Nous nous en souvenons tous. Du moins ceux qui ont un certain âge - pas trop avancé pour autant. Il y avait, le dimanche, les déjeuners en famille. Et puis, après le café, inéluctablement, la tante, l’oncle, la belle-sœur ou la cousine proposait de...

Nous nous en souvenons tous. Du moins ceux qui ont un certain âge - pas trop avancé pour autant. Il y avait, le dimanche, les déjeuners en famille. Et puis, après le café, inéluctablement, la tante, l’oncle, la belle-sœur ou la cousine proposait de projeter des diapositives. On fermait les volets. Et on avait droit aux vacances du membre de la famille dans le Cantal, au Pays basque, à Noirmoutier ou à Florence. Il fallait s’extasier. On s’extasiait. On bâillait un peu. Et on attendait le prochain repas de famille.
Le Conseil municipal d’Orléans fait immanquablement penser à ces pesantes séances de diapositives. Certes, les antiques diapos ont laissé la place au moderne « powerpoint ». Mais le rite est le même.
Nous pressentions – nous les élus de l’opposition - à l’approche du débat sur le « compte administratif », le 23 juin dernier, que nous aurions droit à la séance de diapos du vendredi soir. Ce n’était pas difficile à prévoir. C’est toujours comme cela.
Nous n’avons pas été déçus. Rien ne nous fut épargné. Pas un lampadaire, pas un mètre de chaussée, pas un édifice public en construction ou en projet. Non : il ne manquait rien !
Nos collègues de la majorité s’extasiaient, un peu forcés, presque mécaniquement. Ils faisaient penser aux sourires figés des photos de circonstance.
Dans toutes les villes de France et de Navarre, on peut faire défiler à perte de vue durant les conseils municipaux - comme d’ailleurs durant les réunions publiques - les images des travaux en cours. Il y a toujours et partout des travaux en cours. C’est la moindre des choses. C’est le ba.a.ba de la vie communale.
Mais à Orléans, le Conseil municipal est désormais construit, mis en scène, autour des diapos. Si bien que vendredi dernier, la présentation qui nous fut infligée ressemblait, je l’ai déjà dit, à la « Semaine de Suzette ». Ou, pour changer de comparaison, à la Comtesse de Ségur ou à l’illustre Bibliothèque rose. Tout baignait. On expliquait même que la construction de la future gare, qui aurait dû être achevée en 2003, avait donné lieu, en 2005 à des « progrès décisifs ». On était priés de se réjouir !
…Désolés ! Nous ne l’avons pas fait. C’est clair : nous avions décidé de faire la grève des diapositives. Nous avions décidé de ne pas jouer ce jeu, complètement irréel. Il y a un tel divorce, une telle différence, entre ce contentement replet, cette bonne conscience exhibée comme une médaille, cette fatuité, et les difficultés que vivent nombre d’habitants de notre ville, les problèmes qui se posent et qui subsistent, la question du chômage, celle de l’insertion des jeunes, les inquiétudes, les angoisses, les difficultés de la vie quotidienne… qu’on a l’impression qu’il s’agit de deux mondes qui ne se rencontrent pas.
Nous avons choisi de faire entrer dans cette bulle confinée du contentement municipal quelques-uns de ces problèmes. A commencer par la problème que pose le devenir des enfants étrangers scolarisés dans notre ville, et qui suscite l’émotion, l’interpellation et l’action de nombreux parents d’élèves de tous bords politiques.
Nous avons aussi évoqué les conditions d’hébergement des personnes étrangères qui sont ici, qui y resteront puisqu’elles ne seront pas reconduites à la frontière, qu’il n’est d’ailleurs pas prévu de les reconduire, et qui ne peuvent ni travailler ni payer un loyer faute de titre de séjour. Quelle solution, concrètement, dès lors que les crédits de l’Etat vont se réduire ?
Nous aurions aussi pu parler du chômage, des suppressions d’emploi et des carences de la politique économique de l’agglomération.
Nous aurions encore pu parler des locataires en difficulté dans les quartiers – comme La Source – où on démolit en se gardant bien de construire.
… Et de tant d’autres sujets.
Mais voila : ce n’était pas à l’ordre du jour. Ce n’est jamais à l’ordre du jour. Les problèmes ne sont jamais au programme. Mais nous, élus de l’opposition, nous pensons que nous sommes justement là pour en parler, quitte à bousculer quelque peu le fade ordonnancement des images ripolinées.

Thème : Textes sur Orléans