Interventions et prises de position

Vous trouverez ci-dessous les dernières prises de position de Jean-Pierre Sueur.

Le ministre de l’Enseignement supérieur répond à Jean-Pierre Sueur au sujet des retards de versement du salaire des vacataires de l’enseignement supérieur.

C'est avec tristesse que j'ai appris le décès de Jacques Julliard. Ancien élève de l'École normale supérieure, Jacques Julliard s'est très tôt engagé dans le syndicalisme. Il fut secrétaire national du Syndicat général de l'Éducation nationale (SGEN), adhérent et toujours proche de la CFDT, mendésiste, grand ami de Michel Rocard et grande figure de ce qu'il fut convenu d'appeler la « deuxième gauche ». Il fut un historien remarquable, à qui l’on doit notamment une Histoire des gauches savante et lucide – et une quarantaine d’autres livres. Enfin, son talent d'éditorialiste – pendant longtemps au Nouvel Observateur – était notoire. Il défendait ses idées avec fougue, aimait la controverse, mais aussi le dialogue : il respectait ses adversaires. Ses éditos (désormais ils étaient dans Marianne) nous manqueront. Merci Jacques.

JPS

Photo Wikipedia : Jacques Julliard en 2012

Cette fois encore, le Théâtre de l'Escabeau situé à « Rivotte », à l'entrée de Briare, nous surprend et nous séduit par un spectacle d'été rassemblant ses trois compagnies (professionnels, amateurs, jeune compagnie), un spectacle jeune, innovant, surprenant, Ruy Blas de Victor Hugo, dans une mise en scène de Louise Pauliac.
Victor Hugo avait, parmi d'autres qualités, le sens du théâtre. On l'a parfois oublié. Mais comme toutes ses pièces, ce « drame romantique » nous tient en haleine jusqu'à l'ultime réplique. L'histoire est connue : Ruy Blas est un laquais qui est amoureux de la reine. Comme l'écrit Victor Hugo, c'est « un ver de terre amoureux d'une étoile. » Ruy Blas en profite aussi pour pourfendre les courtisans corrompus, ne pensant qu'à s'enrichir alors que l'État va mal. Cela vaut pour tous les temps. Et je veux saluer la prestation du titulaire du rôle, Gabriel Garnier, dans la fameuse tirade qui commence par ces mots : « Bon appétit Messieurs ! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! voilà votre façon de servir, serviteurs qui pillez la maison. »
Ce qui est sûr, c'est que les comédiens de l'Escabeau aiment, adorent le théâtre. Cette passion, cette constante créativité qui est leur image de marque, justifieraient qu'ils soient davantage soutenus, par l'État notamment. Je l'ai souvent dit et écrit. Au sortir de ce Ruy Blas, je persiste et je signe.
Jean-Pierre Sueur

Je dois à Rémi Carteret, correspondant de La République du Centre à Nargis, que je remercie, de m’avoir fait découvrir deux poèmes écrits par Paul Fort lors de l'une de ses venues à Nargis – poèmes dont il a révélé l'existence à ses lecteurs.
L'œuvre de Paul fort est immense et ses Ballades françaises comptent… quarante volumes. On sait qu'il fut surnommé « Le prince des poètes ». Et on garde en mémoire quatre de ses poèmes qui ont été mis en musique par Georges Brassens : Le petit cheval, La Marine, Si le bon Dieu l'avait voulu et Comme hier. Mais au-delà de ces titres connus, il est un grand nombre de poèmes – qu'il publia de 1896 à 1958 – qui sont très méconnus. Paul Fort y cultive le lyrisme et le symbolisme – la simplicité aussi. Il écrit davantage en versets qu'en vers. Il chante les villes et les paysages…
Et je ne résiste pas au plaisir d'offrir à mes fidèles lecteurs ces deux poèmes, écrits à Nargis.
Le premier s'intitule Premiers soirs à Nargis. Il y est question d'un hameau qui, le soir, est veillé par des lys. Signe de sa totale liberté, Paul Fort nous propose un audacieux enjambement entre la première et la seconde strophe : « À l'heure où glisse / l'hirondelle ». Il est aussi question des pleurs d'un « bien-aimé » et de l'angélus qui « trouble l'air d'un son faible et ruiné. »
Et puis il y a ce beau vers :
« Le village se tait. La nuit d'astres soupire. »
Mais je vous laisse lire ce très beau poème :
Premiers soirs à Nargis
« Il me sera si doux de dire : je l’ai vu, ce hameau qui le soir est veillé par des lys ! J’y ai tant pleuré ces soirs où j’ai vécu dans la sérénité trop grande à l’heure où glisse
l’hirondelle. Et vous-même, il vous sera doux de dire : je l’ai vu pleurer, mon bien-aimé, me sourire et pleurer vers l’ombre où tout à coup l’angélus trouble l’air d’un son faible et ruiné.
"Quelle heure ?" — "Nulle, une heure éternelle." — "Quelle heure ?..." Hélas ! je répondrais : "Le charron donne encore un coup triste à ses roues" — "Oh ! je sens que tu pleures."
"Le village se tait. La nuit d’astres soupire", murmurais-je voulant me taire et tout vous dire ; enfin pleurant l’instant d’un autre instant suivi : "Respire longuement le souffle de la vie." »
 
