Charles Péguy

  • La République du Centre, 25 mars 2022

  • Article paru dans le numéro de décembre 2022 de la revue La renaissance de Fleury
     
    Péguy est-il illisible ? À ceux qui poseraient cette question singulière, je répondrais immédiatement que le fait même qu’ils la posent… démontre qu’ils ne l’ont pas lu ! Car est-il, justement, un écrivain plus lisible que Charles Péguy ?
    Ouvrons pour commencer Les Mystères publiés à la fin de sa trop courte vie, entre les années 1910 et 1913 – et dont le premier reprend en partie la première Jeanne d’Arc parue en 1897.
    Lisons – c’est un exemple entre cent ou mille autres – la description de la Nuit à laquelle s’adresse son Créateur dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu :
     
    « Nuit, tu es la seule qui panses les blessures
    Les cœurs endoloris. Tout démanchés.
    Tout démembrés.
    Ô ma fille aux yeux noirs […]
    Ô ma nuit étoilée, je t’ai créée la première
    Toi qui endors, qui ensevelis déjà
    Dans une Ombre éternelle
    Toutes mes créatures.
    Les plus inquiètes, le cheval fougueux,
    La fourmi laborieuse
    Et l’homme, ce monstre d’inquiétude. »[1]
     
    Dans ce texte, et tant d’autres, nulle obscurité – si ce n’est celle de la Nuit, dotée cependant de belles clartés. Est-il une littérature moins limpide, moins fluide que celle-là ?
    Ce qui caractérise cette écriture c’est sa transparence. Nul apprêt. Le sentiment que les mots coulent de source. Nulle figure qui viendrait orner pesamment le cours du texte, comme d’inutiles et de surabondantes fioritures. Une rhétorique de la simplicité, qui semble l’inverse de la rhétorique. Nombre de figures de style, de comparaisons et de métaphores cependant, mais apparaissant de manière très naturelle.
    Qu’on ne s’y trompe pourtant pas. Cela a demandé à l’écrivain beaucoup de temps, de marches inspirées dans Paris ou la campagne, de réflexions – en un mot de travail !
    Pour certains, cette écriture aurait finalement le tort d’être trop transparente, et de souffrir de mièvrerie, comme d’anciens catéchismes.
    Mais, là encore, quelle erreur !
    C’est le contraire d’une littérature infantilisante.
    Les rapports de Péguy à la foi furent – on le sait – complexes. Ce serait une erreur, trop souvent faite, hélas, que de voir en lui, y compris quand il revient à une foi qu’il a délaissée, un simple fidéiste.
    Non, il y a dans l’Église des choses qui le révulsent. Et il y a dans la religion de sublimes raisons de croire, auxquelles il adhère. Il y a aussi des réalités qu’il ne comprend pas et qui le révoltent. Ainsi le Mal. La petite Jeanne d’Arc ne peut accepter qu’il y ait des damnés. Elle considère que c’est un scandale. Cette question travaillera, torturera Peguy.
    Jeanne se propose de se donner tout entière pour « sauver les damnés ». Et Madame Gervaise lui répond avec une totale brutalité :
     
    « Taisez-vous ma sœur : vous avez blasphémé.
    Car si le fils de l’homme, à son heure suprême
    Clama plus qu’un damné l’épouvantable angoisse
    Clameur qui sonna faux comme un divin blasphème
     
    C’est que le Fils de Dieu savait que la souffrance
    Du fils de l’homme est vaine à sauver les damnés.
    Et s’affolant plus qu’eux de la désespérance,
    Jésus mourant pleura sur les abandonnés. »[2]
     
    On le voit : nulle mièvrerie – pas plus que dans le récit de la Passion que Péguy décrit avec un total, un absolu, réalisme :
     
