Vous trouverez ci-dessous les dernières prises de position de Jean-Pierre Sueur.
Professeur émérite à la Sorbonne, Antoine Prost a écrit nombre de livres et d'articles très remarquables sur l'histoire du XXe siècle. Il s'est constamment employé à mieux faire connaître la vie des Français durant l'époque contemporaine tout en rénovant les méthodes de la recherche historique.
Je me souviens l'avoir vu et écouté pour la première fois dans les années 1970 à l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud où j'étais élève et où il présentait ses travaux statistiques lors d'un colloque de lexicométrie - ou de lexicologie !
Il fut l'un des premiers à apporter ces méthodes, à étudier quantitativement les vocabulaires, s’agissant en particulier des professions de foi électorales.
Il y eut tous ses travaux - qui font autorité - sur l'histoire de l'éducation, sa thèse, magistrale, sur le rôle majeur des anciens combattants entre les deux guerres, son étude sur « Les Français de la Belle Époque », et son livre qui vient éclairer les méthodes et innovations de la recherche en histoire : « Douze leçons sur l'histoire ».
Antoine Prost a parallèlement été un homme d'action : dans le syndicalisme (au SGEN-CFDT), au sein du cabinet de Michel Rocard, en tant qu'auteur de plusieurs rapports précieux sur l'éducation, par sa participation à nombre de commissions (comme celle sur la spoliation des biens des Juifs de France), par sa participation au Groupe d'Action Municipale d'Orléans, et enfin par l'honneur qu'il m'a fait d'accepter d'être adjoint à l'urbanisme d'Orléans durant les douze ans où j'étais maire. Il a dit récemment que cette dernière fonction l'avait particulièrement passionné. On mesure aujourd'hui les effets concrets de cette passion !
Aujourd'hui, Antoine Prost - qui ne cesse de travailler - nous livre un nouvel ouvrage intitulé « Les Français entre deux guerres » (éditions Gallimard). Ce livre est une nouvelle « somme » (de 448 pages) dont l'ampleur ne doit pas détourner les lecteurs : je témoigne qu'il se lit facilement et qu'on y apprend beaucoup !
Le principal intérêt de ce livre est qu'il ne traite pas d'une partie de l'histoire de France, telle qu'on en parle habituellement. Ce n'est pas l'histoire des gouvernements et du Parlement. Non : c'est l'histoire des Français. Cette histoire-là est souvent négligée ou mise au second plan. Eh bien dans ce livre elle est au premier plan. On y découvre, avec un très grand nombre d'analyses précises reposant sur des données solides, comment les Français dans toute leur diversité ont vécu ces années séparant les deux guerres qui ont marqué le XXe siècle.
On y retrouve la description de la vie pendant « La Grande Guerre » et dans les années qui ont suivi, sur l'économie, le travail en usine, le rôle des femmes.
Et puis des analyses sur les différentes catégories ou classes sociales : les ouvriers, les « classes moyennes », les paysans, les artisans, les commerçants, les fonctionnaires, etc.
Les mutations de l'agriculture sont décrites : le rôle de la JAC et des Maisons Familiales Rurales est particulièrement expliqué.
Il est question de la ville et de l'habitat, avec les effets de la loi Loucheur et l'idée novatrice des « cités jardins » due à Henri Sellier.
Il est aussi question (mais on me pardonnera de ne pas faire un catalogue exhaustif) de l'éducation (et de l'action de Jean Zay), du couple, de la sexualité, du sport, du scoutisme, de l'hygiène, de l'Église, de l'action catholique, de la presse, du cinéma, etc.
Je veux enfin signaler la place faite au Front Populaire et aux événements qui ont conduit à son arrivée depuis les événements du 6 février 1934. Son œuvre est largement évoquée : les congés payés, les 40 heures, les libertés syndicales, les conventions collectives, etc. Et une grande place est dévolue, à si juste titre, à l'action culturelle du Front Populaire.
Et puis, au fil du livre, toutes les avancées sociales sont évoquées, jusqu'à la création de la Sécurité Sociale par Pierre Laroque.
