À l’heure où « les immigrés » sont l’objet des pires démagogies politiciennes, je tiens à signaler tout particulièrement le livre que vient de publier Régis Guyotat aux éditions
« Regain de lecture » sous le titre : « L’homme au passe-montagne » avec comme sous-titre « Être immigré à Orléans durant les Trente Glorieuses ».
À l’époque couverte par ce récit (de 1958 à 1978), Régis Guyotat était correspondant du « Monde » pour la région Centre. Il s’impliquait aussi dans l’élaboration et la rédaction de la « Tribune d’Orléans », une revue qui a souvent donné la parole aux immigrés et aux syndicats ainsi qu’aux associations qui les soutenaient, comme « Accueil et Promotion », présidée par François Vannier, ou l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), fondée par Jean-Pierre Perrin-Martin. C’est dire qu’il connaît bien le sujet !
C’est donc à travers une histoire vécue qu’il écrit sur « ces étrangers qui ont construit la France », qu’il s’agisse du grand ensemble urbain de La Source, des travaux publics, des centrales nucléaires, de la fonderie, sans oublier le maraîchage et tes travaux agricoles. Ces étrangers, la France les a fait venir. Elle leur doit une part non négligeable de cette période de croissance. Et en dépit de l’aide précieuse des militants des associations, de certaines communes, de travailleurs sociaux, ils ont été trop souvent contraints de vivre dans des conditions lamentables que décrit précisément Régis Guyotat. Il souligne aussi les efforts accomplis pour créer des foyers, en nombre toujours insuffisant, et, de surcroît - ce qu’on ne dit pas - financés par le « Fonds d’Action Sociale »(FAS), largement alimenté par les sommes dues aux travailleurs immigrés au titre d’allocations sociales qui n’étaient pas perçues lorsque les enfants restaient dans le pays d’origine - c’est à dire qu’ils ont payé, en fait, eux-mêmes la construction de ces foyers !
On a eu besoin d’eux. Et puis le choc pétrolier arrivant, on a voulu les inciter à repartir, avec une aide financière au retour bien faible…et donc inefficace ! Et puis, en réalité, on a toujours et encore besoin d’eux…Aujourd’hui même, alors que l’extrême droite (et d’autres aussi, hélas) font leur miel politicien de leur « départ », le patronat - et d’autres - expliquent que, sans eux, les métiers de la restauration, de l’hôtellerie, des BTP, de la salubrité, des cultures spécialisées… ne peuvent - et ne pourraient - pas fonctionner !
Et on méconnait les efforts accomplis par ces êtres humains qui ne quittent pas leur pays, la misère, ou les oppressions, par plaisir…mais sont contraints de rassembler les économies d’un village…pour financer des passeurs qui sont des escrocs, et même des criminels, qui laissent s’enfoncer dans la Méditerranée, des rafiots suroccupés, transformant cette mer, et la Manche aussi parfois, en cimetière à ciel ouvert….
Et c’est réconfortant de voir aujourd’hui, en Grande Bretagne, en réponse à l’extrême droite, des foules chaleureuses de manifestants portant des pancartes sur lesquelles on lit : « Non à la haine » et « Bienvenue aux réfugiés »….
On me dira que je m’éloigne du livre de Régis Guyotat. Pas du tout. Car il décrit à partir de nombre de faits précis les mécanismes de l’exclusion, du rejet, du racisme. Et aussi les actions de solidarité, les régularisations après 1981…et appelle, au-delà des statistiques - chacun a les siennes - et des discours démagogiques, à des solutions tout simplement humaines.
Dire que les étrangers sont un « danger » ne règle rien, et envenime tout. J’ajoute que quelle que soit la couleur de leur peau, ou la provenance de leurs parents et grands-parents, toutes celles et tous ceux qui gagnent des médailles olympiques sont forcément d’excellents Français devant lesquels on ne se prive d’aucun superlatif !
Les questions sont devant nous. Elles sont importantes pour la France et pour l’Europe. L’accueil des réfugiés est un droit. Les exils pour raison économiques ne s’arrêteront pas par enchantement. Les exils pour raison climatique s’y ajouteront…Cela appelle une lutte impitoyable contre les passeurs, des accords avec les pays d’origine, des règles claires et humaines. De vraies politiques d’intégration…
C’est à tout cela que l’ouvrage de Régis Guyotat nous invite à réfléchir !