    « Sa gorge lui faisait mal.
    Qui lui cuisait.
    Qui lui brûlait.
    Qui lui déchirait.
    Sa gorge sèche et qui avait soif.
    Son gosier sec.
    Son gosier qui avait soif.
    Sa main gauche qui brûlait.
    Et sa main droite.
    Son pied gauche qui lui brûlait.
    Et son pied droit.
    Parce que sa main gauche était percée.
    Et sa main droite.
    Et son pied gauche était percé.
    Et son pied droit.
    Tous ses quatre membres.
    Et son flanc qui lui brûlait.
    Son flanc percé.
    Son cœur percé.
    Et son cœur qui lui brûlait.
    Et son cœur consumé d’amour.
    Son cœur dévoré d’amour. […]
     
    Et c’est alors qu’il sut la souffrance infinie
    C’est alors qu’il connut, c’est alors qu’il apprit
    C’est alors qu’il sentit l’infinie agonie
    Et cria comme un fou l’épouvantable angoisse. 
    Clameur dont chancela Marie encor debout »[3]
     
    Mais, nous dira-t-on, tous les textes de Péguy ne procèdent pas du même réalisme, de la même transparence que Les Mystères. Et il est vrai que l’écriture de Péguy relève de plusieurs registres, même si, on le verra, tout s’enchaîne et si les uns préparent les autres.
    Ainsi, dans les multiples textes en prose qu’il a publiés dans Les Cahiers de la Quinzaine créés par Péguy en 1900 pour « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste »4, qui relèvent à la fois du journalisme et de la réflexion philosophique, politique, religieuse, de l’étude de mœurs, de la description, de la dénonciation, de la diatribe, de l’admonestation, de l’invocation, Péguy se met constamment en scène. Il ne triche pas. Il est lui-même.
    Et ce qui frappe, au-delà de la très grande diversité des écrits et des sujets traités, c’est une tendance qui culminera, avec le temps, dans ses dernières œuvres en prose et œuvres posthumes, en vertu de laquelle le mouvement de la pensée et le mouvement de l’écriture font un, sont un. Il théorise cela dans l’un de ses ouvrages intitulé Clio : « Un texte devient illisible aussitôt que nous avons l’impression que la main attend après la tête, que la plume attend la pensée »5. Et quand il est emporté, entraîné dans le mouvement de l’écriture, il ne s’arrête pas, il continue, il va jusqu’au bout « comme un cheval qu’on crève. »6
    Cela a une conséquence. C’est que Péguy nous offre, nous restitue l’écriture s’écrivant7. Il n’y a pas de brouillon, pas de premier état du texte avant le deuxième ou le troisième (même si l’étude des manuscrits montre qu’il peut aussi peaufiner ses œuvres).
    C’est une conception, à certains égards, moderne de l’écriture. La conséquence, c’est qu’il faut se laisser entraîner, se laisser emporter par une prose qui est premier jet, quitte à revenir ensuite sur elle-même, à s’écarter du premier mouvement, à y revenir, pour aller plus loin, et ainsi de suite. Alors, si l’on accepte ce postulat, oui, Péguy est lisible, encore et toujours plus lisible.
    Prenons, presque au hasard, son livre sur Victor Hugo – Victor-Marie, comte Hugo8 – dans lequel Péguy parle de Victor Hugo, mais surtout de lui-même – sans le dire. On y lit, s’agissant de l’une des strophes de Booz endormi9 que nous sommes« dans ce sédiment, dans ce grand limon, et Ruth se demandait, en fin de strophe, annonçant la strophe décisive, la strophe coronale, l’isolant, la coupant aussi, la laissant suspendue, en suspens, suspendue sur notre tête comme une montagne carrée… »10 Il faudrait tout citer, mais on ne le peut pas. Car tout s’enchaîne. Péguy écrit que la même strophe est « lançante ». Et qu’elle nous mène à ces vers sublimes :
    « Quel dieu, quel moissonneur d’un éternel été
    Avait en s’en allant négligemment jeté
    Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. »11
     