Même si Antoine Prost fait constamment preuve d'objectivité, il sait et il nous dit que les circonstances de sa vie ont pu expliquer certains de ses propos. Ainsi, nous dit-il que lorsque, dans son enfance, il voyait défiler des soldats allemands, « Ils étaient des vainqueurs et je faisais partie des vaincus ». Et une question traverse tout le livre : comment et pourquoi est-on passé de la victoire de 1918 à la débâcle de 1940 ? Antoine Prost en détaille les raisons, liées notamment aux choix militaires : on avait préparé une autre guerre. Mais, plus largement, il conclut son livre par cette phrase : « La France a sombré en 1940 parce qu'elle avait payé trop cher la victoire de 1918 ».
Au total, il faut chaleureusement remercier Antoine Prost pour cette « somme », dont la lecture est à la fois instructive et passionnante.
Jean-Pierre Sueur
L’ATAO : UN BEAU COMBAT POUR LA CULTURE !
Qu'il me soit permis d'abord, de remercier très chaleureusement Jean-Marie Caplanne et Alain Labrouche qui ont tenu la barre du navire ATAO ces dernières années, avec énergie, courage dévouement - et l’amour du théâtre !
Ces remerciements s'adressent, bien sûr également à toutes celles et ceux qui ont œuvré avec eux et à toutes celles et ceux qui, 53 ans durant, on fait vivre l’ATAO et ont partagé le même amour du théâtre - depuis que Marcel REGGUI a donné l'impulsion d'un renouveau à la culture à Orléans avec l’A PAC - Association Populaire d'Action Culturelle – l’ATAO comme les Semaines Musicales d'Orléans étant ensuite créées dans le même mouvement, je dirai le même souffle…
Ce furent donc 53 ans d'effort, de travail et surtout de passion, qui se sont traduits par 353 pièces de théâtre présentées, avec le souci constant - y compris pour ce qui est du prix des billets - que ces pièces soient accessibles à tous !
Les principes découlaient du même titre que l'association s'était donnée : le Théâtre d'Aujourd'hui.
Et il était bon de les redécouvrir d'un « œil neuf ». Il était bon également de présenter le travail des écrivains et metteurs en scène contemporains. Les deux préoccupations ne s'excluaient pas. Elles se complétaient. Et puis il y a toujours eu cet autre principe déjà évoqué : l'ouverture à tous, la culture offerte à tous les publics et non cantonnée à ceux pour qui elle était « naturelle », elle allait de soi, dans la droite ligne du renouveau que fut la décentralisation théâtrale avec, notamment, la création des Centres Dramatiques Nationaux.
Mais il y avait aussi une éthique, qui a présidé aux choix qui ont été faits. Il fallait que les mises en scène pour actuelles et renouvelées qu'elles soient, fussent respectueuses du texte et de l'auteur. Trop de metteurs en scène, aujourd'hui, se prennent pour les auteurs. Le texte n'est plus pour eux qu'un prétexte à des prestations ou gesticulations souvent gratuites. Il y a là une dérive dans laquelle l’ATAO n'est jamais tombée… Et c'est encore une autre raison pour lui rendre hommage !
L’ATAO n'existe plus sous la forme que nous avons connue. Mais puissent son esprit, sa force, son originalité, son âme vivre et survivre autrement !
Lorsqu'elles sont aussi belles et fécondes, les lumières de la rampe ne s'éteignent pas !
À l'initiative de son fils, Stéphane Sainson, un livre vient de paraître, consacré à l'oeuvre d' Huguette Sainson.
Il m'a fait l'honneur de me demander d'en rédiger la préface.
Ce livre, intitulé Huguette Sainson. Orléans au temps de la publicité et des Relations Publiques, est publié aux éditions Autre Chose Autrement, 367 p., 32 €.
À l’heure où « les immigrés » sont l’objet des pires démagogies politiciennes, je tiens à signaler tout particulièrement le livre que vient de publier Régis Guyotat aux éditions
« Regain de lecture » sous le titre : « L’homme au passe-montagne » avec comme sous-titre « Être immigré à Orléans durant les Trente Glorieuses ».
