Professeur émérite à la Sorbonne, Antoine Prost a écrit nombre de livres et d'articles très remarquables sur l'histoire du XXe siècle. Il s'est constamment employé à mieux faire connaître la vie des Français durant l'époque contemporaine tout en rénovant les méthodes de la recherche historique.
Je me souviens l'avoir vu et écouté pour la première fois dans les années 1970 à l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud où j'étais élève et où il présentait ses travaux statistiques lors d'un colloque de lexicométrie - ou de lexicologie !
Il fut l'un des premiers à apporter ces méthodes, à étudier quantitativement les vocabulaires, s’agissant en particulier des professions de foi électorales.
Il y eut tous ses travaux - qui font autorité - sur l'histoire de l'éducation, sa thèse, magistrale, sur le rôle majeur des anciens combattants entre les deux guerres, son étude sur « Les Français de la Belle Époque », et son livre qui vient éclairer les méthodes et innovations de la recherche en histoire : « Douze leçons sur l'histoire ».
Antoine Prost a parallèlement été un homme d'action : dans le syndicalisme (au SGEN-CFDT), au sein du cabinet de Michel Rocard, en tant qu'auteur de plusieurs rapports précieux sur l'éducation, par sa participation à nombre de commissions (comme celle sur la spoliation des biens des Juifs de France), par sa participation au Groupe d'Action Municipale d'Orléans, et enfin par l'honneur qu'il m'a fait d'accepter d'être adjoint à l'urbanisme d'Orléans durant les douze ans où j'étais maire. Il a dit récemment que cette dernière fonction l'avait particulièrement passionné. On mesure aujourd'hui les effets concrets de cette passion !
Aujourd'hui, Antoine Prost - qui ne cesse de travailler - nous livre un nouvel ouvrage intitulé « Les Français entre deux guerres » (éditions Gallimard). Ce livre est une nouvelle « somme » (de 448 pages) dont l'ampleur ne doit pas détourner les lecteurs : je témoigne qu'il se lit facilement et qu'on y apprend beaucoup !
Le principal intérêt de ce livre est qu'il ne traite pas d'une partie de l'histoire de France, telle qu'on en parle habituellement. Ce n'est pas l'histoire des gouvernements et du Parlement. Non : c'est l'histoire des Français. Cette histoire-là est souvent négligée ou mise au second plan. Eh bien dans ce livre elle est au premier plan. On y découvre, avec un très grand nombre d'analyses précises reposant sur des données solides, comment les Français dans toute leur diversité ont vécu ces années séparant les deux guerres qui ont marqué le XXe siècle.
On y retrouve la description de la vie pendant « La Grande Guerre » et dans les années qui ont suivi, sur l'économie, le travail en usine, le rôle des femmes.
Et puis des analyses sur les différentes catégories ou classes sociales : les ouvriers, les « classes moyennes », les paysans, les artisans, les commerçants, les fonctionnaires, etc.
Les mutations de l'agriculture sont décrites : le rôle de la JAC et des Maisons Familiales Rurales est particulièrement expliqué.
Il est question de la ville et de l'habitat, avec les effets de la loi Loucheur et l'idée novatrice des « cités jardins » due à Henri Sellier.
Il est aussi question (mais on me pardonnera de ne pas faire un catalogue exhaustif) de l'éducation (et de l'action de Jean Zay), du couple, de la sexualité, du sport, du scoutisme, de l'hygiène, de l'Église, de l'action catholique, de la presse, du cinéma, etc.
Je veux enfin signaler la place faite au Front Populaire et aux événements qui ont conduit à son arrivée depuis les événements du 6 février 1934. Son œuvre est largement évoquée : les congés payés, les 40 heures, les libertés syndicales, les conventions collectives, etc. Et une grande place est dévolue, à si juste titre, à l'action culturelle du Front Populaire.
Et puis, au fil du livre, toutes les avancées sociales sont évoquées, jusqu'à la création de la Sécurité Sociale par Pierre Laroque.