    Péguy explique magnifiquement combien, de vers en vers, avec même des vers « de remplissage »
    - mais du remplissage « de lui » dit-il12 –, le mouvement se cristallise en des formules lapidaires.
    … Mais Péguy parle de lui ! Il suffit de le lire, de se laisser entraîner par le flux de son écriture pour trouver, par exemple dans Notre Jeunesse, cette phrase qui restera dans les mémoires : « Tout commence en mystique et finit en politique. » Et on lit un peu plus loin : « L’essentiel est que dans chaque ordre, dans chaque système, la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance. »13
    Et il faut pareillement se plonger dans les œuvres en vers dont on peut penser qu’elles ont été préparées par les œuvres en prose qui les ont précédées (ou ont été publiées concomitamment).
    Le principe est le même. Le mouvement de la pensée et celui de l’écriture sont indissociables.
    Certes, il y a les règles de la versification. Mais à ceux qui y verraient des contraintes, je répondrai plutôt que ces mêmes règles (auxquelles s’apparentait celle des trois unités) n’ont pas empêché Corneille ni Racine d’écrire leurs chefs-d’œuvre. J’ajouterai même : au contraire. Ainsi, s’agissant de poèmes célèbres comme la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Paris :
    « Étoile de la mer, voici la lourde nappe
    Et la profonde houle et l’océan des blés
    Et la mouvante écume et nos greniers comblés […]
     
    Étoile du matin, inaccessible reine
    Voici que nous marchons vers notre votre illustre cour
    Et voici le plateau de notre pauvre amour.
    Et voici l’océan de notre immense peine. »14
     
    ou s’agissant de cette immense épopée intituléeÈve, chef-d’œuvre méconnu :
    « Ô mère ensevelie lors du premier jardin
    Vous n’avez plus connu ce climat de la grâce
    Et la vasque et la source et la haute terrasse
    Et le premier soleil sur le premier matin.
     
    Et les bondissements de la biche et du daim
    Nouant et dénouant leur course fraternelle
    Et courant et sautant et s’arrêtant soudain
    Pour mieux commémorer leur vigueur éternelle. »15
     
    Le cadre rythmique, mais aussi syntaxique, est pleinement magnifié par Péguy qui nous explique, s’agissant d’Ève, dans un commentaire lumineux16, que ce poème procède de l’art de la tapisserie. Il est à l’entrecroisement d’une lecture horizontale, linéaire, et d’une lecture verticale où les mots changeants situés aux mêmes places, de vers en vers, composent une autre syntaxe et, partant, d’autres significations. C’est aussi, si l’on veut, une symphonie.17
     Et là encore s’agissant toujours d’Ève, œuvre - indissociablement- lyrique, épique et satirique, œuvre circulaire, dont l’objet est l’histoire de l’humanité et du Salut, défiant la chronologie, comme les idées toutes faites, il faut se laisser entraîner, envahir, faire corps avec la force de la création littéraire. Mais qui dira, dès lors qu’on laisse le mouvement, la respiration, les rythmes, les scansions propres du poème nous guider et nous emporter, que ce n’est pas lisible ?
    Restent les quatrains :
    « Cœur qui a tant battu
    D’amour et de haine
    Cœur qui ne battra plus
    De tant de peine. »18
     
    poèmes lyriques, poèmes d’amour et de doute que Péguy nous a laissés, chaque strophe sur une page différente, si bien qu’on n’est pas sûr de l’ordre dans lequel il faudrait les lire19, qui, une fois encore, défient le commentaire. Il suffit, à nouveau, de se laisser entraîner : ce sont les poèmes d’un cœur qui a tant battu.
    Au total, victime de récupérations successives, de malentendus, d’idées toutes faites (Péguy écrivait : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est d’avoir une pensée toute faite »20), la rumeur selon laquelle  Péguy serait illisible a pu prospérer. Mais comme toutes les rumeurs, celle-là n’est pas la vérité, elle est même le contraire de la vérité ! J’espère vous en avoir persuadé. Et si vous ne l’étiez pas encore, je me permets un conseil : lisez-le !
    Jean-Pierre Sueur
     