À l’époque couverte par ce récit (de 1958 à 1978), Régis Guyotat était correspondant du « Monde » pour la région Centre. Il s’impliquait aussi dans l’élaboration et la rédaction de la « Tribune d’Orléans », une revue qui a souvent donné la parole aux immigrés et aux syndicats ainsi qu’aux associations qui les soutenaient, comme « Accueil et Promotion », présidée par François Vannier, ou l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), fondée par Jean-Pierre Perrin-Martin. C’est dire qu’il connaît bien le sujet !
C’est donc à travers une histoire vécue qu’il écrit sur « ces étrangers qui ont construit la France », qu’il s’agisse du grand ensemble urbain de La Source, des travaux publics, des centrales nucléaires, de la fonderie, sans oublier le maraîchage et tes travaux agricoles. Ces étrangers, la France les a fait venir. Elle leur doit une part non négligeable de cette période de croissance. Et en dépit de l’aide précieuse des militants des associations, de certaines communes, de travailleurs sociaux, ils ont été trop souvent contraints de vivre dans des conditions lamentables que décrit précisément Régis Guyotat. Il souligne aussi les efforts accomplis pour créer des foyers, en nombre toujours insuffisant, et, de surcroît - ce qu’on ne dit pas - financés par le « Fonds d’Action Sociale »(FAS), largement alimenté par les sommes dues aux travailleurs immigrés au titre d’allocations sociales qui n’étaient pas perçues lorsque les enfants restaient dans le pays d’origine - c’est à dire qu’ils ont payé, en fait, eux-mêmes la construction de ces foyers !
On a eu besoin d’eux. Et puis le choc pétrolier arrivant, on a voulu les inciter à repartir, avec une aide financière au retour bien faible…et donc inefficace ! Et puis, en réalité, on a toujours et encore besoin d’eux…Aujourd’hui même, alors que l’extrême droite (et d’autres aussi, hélas) font leur miel politicien de leur « départ », le patronat - et d’autres - expliquent que, sans eux, les métiers de la restauration, de l’hôtellerie, des BTP, de la salubrité, des cultures spécialisées… ne peuvent - et ne pourraient - pas fonctionner !
Et on méconnait les efforts accomplis par ces êtres humains qui ne quittent pas leur pays, la misère, ou les oppressions, par plaisir…mais sont contraints de rassembler les économies d’un village…pour financer des passeurs qui sont des escrocs, et même des criminels, qui laissent s’enfoncer dans la Méditerranée, des rafiots suroccupés, transformant cette mer, et la Manche aussi parfois, en cimetière à ciel ouvert….
Et c’est réconfortant de voir aujourd’hui, en Grande Bretagne, en réponse à l’extrême droite, des foules chaleureuses de manifestants portant des pancartes sur lesquelles on lit : « Non à la haine » et « Bienvenue aux réfugiés »….
On me dira que je m’éloigne du livre de Régis Guyotat. Pas du tout. Car il décrit à partir de nombre de faits précis les mécanismes de l’exclusion, du rejet, du racisme. Et aussi les actions de solidarité, les régularisations après 1981…et appelle, au-delà des statistiques - chacun a les siennes - et des discours démagogiques, à des solutions tout simplement humaines.
Dire que les étrangers sont un « danger » ne règle rien, et envenime tout. J’ajoute que quelle que soit la couleur de leur peau, ou la provenance de leurs parents et grands-parents, toutes celles et tous ceux qui gagnent des médailles olympiques sont forcément d’excellents Français devant lesquels on ne se prive d’aucun superlatif !
Les questions sont devant nous. Elles sont importantes pour la France et pour l’Europe. L’accueil des réfugiés est un droit. Les exils pour raison économiques ne s’arrêteront pas par enchantement. Les exils pour raison climatique s’y ajouteront…Cela appelle une lutte impitoyable contre les passeurs, des accords avec les pays d’origine, des règles claires et humaines. De vraies politiques d’intégration…
C’est à tout cela que l’ouvrage de Régis Guyotat nous invite à réfléchir !
