés chrétiennes orléanaises, à l’instar de celle de Bourges, aient été fondées au IIIe siècle, et composées de personnes de condition modeste, voire très modeste.
L’abandon de la légende de la fondation de l’église d’Orléans par des disciples de saint Pierre met donc aujourd’hui mieux en lumière le rôle de deux saints évêques locaux qui ont vécu aux IVe et Ve siècles et de leur culte, dans la christianisation de la ville : Euverte et Aignan.

• la dévotion particulière à ces saints locaux a entraîné, en effet, la construction d’édifices majeurs dans notre ville, comme l’église Saint-Aignan ou l’église Saint-Euverte, qui furent aussi le siège de deux communautés religieuses – un monastère de bénédictins transformé en chapitre canonial pour Saint-Aignan et un monastère de bénédictins pour Saint-Euverte -.
Ces églises demeurent des monuments importants à Orléans. La crypte de l’église Saint-Aignan, construite au cours du premier quart du XIe siècle (l’église et consacrée en 1029), reste d’ailleurs un des joyaux de l’architecture et de la sculpture du premier art roman.
En outre, ces deux églises ont connu des destins parallèles. Elles sont devenues le cœur de deux quartiers situés à l’extérieur des murailles de la ville du IVe siècle, et qui furent englobés dans la ville lors de la construction de nouvelles fortifications dans la deuxième moitié du XVe siècle.
Ces deux églises furent également détruites, toutes les deux, à deux reprises à l’occasion de la Guerre de Cent ans et aussi victimes de destructions lors des guerres de religion.
La ville d’Orléans leur accorde d’ailleurs un attention particulière. Je pense notamment à l’église Saint-Aignan qui bénéficie d’un programme de restauration important (10 millions de francs sur trois ans avec une participation de 50% de la Ville) et qui, sur plusieurs années, permettra la restauration de plusieurs chapelles et du portail nord.

• ces saints locaux ont joué également un rôle important dans l’histoire et dans l’imaginaire des habitants de la ville. Saint Euverte est le premier évêque d’Orléans à propos duquel nous possédons des récits légendaires, les deux « vie de saint Euverte » sont datées du IXe siècle.
La figure de saint Aignan occupe une place encore plus importante puisque plusieurs récits de sa vie lui attribuent un rôle important dans l’organisation de la résistance des orléanais au siège de la ville par Attila, en 451. Ce rôle en a fait un des saints protecteurs de la ville.

• Cette histoire des saints locaux et de leur culte a enfin orienté de nombreuses recherches historiques et archéologiques. En effet, les historiens ont longtemps cherché à vérifier ces récits. Lorsqu’ils se sont transformés en archéologues, ils ont souvent cherché des confirmations de ces légendes et n’ont pas toujours eu une approche critique des textes.
Mais depuis plusieurs décennies maintenant, les découvertes archéologiques, financées très souvent par la Ville ou conduites sous sa direction (grâce à la création d’un service archéologique municipal), ont permis d’éclairer certains aspects de la vie orléanaise au cours des premiers siècles de notre ère.
Je pense en particulier à la fouille qui a été réalisée au printemps 1996 à proximité de l’église Saint-Euverte et qui a permis de découvrir des vestiges de bâtiments gallo-romains ainsi que les preuves de l’existence d’une nécropole dès la fin du IVe siècle. A l’occasion de ces fouilles, en effet, 37 sépultures de cette période, orientées est-ouest, organisées en rangées ordonnées, ont été retrouvées. Les défunts étaient enterrés dans des cercueils ou des coffres en bois. Si cette découverte ne permet pas de prouver l’existence d’un oratoire ou du tombeau du saint, elle tend à confirmer, malgré tout, la tradition orale qui place ce tombeau à proximité de l’église Saint-Euverte. En effet, il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que l’évêque ait été enterré sur ce site, dans la nécropole habituelle de la Ville, et à plus forte raison si celle-ci était déjà christianisée.

Je ne doute donc pas que, pour la connaissance de l’histoire d’Orléans, ce colloque sera riche en enseignements et en perspectives de recherche. Plusieurs communications concerneront la ville ou la région orléanaise. D’autres concerneront des régions plus éloignées. Je vous souhaite donc des travaux fructueux et, pour ceux qui ne connaissent pas la ville, un agréable séjour.


téléchargez ce fichier au format PDF (2 pages - 170 Ko)

Télécharger le fichier

Thème : Archives