    [1] Charles Péguy, Œuvres poétiques et dramatiques (désormais OPD), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, p. 764.
    [2] OPD, p. 117 et 464
    [3] OPD, p. 472, 473 et 523
    4  Charles Péguy, Œuvres en Prose Complètes (désormais OPC), Bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard ; p. 291-292
    5  OPC III, p.  1102
    6  OPC III, p. 1103
    7  Voir à ce sujet le dialogue entre Jean-Pierre Sueur et Éric Thiers, Amitié Charles Péguy, n° 175, juillet-septembre 2021, p. 235 à 248
    8  OPC III, p. 161 à 345
    9 Victor Hugo, La légende des siècles, D’Ève à Jésus, VI
    10  OPC III, p. 261-262
    11 Victor Hugo, ibid.
    12  OPC III, p. 261
    13 OPC III, p. 20
    14  OPD, p. 1139-1140
    15  OPD, p. 1177
    16  OPD, p. 1518 à 1537
    17  Sur Ève, tapisserie et symphonie, voir Jean-Pierre Sueur : Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture, éd. du Cerf, 2021, p. 102 à 201
    18  OPD, p. 955
    19Voir Julie Sabiani : La Ballade du cœur, poème inédit de Charles Péguy, éd. Klincksiek, 1973
    20Note conjointe sur M. Descartes, OCP III, p. 1278 à 1477

     

  • La revue Renaissance de Fleury publie, dans son numéro de décembre 2022, un article de Jean-Pierre Sueur sous ce titre : « Péguy est-il illisible ? » C’est un titre un peu provocateur, auquel Jean-Pierre Sueur répond en toute clarté – « Oui, contrairement aux légendes, Péguy est lisible, plus que lisible ! » – exemple à l’appui.
    Nous publions ci-dessous trois extraits de cet article.
    Cette livraison de Renaissance de Fleury contient un autre article de Jean-Pierre Sueur intitulé « La Loire de Péguy »ainsi que des textes d’Yves Avril, de Jacqueline Cuche et de Pierre Fesquet.
     
    Les extraits
    Péguy est-il illisible ? À ceux qui poseraient cette question singulière, je répondrais immédiatement que le fait même qu’ils la posent… démontre qu’ils ne l’ont pas lu ! Car est-il, justement, un écrivain plus lisible que Charles Péguy ?
    Ouvrons pour commencer Les Mystères publiés à la fin de sa trop courte vie, entre les années 1910 et 1913 – et dont le premier reprend en partie la première Jeanne d’Arc parue en 1897.
    Lisons – c’est un exemple entre cent ou mille autres – la description de la Nuit à laquelle s’adresse son Créateur dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu :
     
    « Nuit, tu es la seule qui panses les blessures
    Les cœurs endoloris. Tout démanchés.
    Tout démembrés.
    Ô ma fille aux yeux noirs […]
    Ô ma nuit étoilée, je t’ai créée la première
    Toi qui endors, qui ensevelis déjà
    Dans une Ombre éternelle
    Toutes mes créatures.
    Les plus inquiètes, le cheval fougueux,
    La fourmi laborieuse
    Et l’homme, ce monstre d’inquiétude. »
     