Jean-Pierre Sueur
En barrant sa une de ces trois lettres : « Ouf », le quotidien « Libération » a résumé la réaction de très nombreux Français. Une grande majorité des électeurs a su, dans un vrai sursaut, avec la constitution de ce front républicain et ces très nombreux désistements, éviter le pire et comprendre que l’absolue priorité était de défendre toutes nos valeurs républicaines
Pour ce qui est du Loiret, je salue et félicite donc les cinq candidats, appartenant à des partis politiques très différents, qui ont su et qui ont pu rassembler très largement autour de ces valeurs républicaines, et pour elles ! Et je salue et félicite aussi toutes celles et tous ceux qui ont choisi de se désister alors qu’ils auraient eu la possibilité et la légitimité de se maintenir au second tour, mais qui ont choisi l’essentiel plutôt que leurs ambitions personnelles ou leur choix partisan.
C’est ainsi que, alors que nous pouvions craindre que de deux députés RN, on passe à trois, nous sommes passés de deux à un, grâce à l’intense mobilisation de Constance de Pélichy, d’Anthony Brosse, de leurs suppléants et de tous ceux qui les ont soutenus, quels que soient leurs bords politiques.
On me permettra un mot sur la seconde circonscription du Loiret qui avec la victoire d’Emmanuel Duplessy, que je félicite, bien sûr, retrouve un député de gauche après 36 années d’interruption et les 7 années durant lesquelles Jean-Claude Portheault en a été le député ! Je me souviens comme si c’était hier de ce soir de juin 1981… où nous avons été, avec Jean-Claude, tous deux élus députés du Loiret…après, là encore, 23 ans, au moins, de désert parlementaire pour la gauche dans le Loiret….
Cela montre, une fois de plus, que la gauche peut gagner, réussir et agir…même dans ce département réputé « droitier » qu’est le Loiret ! Elle peut gagner dès lors qu’elle est elle-même, fidèle à ses convictions, réaliste, et présente « sur le terrain ».
Enfin, toujours pour ce qui est du Loiret, ce scrutin pose un problème d’éthique. Ainsi, le RN (Ex Front National) a cru pouvoir investir une candidate n’habitant pas le département, qui n’est jamais venue dans la circonscription où elle était candidate, et n’a fait aucune déclaration ni durant la campagne électorale, ni le soir des élections, puisqu’elle était « injoignable » …Il y a des limites à l’imposture ! Et l’on peut s’étonner que, même au second tour, un nombre important d’électeurs aient voté pour cette candidate fantomatique.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Les médias bruissent de conjectures. Et je craindrais que l’on en revienne à d’improbables combinaisons politiciennes en tous genres.
Ce qui me paraît clair, c’est que l’époque où chaque élection présidentielle entraînait dans son sillon une forte majorité absolue pour le président élu - cette période, donc, est révolue. Si, de surcroît, on introduit la proportionnelle, ce serait encore plus le cas ! Notons que cette situation est celle que connaissent aujourd’hui la plupart des pays d’Europe. Or, en France, nous n’avons pas l’habitude de cette configuration. Nous avons plutôt l’habitude d’une alternance entre une gauche républicaine et une droite républicaine. Mais le projet politique du « en même temps » mis en œuvre par Emmanuel Macron a tué cette forme d’alternance.
Alors que faire ?
Premier point : la gauche, qui est arrivée en tête des trois grands ensembles politiques qui composent l’Assemblée Nationale doit jouer un rôle majeur et rester fidèle à ses projets, ses convictions et ses valeurs.
Second point : elle doit se montrer ouverte. Car, sinon, il n’y aurait pas de majorité possible, et donc de vie et de survie, pour aucun gouvernement.