Jean-Pierre Sueur
> Mon interview sur France 3 Centre Val de Loire, 15 juillet 2024
En barrant sa une de ces trois lettres : « Ouf », le quotidien « Libération » a résumé la réaction de très nombreux Français. Une grande majorité des électeurs a su, dans un vrai sursaut, avec la constitution de ce front républicain et ces très nombreux désistements, éviter le pire et comprendre que l’absolue priorité était de défendre toutes nos valeurs républicaines
Pour ce qui est du Loiret, je salue et félicite donc les cinq candidats, appartenant à des partis politiques très différents, qui ont su et qui ont pu rassembler très largement autour de ces valeurs républicaines, et pour elles ! Et je salue et félicite aussi toutes celles et tous ceux qui ont choisi de se désister alors qu’ils auraient eu la possibilité et la légitimité de se maintenir au second tour, mais qui ont choisi l’essentiel plutôt que leurs ambitions personnelles ou leur choix partisan.
C’est ainsi que, alors que nous pouvions craindre que de deux députés RN, on passe à trois, nous sommes passés de deux à un, grâce à l’intense mobilisation de Constance de Pélichy, d’Anthony Brosse, de leurs suppléants et de tous ceux qui les ont soutenus, quels que soient leurs bords politiques.
On me permettra un mot sur la seconde circonscription du Loiret qui avec la victoire d’Emmanuel Duplessy, que je félicite, bien sûr, retrouve un député de gauche après 36 années d’interruption et les 7 années durant lesquelles Jean-Claude Portheault en a été le député ! Je me souviens comme si c’était hier de ce soir de juin 1981… où nous avons été, avec Jean-Claude, tous deux élus députés du Loiret…après, là encore, 23 ans, au moins, de désert parlementaire pour la gauche dans le Loiret….
Cela montre, une fois de plus, que la gauche peut gagner, réussir et agir…même dans ce département réputé « droitier » qu’est le Loiret ! Elle peut gagner dès lors qu’elle est elle-même, fidèle à ses convictions, réaliste, et présente « sur le terrain ».
Enfin, toujours pour ce qui est du Loiret, ce scrutin pose un problème d’éthique. Ainsi, le RN (Ex Front National) a cru pouvoir investir une candidate n’habitant pas le département, qui n’est jamais venue dans la circonscription où elle était candidate, et n’a fait aucune déclaration ni durant la campagne électorale, ni le soir des élections, puisqu’elle était « injoignable » …Il y a des limites à l’imposture ! Et l’on peut s’étonner que, même au second tour, un nombre important d’électeurs aient voté pour cette candidate fantomatique.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Les médias bruissent de conjectures. Et je craindrais que l’on en revienne à d’improbables combinaisons politiciennes en tous genres.
Ce qui me paraît clair, c’est que l’époque où chaque élection présidentielle entraînait dans son sillon une forte majorité absolue pour le président élu - cette période, donc, est révolue. Si, de surcroît, on introduit la proportionnelle, ce serait encore plus le cas ! Notons que cette situation est celle que connaissent aujourd’hui la plupart des pays d’Europe. Or, en France, nous n’avons pas l’habitude de cette configuration. Nous avons plutôt l’habitude d’une alternance entre une gauche républicaine et une droite républicaine. Mais le projet politique du « en même temps » mis en œuvre par Emmanuel Macron a tué cette forme d’alternance.
Alors que faire ?
Premier point : la gauche, qui est arrivée en tête des trois grands ensembles politiques qui composent l’Assemblée Nationale doit jouer un rôle majeur et rester fidèle à ses projets, ses convictions et ses valeurs.
Second point : elle doit se montrer ouverte. Car, sinon, il n’y aurait pas de majorité possible, et donc de vie et de survie, pour aucun gouvernement.
Troisième point : il faut, à mon sens, en revenir à Pierre Mendès France qui dans son livre « La République Moderne » plaidait pour des contrats de législature, engageant sur un programme et sur un ensemble de réformes, ceux qui décideraient de se rassembler. C’est le cas - on le sait- dans nombre pays d’Europe.
Autrement dit : non à toute coalition de circonstance, sans principe. Non pour le retour à ce que la Quatrième République avait de pire. Mais oui pour un rassemblement sur un programme négocié où les convictions et les projets de la gauche - sur la justice, les droits humains, la santé, les services publics, etc.- prendraient toute leur place !
Certains penseront que c’est impossible ou idéaliste. Je répondrai que le pire n’est pas toujours sûr…et que je ne vois pas très bien ce que la gauche peut proposer d’autre, dans l’état actuel des choses. Et je n’oublie pas non plus que cela dépend pour une part non négligeable de ce que voudra le président de la République.
Jean-Pierre Sueur
L’extrême droite est donc aux portes du pouvoir. Il faut y faire barrage.
C’est pourquoi j’appelle les électrices et les électeurs du Loiret à voter pour les candidats des partis qui, dans toute leur diversité, sont fidèles aux valeurs de la République : Stéphanie Rist (1ère circonscription), Emmanuel Duplessy (2ème), Constance de Pélichy (3ème), Bruno Nottin (4ème), Antony Brosse (5ème) et Richard Ramos (6ème).