    Dans ce texte, et tant d’autres, nulle obscurité – si ce n’est celle de la Nuit, dotée cependant de belles clartés. Est-il une littérature moins limpide, moins fluide que celle-là ?
    Ce qui caractérise cette écriture c’est sa transparence. Nul apprêt. Le sentiment que les mots coulent de source. Nulle figure qui viendrait orner pesamment le cours du texte, comme d’inutiles et de surabondantes fioritures. Une rhétorique de la simplicité, qui semble l’inverse de la rhétorique. Nombre de figures de style, de comparaisons et de métaphores cependant, mais apparaissant de manière très naturelle.
    (…)
    Mais, nous dira-t-on, tous les textes de Péguy ne procèdent pas du même réalisme, de la même transparence que Les Mystères. Et il est vrai que l’écriture de Péguy relève de plusieurs registres, même si, on le verra, tout s’enchaîne et si les uns préparent les autres.
    Ainsi, dans les multiples textes en prose qu’il a publiés dans Les Cahiers de la Quinzaine créés par Péguy en 1900 pour « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste », qui relèvent à la fois du journalisme et de la réflexion philosophique, politique, religieuse, de l’étude de mœurs, de la description, de la dénonciation, de la diatribe, de l’admonestation, de l’invocation, Péguy se met constamment en scène. Il ne triche pas. Il est lui-même.
    Et ce qui frappe, au-delà de la très grande diversité des écrits et des sujets traités, c’est une tendance qui culminera, avec le temps, dans ses dernières œuvres en prose et œuvres posthumes, en vertu de laquelle le mouvement de la pensée et le mouvement de l’écriture font un, sont un. Il théorise cela dans l’un de ses ouvrages intitulé Clio : « Un texte devient illisible aussitôt que nous avons l’impression que la main attend après la tête, que la plume attend la pensée ». Et quand il est emporté, entraîné dans le mouvement de l’écriture, il ne s’arrête pas, il continue, il va jusqu’au bout « comme un cheval qu’on crève. »
    Cela a une conséquence. C’est que Péguy nous offre, nous restitue l’écriture s’écrivant. Il n’y a pas de brouillon, pas de premier état du texte avant le deuxième ou le troisième (même si l’étude des manuscrits montre qu’il peut aussi peaufiner ses œuvres).
    C’est une conception, à certains égards, moderne de l’écriture. La conséquence, c’est qu’il faut se laisser entraîner, se laisser emporter par une prose qui est premier jet, quitte à revenir ensuite sur elle-même, à s’écarter du premier mouvement, à y revenir, pour aller plus loin, et ainsi de suite. Alors, si l’on accepte ce postulat, oui, Péguy est lisible, encore et toujours plus lisible.
    (…)
    Au total, victime de récupérations successives, de malentendus, d’idées toutes faites (Péguy écrivait : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est d’avoir une pensée toute faite »), la rumeur selon laquelle  Péguy serait illisible a pu prospérer. Mais comme toutes les rumeurs, celle-là n’est pas la vérité, elle est même le contraire de la vérité ! J’espère vous en avoir persuadé. Et si vous ne l’étiez pas encore, je me permets un conseil : lisez-le !
  • MSN actualités, 3 avril 2021

  • Radio J : sur Charles Péguy
    Jean-Pierre Sueur a été interviewé lors de l’émission « Pont Neuf » par Salomon Malka sur Radio J au sujet de son livre Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture.
     
    ENA et réforme de la fonction publique : Jean-Pierre Sueur répond à Amélie de Montchalin
    Jean-Pierre Sueur est intervenu lors d’une audition au Sénat d’Amélie de Montchalin, ministre de la Fonction publique, pour lui répondre.
     

    La matinale de Public Sénat
    Jean-Pierre Sueur a répondu aux questions d’Oriane Mancini sur l’actualité lors de la matinale de Public Sénat le 25 mai.
  • La République du Centre, 6 novembre 2021

     
  • Jean-Pierre Sueur se réjouit du fait que, lors du débat sur le projet de loi sur l'école, le Sénat se soit très largement opposé aux « établissements publics des savoirs fondamentaux » qui étaient refusés par toute la communauté éducative. Ils instauraient en effet une tutelle de fait des principaux de collèges sur les directeurs et les professeurs des écoles primaires. L’article 6 du projet de loi est supprimé. On peut espérer qu’il ne resurgira pas lors de la commission mixte paritaire, ou après celle-ci à l’Assemblée Nationale. Nous serons vigilants à cet égard.

    Lors du débat, Jean-Pierre Sueur a cité Charles Péguy et plus précisément son livre L’Argent, paru en 1913.

    >> Lire son intervention en séance publique

  • Victime, durant l’hiver 1899-1900, de la grippe, maladie qui faisait, bien plus qu’aujourd’hui, des ravages, Charles Péguy rédige trois textes publiés durant la première année de parution des Cahiers de la Quinzaine, qu’il venait de créer pour « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste »,intitulés « De la grippe », « Encore de la grippe », « Toujours de la grippe ». Ces textes introuvables (sauf dans le premier tome des Œuvres en prose édité dans La Pléiade par Robert Burac), Éric Thiers, devenu récemment président de l’Amitié Charles-Péguy, a eu la belle idée de les rassembler dans un livre qu‘il a préfacé, que viennent de publier les éditions Bartillat.