Troisième point : il faut, à mon sens, en revenir à Pierre Mendès France qui dans son livre « La République Moderne » plaidait pour des contrats de législature, engageant sur un programme et sur un ensemble de réformes, ceux qui décideraient de se rassembler. C’est le cas - on le sait- dans nombre pays d’Europe.
Autrement dit : non à toute coalition de circonstance, sans principe. Non pour le retour à ce que la Quatrième République avait de pire. Mais oui pour un rassemblement sur un programme négocié où les convictions et les projets de la gauche - sur la justice, les droits humains, la santé, les services publics, etc.- prendraient toute leur place !
Certains penseront que c’est impossible ou idéaliste. Je répondrai que le pire n’est pas toujours sûr…et que je ne vois pas très bien ce que la gauche peut proposer d’autre, dans l’état actuel des choses. Et je n’oublie pas non plus que cela dépend pour une part non négligeable de ce que voudra le président de la République.
Jean-Pierre Sueur
L’extrême droite est donc aux portes du pouvoir. Il faut y faire barrage.
C’est pourquoi j’appelle les électrices et les électeurs du Loiret à voter pour les candidats des partis qui, dans toute leur diversité, sont fidèles aux valeurs de la République : Stéphanie Rist (1ère circonscription), Emmanuel Duplessy (2ème), Constance de Pélichy (3ème), Bruno Nottin (4ème), Antony Brosse (5ème) et Richard Ramos (6ème).
L’extrême droite est donc aux portes du pouvoir. Et cela appelle beaucoup de questions douloureuses. Et d’abord, qu’avons-nous fait - ou que n’avons-nous pas fait - dans les années et les décennies qui précèdent pour en arriver là.
On peut répondre en pointant du doigt les déficiences des politiques publiques, les territoires qui se perçoivent comme abandonnés, les personnes qui ne se sentent plus comprises ni écoutées - même par les partis de gauche et leurs dirigeants.
Mais on doit aussi, je crois, prendre en compte ce qui est dans notre pays un relâchement quant au respect des valeurs républicaines. Cela commence à l’école et continue dans les familles, dans les quartiers, sur les écrans. Le relativisme se déploie. Toute parole est censée en valoir une autre. On oublie l’essentiel face à ce que Blaise Pascal appelait le « divertissement ».
Ces questions sont graves. Il sera nécessaire et salutaire de s’y atteler, de réfléchir et d’agir en conséquence.
Mais pour l’heure, c’est l’urgence qui doit nous appeler à faire clairement barrage à l’arrivée du RN. Il est l’héritier du Front National. Et malgré les apparences, il en a gardé la philosophie - si l’on peut employer ce mot -, les ‘a priori’, les positions xénophobes, à rebours de tout humanisme.
Son discours anti-immigrés est terrible. Il fait peu de cas des êtres humains qui, poussés par la misère ou l’oppression, après de longues marches, traversent - quand ils y arrivent ! - la Méditerranée dans des rafiots surchargés pour le plus grand profit des passeurs. Cette mer, comme la Manche, devient un cimetière à ciel ouvert, devant trop d’indifférence.
Quant à ceux qui disposent d’une « double nationalité », ils sont purement et simplement menacés de ne plus pouvoir exercer un certain nombre d’emplois publics.
C’est revenir au système des purges, des citoyens de seconde zone. Bref, à l’absolu contraire de tout ce qui peut s’appeler « humanisme », sans parler de la négation même de notre Constitution.
Alors il faut voter, appeler à voter massivement contre le RN.
Bien des questions resteront posées, conséquences de l’inconséquence d’Emmanuel Macron, qui a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale dans une intégrale solitude. Quel gouvernement après ? Comment ? Ce sont de vraies questions. Mais pour l’heure, il faut se battre contre le danger imminent.
Je terminerai en citant Louis Aragon dans « La rose et le réséda » :
Quand les blés sont sous la grêle,
Fou celui qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat.
(Ce texte paraîtra dans Témoignage chrétien du jeudi 4 juillet).
François Bonneau nous offre un bel argument pour lutter contre les propagandes grossières sur le Nouveau Front Populaire.