Le second s'intitule Le plateau des trois clochers. Il a été écrit depuis un site (est-ce, nous a-t-on dit, « le bois de Pithurin » ?) où l'on découvre à la fois les clochers de Nargis, de Ferrières et de Château-Landon.
Il y est question du Fusin qui reflète « les beaux jours » et qui, « toujours, entoure de ténébreux quadrilles des corneilles actives. » Paul Fort nous parle de « son petit Nargis, tout jardiné de roses et de lys. »
Mais cette fois encore aussi, je préfère laisser la place au texte … et à Paul Fort :
Le plateau des trois clochers
« Des bois noirs de Toury, chère, quand nous sortîmes, ce dimanche matin, sous l'averse argentine des angélus, vingt champs d'épis pleins de frissons couvraient tout le plateau jusqu'au large horizon.
Au sud, au nord, à l'est du plateau des moissons, et suspendant sur elles un triangle d'azur, s'effilaient doucement trois clochers dans l'air pur, de bourgs où nous vécûmes, et vivons, et vivrons ...
Les cloches des trois tours dont l'une est un beffroi, tout en sonnant matines, nous chantaient à la fois, la cloche de Château-Landon, nos souvenirs, de Nargis, l'heure même, de Ferrières, l'avenir.
À ton ombre, clocher, qu'il nous fut doux de vivre, clocher roux de Landon que dorent les beaux jours, que le Fusin reflète et qui toujours s'entoure du ténébreux quadrille des corneilles actives !
Lors nous vivions chez nous, faut-il nous le redire, toujours chez nous, dans cette auberge "à la Croix d'Or", toujours croisée ouverte et l'église en décor de nos amours: Clocher, n'es-tu qu'un souvenir ?
Nargis, vous, mon petit Nargis tout jardiné de roses et de lys et qui, des graminées les plus vives au vent, caressez vos toits roses, je voudrais sur votre clocher dire une chose.
Souffrez-le : nous vivons en bonne compagnie depuis sept jours bientôt. - Comme passe la vie ! Il a l'air, mon petit Nargis, votre clocher (je vous aime ! voyons ! n'allez pas vous fâcher)
d'un casque à pointe. Absolument. Clocher français, n'avez-vous pas de honte ? Oh ! vous pleurez ? Je vais vous consoler un brin ... Vous semblez, ce matin, la sonnette agitée d'un géant sacristain.
Mais le son que vous répandez est un délice tel, que tendent l'oreille hommes, roses et lys, tel aussi, que pour mieux l'entr'ouïr, ce dimanche, des anges de blé glissent en robe blanche.
Ainsi parlais-je, ayant ma mie auprès de moi, qui me dit: "Et cet autre?" en me montrant du doigt le clocher de Ferrières, élancé bel et rond. - "Ferrières, c'est l'avenir, hé ! ma mie, nous irons.
Nous irons, nous verrons sa menue Vierge noire, dont la tête, au milieu doré d'un reposoir, n'est pas plus grosse qu'un pruneau ; mais si jolie, qu'elle est miraculeuse en temps d'épidémie.
Nous irons, nous verrons à l'ombre de l'église, l'arène où combattaient rétiaire et mirmillon, voire où Pépin le Bref abattit son lion. Mais de cet avenir faisons bien l'expertise.
Nous irons voir le dais que l'on porte en clochant, courant, sautant, le jour de la Saint Greluchon, et qui supporte alors la Vierge aux yeux dardés que Gaspard le Roi nègre a dû trop regarder,
et sous lequel il faut embrasser sa promise, pour avoir des enfants plus tard: vite on la bise ! - tout comme ici je fais, sous le dais bleu des cieux, vite votre joue, moins vite sur vos yeux."
Ah ! sonnez les trois cloches, sonnez avec émoi notre éternel bonheur! Chantez nous à la fois, la cloche de Château-Landon, nos souvenirs, de Nargis, l'heure même, de Ferrières l'avenir ! »
 
Peut-être est-il d'autres poèmes sur Nargis et le Gâtinais que nous retrouverons un jour.
En tout cas, ces poèmes justifiaient qu'une rubrique Paul Fort et Nargis soit ajoutée à l'excellent livre de Christian Jamet : Le Loiret des écrivains et des artistes (Corsaire éditions).
Jean-Pierre Sueur

Jean-Pierre Sueur sera l’invité de la matinale de Public Sénat
ce 12 septembre  à 7 h 30.

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