    Ce n’était pas prévu au départ. Mais ce livre, méditation sur la maladie et sur l’épidémie, est d’une singulière actualité. Comme l’écrit Éric Thiers : « Cent vingt ans plus tard, après l’épidémie qui a plongé le monde dans un état de catalepsie […], la lecture de cettegrippeest précieuse. Tout y est : l’insinuation de la maladie dans nos corps, mais aussi nos esprits ; l’épreuve intime et collective ; le dérèglement du monde et des individus qui ne savent plus à quelle vérité se vouer. Péguy évoque tout cela, à sa façon, ironique, tonique, à mille lieux de l’image de vieille barbe à lorgnons qu’on lui assigne parfois. »

    Ce livre est donc une méditation sur la maladie, sur la mort qui toujours guette. Il est un dialogue, avec Blaise Pascal, avec les Pensées, les Provinciales et la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies. On y croise Renan (beaucoup), mais aussi Sophocle et Corneille.

    Ne croyez pas cependant que ce soit un livre triste, pesant et compassé. Non. C’est le contraire. Péguy y évoque surtout les maladies sociales. Et particulièrement les maladies de la politique et de ce qu’il appelle le « socialisme officiel » dont il vient justement de se séparer, ce pour quoi il a créé les Cahiers de la Quinzaine. Les trois textes réunis prennent dont la forme d’un dialogue avec un « citoyen docteur socialiste révolutionnaire moraliste. » C’est l’occasion pour Péguy de régler leur compte aux guesdistes (il avait écrit auparavant : « J’ai trouvé le guesdisme dans le socialisme, comme le jésuitisme dans le catholicisme ») : « Le guesdisme était jadis le culte et la vénération de Guesde, il […] devient de plus en plus un syndicat de jeunes ambitieux » – écrit-il – avant de pourfendre une conception autoritaire, centralisée, dogmatique du socialisme, qu’il déteste.

    Au-delà, la critique porte sur bien des aspects de la politique politicienne : « Quand un parti est malade, nous nous gardons soigneusement de faire venir les médecins : ils pourraient diagnostiquer les ambitions individuelles aigües, la boulangite, la parlementarite, la concurrencite, l’autoritarite, l’unitarite, l’electolâtrie… »

    Péguy adore créer des néologismes, développer des énumérations fantasques (on pense parfois à Rabelais), inventer la singulière syntaxe qu’il déploiera de livre en livre. Et déjà les grands thèmes de son œuvre apparaissent. Ainsi les « hussards noirs de la République » sont déjà là : « Si ce village de Seine-et-Oise ne meurt pas dans la fureur et les laides imbécillités de la dégénérescence alcoolique, si l’imagination de ce village arrive à surmonter les saletés, les horreurs et les idioties des radio feuilletons, nous n’en serons pas moins redevables à ce jeune instituteur que nous n’en serons redevables au Collège de France. »

    Il y a la défense des peuples opprimés, et d’abord de l’Arménie (sujet toujours d’actualité !) :« Le massacre des Arméniens […] est sans doute le plus grand des massacres des temps modernes (…]. Et l’Europe n’a pas bougé. La France n’a pas bougé. La finance internationale nous tenait. »

    Il y a aussi, comme dans la première et jusque dans la deuxième Jeanne d’Arc, le refus radical d’admettre qu’« il y eût une souffrance éternelle, et une maladie éternelle, et une mort éternelle. »Le « croyant anticlérical » que fut Péguy n’a jamais supporté l’idée de la damnation.

    Comme l’écrit Claire Daudin dans le compte rendu de ce livre paru dans le dernier numéro de L’Amitié Charles Péguy, « le Péguy jeune, des tout débuts des Cahiers de la Quinzaine, est encore à découvrir, et pourtant il est déjà prophétique. »

    Jean-Pierre Sueur

  • Lorsqu’un artiste vient illustrer des livres, ou plus particulièrement des livres de poésie, cela peut susciter des sentiments mêlés. L’on se dit que si l’œuvre, si les poèmes sont forts, point n’est besoin d’illustrations. Le texte se suffit à lui-même. Nous le lisons, il nous parle. Un rapport singulier s’instaure entre lui et nous. Et, si le livre est réussi, il se fait aimer seul, pour lui-même.