Chacun constate aujourd’hui que la région Centre Val de Loire, qu’il préside, est bien gérée et que la plupart des actions qu’elle mène sont appréciées de manière consensuelle. Or l’exécutif et la majorité du conseil régional sont composés exactement de représentants de tous les partis qui composent le Nouveau Front Populaire !!!
Finissons-en donc avec ces vaines propagandes. Et rassemblons-nous pour lutter contre le grave danger que représente le RN (ex Front National) !
Très triste du décès de Paul Chemetov, architecte et urbaniste. Il avait joué un rôle majeur dans l'équipe que j'avais réunie pour la rédaction du rapport "Demain la ville", remis au gouvernement en 1998. Depuis, nous étions restés amis.
Son oeuvre est une page de l'architecture du 20ème siècle. Il avait notamment été l'architecte du ministère des finances, à Bercy, et de très nombreuses réalisations de toute nature. il était toujours en mouvement, toujours créateur, toujours en réflexion sur l'urbanisme du futur... encore très récemment.
Merci, cher Paul !
Il est, pour moi, essentiel que le programme du Nouveau Front Populaire soit clair et sans ambiguïté sur l'Ukraine et la Palestine. Cela est important en ce moment où tous les partis de gauche se rassemblent, en dépit de leurs divergences, pour faire barrage au grave danger que serait l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir.
Pas une voix ne doit manquer à ce rassemblement salutaire pour notre République !
Jean-Pierre Sueur
Ce dimanche 9 juin, je voterai pour la liste menée par Raphaël Glucksmann, présentée par le Parti Socialiste et Place Publique.
Je le ferai avec conviction. Je le ferai avec espoir.
Pourquoi ?
D'abord, parce que Raphaël Glucksmann croit en l'Europe. Il ne fait pas, comme d'autres, une campagne franco-française.
Non : il sait et il dit que dans le monde où nous vivons, face à des blocs, à des continents, comme les États-Unis, La Chine, l'Inde, La Russie, etc., il faut que l'Europe soit une vraie puissance qui pèse de tout son poids pour défendre la démocratie, le retour à la paix, les droits de l'homme, notre modèle social, notre souveraineté scientifique, industrielle, agricole, etc. Revenir en arrière, comme c’est proposé par d'autres, ce serait perdre, aller vers un effacement.
Son programme est très clair. Il porte les valeurs du socialisme démocratique et de la social-démocratie en lesquelles le rocardien que je suis, qui est aussi un admirateur de Jacques Delors, de Robert Badinter et de tant d'autres, se reconnaît pleinement.
Il préconise une vraie défense européenne : nous devons aider efficacement l'Ukraine. Si elle perdait, les conséquences seraient très lourdes pour les pays d'Europe.
Il préconise une souveraineté européenne dans tous les domaines. Pour ne prendre que ce seul exemple, il est impossible que l'Europe ne produise plus nombre de médicaments pourtant essentiels. Cela vaut pour l'industrie, l'agriculture, les technologies de toutes sortes.
Il préconise une Europe de la justice, Une Europe sociale, avec des propositions concrètes sur la fiscalité et la répartition des aides européennes.
Il préconise une Europe de la jeunesse. Les projets « Erasmus » sont d'ores et déjà un grand succès. Il faut aller plus loin !
En matière écologique, ses propositions sont à la fois ambitieuses et réalistes.
Je pourrais continuer…
Je préfère dire, pour finir, que dans ce monde où les dictatures, les exécutifs autoritaires, sont – hélas – nombreux, L'Europe doit montrer et démontrer que le progrès la démocratie, le bien-être et le respect des droits humains vont de pair.
En écoutant Raphaël Glucksmann, j'ai eu le sentiment que lui-même et sa liste présentaient un nouveau souffle, que la gauche en laquelle nous sommes nombreux, comme je le suis, à nous reconnaître, apportait un nouvel espoir, une nouvelle chance.
Alors saisissons-les !
