Les métropoles n’ont plus rien à voir avec les syndicats de communes qui géraient naguère des services d’intérêt commun.
Elles sont devenues de vraies puissances publiques.
Elles comptent des centaines de milliers, voire, pour certaines, plus d’un million d’habitants.
Leurs compétences sont beaucoup plus larges que celles de la ville-centre, et, bien sûr, des autres communes.
Leurs budgets peuvent être trois, quatre ou cinq fois supérieurs à ceux de la ville-centre – et, là encore, bien plus élevés que ceux de toutes les autres communes.
Dans ces conditions, on ne peut plus faire l’impasse sur leur rapport à la démocratie.
Jusqu’ici, à une exception près – la métropole de Lyon –, les conseils des métropoles sont composés d’élus désignés par chacun des conseils municipaux des communes membres de la métropole, au prorata de l’importance démographique de chaque commune.
Ces conseils sont forcément politiquement très composites. Et il est nécessaire, pour que la métropole fonctionne bien et aille de l’avant, que ces élus s’unissent au-delà de leurs divergences politiques sur des orientations communes et des projets d’intérêt général.
Lorsque c’est le cas – et ce peut tout à fait être le cas –, c’est positif.
Mais ce n’est pas toujours le cas.
Et, de toute façon, un problème de démocratie se pose.
En effet, les habitants de nos grandes agglomérations ne sont pas appelés à voter pour désigner des élus ni pour choisir un programme pour la métropole.
Ils votent dans leur commune pour des élus communaux et des programmes communaux.
Or, les deux tiers ou les trois quarts des choix importants se font au niveau de l’agglomération – et donc de la métropole.
Je ne prendrai qu’un exemple.
Aucun des habitants d’aucune des vingt-deux communes de la métropole d’Orléans n’a jamais été amené à se prononcer, lors des élections municipales, sur le projet « Comet ». Ce n’était inscrit dans aucun programme municipal.
Or ce projet dont le coût va atteindre, voire dépasser, les 150 millions d’euros est une dépense très lourde qui pèse fortement sur le budget de la métropole, sur ses capacités à engager de nouveaux projets, et par voie de conséquence sur les budgets des communes et leur capacité à engager, elles aussi, de nouveaux projets.
Est-ce normal ?
Je ne le crois pas. C’est pourquoi la question de la démocratie se pose indéniablement.
La solution la plus simple serait de prévoir une élection au suffrage universel direct des membres des conseils de métropole sur la base de listes conduites par une tête de liste qui aurait vocation à assurer la présidence.
C’était ce qu’avait proposé, en 1994, l’Association des maires des grandes villes de France, que je présidais alors. C’était bien avant la création des métropoles.
Grâce à l’action de Gérard Collomb et de Michel Mercier, c’est ce qui a été décidé pour le « Grand Lyon », une loi spécifique ayant été votée à cet effet.
Il faut tirer les leçons de cette première expérience.
D’abord, l’élection a eu lieu sur la base de circonscriptions électorales (comme c’est le cas pour les circonscriptions législatives). Je pense que c’est une erreur : il faut que le scrutin soit clair, direct, et porte sur l’ensemble du territoire de la métropole.
En second lieu, avec ce système électoral, un certain nombre de communes n’ont pas de représentants au sein du conseil de métropole. Je pense que c’est une seconde erreur, dont les maires des communes concernées se plaignent vivement. Je comprends leur réaction : j’ai toujours pensé et dit que l’intercommunalité devait se faire avec les communes et non sans elles. Encore moins contre elles.
C’est ce qui m’amène à proposer un système mixte.
La majorité du conseil de la Métropole serait désigné par un vote direct de la majorité des habitants. Il y aurait donc un débat tous les six ans sur les orientations, les projets de la métropole, le programme pour la métropole – ce qui n’existe pas aujourd’hui. Au sein de cette majorité, il y aurait (comme pour les communes et les régions aujourd’hui) une prime à la liste majoritaire afin qu’elle dispose de la majorité des sièges et que l’assemblée soit clairement « gouvernable ».
Un second collège serait constitué de représentants des communes afin qu’elles soient toutes représentées.
C’est naturellement une proposition, mais je puis assurer que je ne propose ce dispositif que pour les métropoles. Je ne le préconise pas pour les communautés de communes où les réalités me paraissent être très différentes et où les liens entre communes et communauté s’effectuent plus naturellement.
En faisant cette proposition, j’ouvre un débat… auquel chacune et chacun peut, bien sûr, contribuer.
D’autres modalités sont évidemment possibles.
Ma seule conviction est qu’on ne peut pas faire l’impasse sur la question de la démocratie.
Jean-Pierre Sueur