    Il arrive, à rebours, que des artistes rejoignent des poètes, qu’ils communient avec eux. Il ne s’agit pas pour l’œuvre graphique d’enrichir l’œuvre écrite. Non, le terme ne convient pas. Les deux œuvres se rejoignent, elles se répondent, elles entretiennent un dialogue, elles créent des harmonies nouvelles.

    Tel est le cas avec un beau livre qui vient de paraître aux éditions Prodromus où se rejoignent la très connue – mais sans doute encore trop méconnue – Tapisserie Notre-Dame de Charles Péguy et les peintures de Sébastien Le Roy.

    Celles-ci répondent bien, avec force et sobriété, aux côtés ensemble (écrivons comme Charles Péguy !) charnel et mystique de l’admirable Présentation de La Beauce à Notre-Dame de Chartres, qui constitue le cœur de l’ouvrage.

    Et je ne puis mieux faire pour finir que de citer ces lignes de la présidente de l’Amitié Charles Péguy, Claire Daudin, qui écrit dans sa préface : « La "pâte" de Sébastien Le Roy, la texture même de sa peinture (….) est ce qu’il fallait pour reconstituer au poème son épaisseur, au-delà des lectures et des illustrations éthérées qu’on a pu en faire. Son usage parcimonieux des couleurs convient également au stylo de Péguy (…), grave et sans fioritures, refusant l’anecdote et le joli (…). Ainsi, les rosaces et les vitraux de la cathédrale viennent-ils illuminer ces tableaux, fulgurants éclats de couleur après la monotonie des à-plats beige et gris de la Beauce. L’art permet de ces rencontres, par-delà les années, par-delà les disciplines. Il est une première victoire sur la mort. »

    JPS

     
  • Le Figaro, 20 mai 2021

     
  • Je tiens à saluer le cinquantième numéro du Porche, revue créée il y a vingt-cinq ans par Yves Avril et qui s’est proposée dès l’origine de publier des articles principalement consacrés à l’œuvre de Charles Péguy – d’où le titre de la revue qui renvoie à l’un de ses Mystères –puis à Jeanne d’Arc, en faisant très largement appel à des collaborateurs venus de divers horizons européens. La coopération fut, au départ, très active avec la Russie et particulièrement avec le Centre Charles-Péguy de l’Université de Saint-Pétersbourg, animé par la très chère Tatiana Taïmanova, hélas disparue récemment. Puis elle s’est étendue à la Pologne, à la Finlande et à l’Estonie, devenant le creuset d’échanges culturels de grande qualité. Romain Vaissermann a pris la direction de la revue cependant qu’Yves Avril y apporte toujours ses contributions et ses talents de traducteur.

    Je signale, dans ce cinquantième numéro, un article de Romain Vaissermann sur « La poésie dans les Cahiers de la Quinzaine ».

    Si ces Cahiers destinés à « dire la vérité, toute la vérité » publièrent nombre de témoignages sur les peuples opprimés, traitèrent de nombre de sujets politiques, philosophiques et sociaux, ils furent aussi largement ouverts à la poésie, et pas seulement à celle de Charles Péguy. On découvre ainsi avec intérêt des pages de François Porché, d’André Suarès, d’André Spire, de Jean Bonnerot, de René Salomé, de Joseph Mélon et d’Edmond Fleg. Comme l’écrit Romain Vaissermann, « Péguy n’avait pas seulement livré au lecteur […] une œuvre polymorphe », mais « il y avait associé des amis poètes. »Sans méconnaître le mérite de ceux-ci, comment ne pas penser que l’écriture poétique de Péguy en apparaît d’autant plus forte, plus singulière, à nulle autre pareille.

    Jean-Pierre Sueur

    • Le Porche, Yves Avril, 2 rue du Vieux tilleul, 25380 La Grange. Abonnement annuel : 30 €.
  • La Tribune - Hebdo, 16 décembre 2021

     
  • Un « hussard noir de la République » : cette expression est apparue, si juste, si forte s’agissant de Samuel Paty, victime de cet acte barbare, innommable, monstrueux – les mots manquent – qu’elle a été reprise par tous, depuis le président de la République jusqu’à nous tous, élus, journalistes, citoyens de tous âges et de toutes origines.