Jean-Pierre Sueur
À lire les réactions des associations nationales d'élus, on voit que le rapport que le député Éric Woerth vient de remettre au président de la République, n'apporte ni la clarté, ni la simplification, ni le renouveau qui sont attendus - et ont été annoncés - en matière de décentralisation. Je ne suis même pas sûr, à lire ces réactions, qu'il permette un partage des compétences plus intelligible là où la confusion s'est installée !
.. Si bien que je crains fort qu'on ne retienne - comme l'a fait une partie de la presse - qu'une seule mesure préconisée par ce rapport : la fin du non-cumul des mandats.
Pour avoir voté cette réforme, durant le quinquennat de François Hollande, pour y être encore très attaché, l'expérience aidant, je suis et reste en désaccord avec cette proposition qui revient régulièrement dans le débat. Et je voudrais dire pourquoi en quelques mots.
D'abord, je pense que la France compte assez de talents, de citoyennes et citoyens motivés, pour que les mandats politiques soient partagés.
J'ajoute qu’après avoir longuement siégé à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'ai pu mesurer très concrètement les conséquences du cumul des mandats généralisé. Il n'est malheureusement pas possible d'exercer à plein temps à la fois un mandat de maire de grande ville ou de président d'une métropole et un mandat parlementaire. Cela se traduit forcément par un absentéisme, ou une moindre présence et un moindre engagement au sein des assemblées parlementaires.
Je sais qu'on me répond toujours que le cumul est nécessaire pour assurer la « proximité » (c'est le maître mot !) des parlementaires auprès des citoyens.
Je rétorque à cela que rien n'empêche (tout au contraire !) les parlementaires d'être présents sur le terrain deux ou trois jours par semaine… Il suffit de le vouloir. Et cela n'impose pas la nécessité du cumul.
Et à ceux qui ne me croiraient pas, je fais et je ferai part de mon expérience personnelle.
J'ai été une dizaine d'années député, puis 22 ans sénateur, sans exercer de mandat exécutif local. Et je me suis tout le temps considéré comme un parlementaire de proximité. C'est reconnu, je crois. Et sur les 12 années où j'étais maire d'Orléans, j'ai exercé ce seul mandat durant près de 9 ans. Et j'ai pu voir combien se consacrer à une grande ville et à son agglomération demandait du temps.
Je précise donc que j’ai pu, par le passé, ne pas avoir la même prévention quant au cumul des mandats mais que c'est uniquement l'expérience qui m'a conduit à défendre le non-cumul. Tout parlementaire peut (et doit) être proche des citoyens, des collectivités locales, des associations, des entreprises… Il suffit de le vouloir.
Pour ne pas finir sur une note négative, je soulignerai une mesure de ce rapport qui me paraît positive et opportune : la suppression des pays, autrefois créés par Charles Pasqua.
Les élus locaux sont en effet « absorbés » par une multitude de réunions : sans compter ce qui relève des régions ou des départements, les élus locaux doivent faire face à la mairie, mais aussi au sein de l'intercommunalité et des pays, à une multitude de réunions de conseils, commissions, groupes de pilotage, etc.
Je ne méconnais pas ce qu'un certain nombre de pays ont pu faire de positif. Mais souvent leur rôle principal consiste à gérer et répartir les aides financières venues des régions. Je crois que cela peut très bien être fait désormais par les intercommunalités (communautés de communes ou d'agglomération, etc.), avec lesquelles les régions pourront passer des contrats directement, sans que les pays soient indispensables à cet égard.
Jean-Pierre Sueur
D'Henri Nallet, qui vient de nous quitter, je garde la mémoire de ce dirigeant national de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne) qui s'est battu pour l'indépendance du mouvement face aux ultimatums de l'épiscopat, et en a tiré les conséquences en 1965, et puis du député socialiste, du maire, du défenseur de l'agriculture, depuis l'INRA, où il était chercheur, jusqu'au ministère.
Je garde la mémoire de l'ami qu'il était.
Merci, Henri !
La médiathèque d’Orléans a trente ans !
Trente ans, que cela passe vite !