Même si Antoine Prost fait constamment preuve d'objectivité, il sait et il nous dit que les circonstances de sa vie ont pu expliquer certains de ses propos. Ainsi, nous dit-il que lorsque, dans son enfance, il voyait défiler des soldats allemands, « Ils étaient des vainqueurs et je faisais partie des vaincus ». Et une question traverse tout le livre : comment et pourquoi est-on passé de la victoire de 1918 à la débâcle de 1940 ? Antoine Prost en détaille les raisons, liées notamment aux choix militaires : on avait préparé une autre guerre. Mais, plus largement, il conclut son livre par cette phrase : « La France a sombré en 1940 parce qu'elle avait payé trop cher la victoire de 1918 ».
Au total, il faut chaleureusement remercier Antoine Prost pour cette « somme », dont la lecture est à la fois instructive et passionnante.
Jean-Pierre Sueur
Je signale la parution de mon nouveau livre, chez Odile Jacob : "Une journée singulière. Autopsie politique".
Une vision distanciée, littéraire et imprévue de la vie politique et administrative.
Ed. Odile Jacob, 196 p., 19,90€
L’ATAO : UN BEAU COMBAT POUR LA CULTURE !
Qu'il me soit permis d'abord, de remercier très chaleureusement Jean-Marie Caplanne et Alain Labrouche qui ont tenu la barre du navire ATAO ces dernières années, avec énergie, courage dévouement - et l’amour du théâtre !
Ces remerciements s'adressent, bien sûr également à toutes celles et ceux qui ont œuvré avec eux et à toutes celles et ceux qui, 53 ans durant, on fait vivre l’ATAO et ont partagé le même amour du théâtre - depuis que Marcel REGGUI a donné l'impulsion d'un renouveau à la culture à Orléans avec l’A PAC - Association Populaire d'Action Culturelle – l’ATAO comme les Semaines Musicales d'Orléans étant ensuite créées dans le même mouvement, je dirai le même souffle…
Ce furent donc 53 ans d'effort, de travail et surtout de passion, qui se sont traduits par 353 pièces de théâtre présentées, avec le souci constant - y compris pour ce qui est du prix des billets - que ces pièces soient accessibles à tous !
Les principes découlaient du même titre que l'association s'était donnée : le Théâtre d'Aujourd'hui.
Et il était bon de les redécouvrir d'un « œil neuf ». Il était bon également de présenter le travail des écrivains et metteurs en scène contemporains. Les deux préoccupations ne s'excluaient pas. Elles se complétaient. Et puis il y a toujours eu cet autre principe déjà évoqué : l'ouverture à tous, la culture offerte à tous les publics et non cantonnée à ceux pour qui elle était « naturelle », elle allait de soi, dans la droite ligne du renouveau que fut la décentralisation théâtrale avec, notamment, la création des Centres Dramatiques Nationaux.
Mais il y avait aussi une éthique, qui a présidé aux choix qui ont été faits. Il fallait que les mises en scène pour actuelles et renouvelées qu'elles soient, fussent respectueuses du texte et de l'auteur. Trop de metteurs en scène, aujourd'hui, se prennent pour les auteurs. Le texte n'est plus pour eux qu'un prétexte à des prestations ou gesticulations souvent gratuites. Il y a là une dérive dans laquelle l’ATAO n'est jamais tombée… Et c'est encore une autre raison pour lui rendre hommage !
L’ATAO n'existe plus sous la forme que nous avons connue. Mais puissent son esprit, sa force, son originalité, son âme vivre et survivre autrement !
Lorsqu'elles sont aussi belles et fécondes, les lumières de la rampe ne s'éteignent pas !
À l'initiative de son fils, Stéphane Sainson, un livre vient de paraître, consacré à l'oeuvre d' Huguette Sainson.
Il m'a fait l'honneur de me demander d'en rédiger la préface.
Ce livre, intitulé Huguette Sainson. Orléans au temps de la publicité et des Relations Publiques, est publié aux éditions Autre Chose Autrement, 367 p., 32 €.