    On a peu dit – comme si on ne le savait pas, ou on l’avait oublié – d’où venait cette expression. Elle vient d’un livre publié en 1913 par l’Orléanais Charles Péguy, intitulé L’Argent, dans lequel il évoque, dans un passage très remarquable, les élèves-maîtres de l’École normale d’instituteurs, située près de la maison de son enfance, faubourg de Bourgogne à Orléans. Il y parle avec lyrisme de ces jeunes normaliens issus du peuple, faisant corps avec lui, « ces gamins qui étaient vraiment les enfants de la République. »

    En hommage à Samuel Paty, je publie cet admirable passage de L’Argentde Charles Péguy

    Jean-Pierre Sueur

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  •  Mag'Centre vient de publier un article sur le livre La Loire reprenant un texte méconnu de Charles Péguy, préfacé par Jean-Pierre Sueur.
    Ce livre connaît d'ores et déjà un réel succès. Il est publié aux éditions la guêpine.
     
     
     
     
  • L’Amitié Charles Péguy organise ce samedi 7 décembre, au lycée Henri-IV à Paris un colloque sur « Le Paris de Péguy ».

    Jean-Pierre Sueur interviendra lors de ce colloque, à 15 h 40. Son intervention portera sur l’ample description de Paris qu’a faite Péguy dans son ouvrage De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle paru en 1907.

    >> Voir le programme complet

     

     

     

    Le Paris de Charles Péguy est populaire et révolutionnaire, fait du cortège des petites gens, qui manifestent pour le triomphe de la République dès le premier numéro des Cahiers de la quinzaine en janvier 1900. Mais c’est aussi la capitale royale, impériale et républicaine « mais jamais orléaniste ». C’est la ville qui ne trahit pas malgré ses contradictions qui sont la vie même. Et Paris est vivant. Avant tout.

    Paris est vivant car il a un corps : des rues que Péguy arpente sans cesse. Paris est vivant car c’est une « ville mémoire ». Lire les textes de Péguy c’est bien visiter cette ville, géographie et histoire réunies. Paris est vivant aussi parce qu’il se nourrit de ceux qui l’habitent.

    « Paris n’appartient à personne », écrit Péguy dans Victor-Marie, comte Hugo. Nous l’avons bien vu le 15 avril dernier quand Notre-Dame s’est embrasée : partout dans le monde on s’est senti meurtri par la blessure infligée à notre ville. Paris est français et Paris est universel, national et international, patriote et cosmopolite, il est à l’image de notre pays. En cela, comme Péguy le clame : Paris est « capitale du monde ».

  • Le dernier numéro de la revue L’Amitié Charles Péguy publie un compte-rendu très détaillé du dernier livre de Jean-Pierre Sueur, Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture, rédigé par Hadrien Courtemanche.
  • « Charles Péguy et la littérature » : tel est le thème du débat entre Alain Finkielkraut et Jean-Pierre Sueur sur Charles Péguy et la littérature animé par Guillaume Erner, de France Culture, qui a été diffusé (et rediffusé à plusieurs reprises) sur Public Sénat. Ce débat qui a été coproduit par Public Sénat et France Culture pour l’émission « Livres et vous » est disponible en podcast, notamment sur France Culture.

    >> (Re)voir le débat

  • Le dernier numéro de la revue L’Amitié Charles Péguy publie un dialogue entre Jean-Pierre Sueur et Éric Thiers sur l’écriture de Charles Péguy intitulé « Péguy ou l’écriture se faisant ».
  • Le Courrier du Loiret, 20 mai 2021

     
  • Jean-Pierre Sueur vient de publier un livre intitulé Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture entièrement consacré à l’écriture de Charles Péguy, une écriture sans pareille, « vertigineuse », indissociable de sa pensée, une écriture qui est « sa vie même. »
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Ce livre est publié aux éditions du Cerf (256 pages, 22 €) et sera en librairie à partir du 12 mai