Un livre de Sylvie Blanchet sur les enfants de la Source... et d'ailleurs

Sylvie Blanchet est professeure spécialisée des écoles. Elle travaille à Orléans La Source au sein de ce que l'on appelle le "RASED", sigle obscur comme beaucoup qui signifie "Réseau d'aides spécialisées aux enfants en difficulté". Constitués d'un psychologue et de "professeurs spécialisés", les RASED interviennent au côté des enseignants des écoles maternelles et primaires pour aider les élèves qui, comme on dit couramment, "posent problème". Sylvie Blanchet a choisi d'écrire un livre pour nous parler de ces enfants.
Ce livre est passionnant parce qu’il est issu de la vie, de l’expérience concrète. Sylvie Blanchet fait le portrait d’enfants « en difficulté ». Elle les laisse parler. Elle les écoute. Elle cherche à comprendre ce qui, pour chacun d’entre eux, ne va pas. Elle s’interroge. Elle doute. Elle nous fait partager ses questions. Elle trouve les réponses. Mais souvent, ce sont les enfants eux-mêmes qui la mettent sur la voie. Elle a la patience de les écouter.
Ces « enfants des quartiers populaires » sont trop méconnus. D’où le titre du livre. Ce sont des « enfants invisibles ». On ne parle pas d’eux. Sauf en cas de drame ou de crise.
Sait-on, par exemple, que beaucoup de ces enfants sont trop souvent laissés seuls chez eux durant une partie de la journée ? S’interroge-t-on pour savoir pourquoi les « clients » des RASED sont aussi massivement des garçons plutôt que des filles ?
Et mesure-t-on les difficultés qu’engendrent chez ces enfants le fait d’être des « enfants de l’insécurité » – de la côtoyer, concrètement, tous les jours –, des enfants de l’exil, dont les parents ont dû immigrer chez nous, écartelés entre ailleurs et ici, des « enfants de la guerre », profondément marqués par les traumatismes qui en découlent.
Sylvie Blanchet aide à comprendre. Elle parle clair. Son écriture est directe. Elle ne s'embarrasse pas de fioritures. Elle dit ce quelle voit et ce qu’elle entend. Elle découvre tant de richesses – de « valeurs » comme on dit, trop abstraitement – chez ces enfants qu’elle ne supporte pas les discours péjoratifs qui vilipendent perpétuellement les ZEP. Ces discours, elle les décortique et montre combien ils sont faits d’idées toutes faites. Elle est d’autant plus convaincante qu’elle s’appuie sur l’exemple de La Source où la ZEP peut se prévaloir de résultats positifs.
Qu’il s’agisse des enfants ou des quartiers de la « politique de la ville », les stigmatisations et les discours convenus sont bien loin des réalités.
D'où ce plaidoyer pour ces « enfants invisibles » - nos compatriotes d’aujourd’hui et de demain – que nous sommes invités à découvrir, à connaître et à entendre.
J’ajouterai qu’on retrouve dans ce livre, sous une forme, certes, différente, l’approche des détresses humaines (« A l’impossible nul n’est tenu ») qui caractérisait déjà le précédent livre de Sylvie Blanchet (« Vous êtes fatiguée », ed. HB). Ce n’est sans doute pas un hasard si les dessins qui illustrent les couvertures des deux livres se répondent : dans les deux cas, il y a, au-delà des silhouettes visibles, la part cachée – « invisible » - qu’il nous faut retrouver.

Jean-Pierre Sueur

« Enfances populaires, invisibles enfances », ed. Chronique sociale, 2006

Thème : Textes sur Orléans