Je me souviens – comme si c’était hier… – de la volonté qui fut la nôtre, celle de mon équipe municipale et de moi-même, de faire en sorte que tous les édifices culturels ne soient plus concentrés à proximité de la cathédrale.
La bibliothèque municipale était à l’étroit dans le magnifique Hôtel Dupanloup - que j'ai toujours aimé et qui a, c'est heureux, trouvé, avec l'université d'Orléans, de nouvelles vocations.
La nouvelle médiathèque serait donc sur les mails en lieu et place d'un Hôtel de Police qui, lui aussi, était devenu inadapté et qui devait émigrer vers le faubourg Saint-Jean, après que Michel Charasse, ministre du Budget de l'époque, nous eût fait payer le « juste » prix… selon lui… pour l'acquisition du bâtiment et surtout du site.
Il y eut également des discussions et procédures avec une pizzeria (devenue au fil du temps une annexe de l'Hôtel de Police…) et une famille voisine ! Ce lieu, j’avais perçu, avant même d'être maire, qu'il était stratégique. Il offrait une belle perspective sur les mails. Certains reprochèrent qu'il fût proche de l'immeuble voisin, qu’il soit en face de l'église Saint-Paterne. Ils annoncèrent que le bruit serait infernal : on voit aujourd'hui qu'un beau silence règne à tous les étages !
Nous avons surtout choisi de faire un concours d'architecture : j'aimais cette procédure, trop souvent en voie de disparition, qui permettait de confronter les projets, de parler (ce que l'anonymat ne permet plus) avec les différents concepteurs.
Et au terme d'une longue journée, le projet de Dominique Lyon et Patrice du Besset s'imposa à nous.
Je voulais que l'architecture du XXe siècle puisse être présente à Orléans avant que ce XXe siècle s'achève : c’en fut une belle occasion.
L'architecture très contemporaine du bâtiment fut d'abord incomprise ou décriée. Je me souviens avoir été quasiment « convoqué » par la Société historique et archéologique de l’Orléanais pour justifier un tel projet.
Je fis observer que, bien qu'il soit fait de matériaux contemporains, ce projet de Lyon et du Besset relevait d'une esthétique classique avec ses lignes, ses courbes, simples, épurées.
On me prédit qu'avec un tel projet je ne serais pas reconduit aux prochaines élections…lors desquelles mon équipe et moi-même obtinrent plus de 57% des suffrages…
Entre-temps, les orléanais s'étaient appropriés ce nouvel équipement. Les jeunes, bien sûr, mais aussi toutes les générations… Aujourd'hui, il fait partie du paysage. La médiathèque brille sous le soleil et s'illumine la nuit. Je crois pouvoir dire qu'elle fut, et qu'elle est, un succès.
Et je veux en cette occasion souligner l'action, l'appui, le soutien d'Augustin Cornu, adjoint à la culture, hélas disparu, qui sut croire et faire croire en ce projet et suivre de près sa réalisation.
J'ajoute que le choix d'implanter ce bâtiment en un lieu situé sur les mails allait de pair avec le projet qui était déjà le mien (et qui était, auparavant, celui de Michel de la Fournière) et qui consistait en un profond renouveau des mails.
Les mails furent un espace de convivialité et de rencontres dans le passé. Ils sont devenus une pseudo-autoroute !
Ce renouveau des mails concerne Orléans mais aussi toute l'agglomération, car les mails sont finalement l'axe central, principal de la métropole.
Mais comme le projet de renouveau coûtera cher, même si on étale sa réalisation dans le temps (son commencement était prévu dans mon programme pour les élections municipales de 2001 !), il faut qu'il soit un vrai renouveau, que l'on s'inspire des « Ramblas » de Barcelone, avec de larges espaces pour les piétons, la convivialité, la verdure, les deux roues, qui ne soient plus enserrés - et comme emprisonnés - entre de lourdes voies de circulation automobile.
L'enjeu est important ! Il est décisif pour les décennies et même le siècle qui viennent. Cela mérite un vaste débat et des projets novateurs !
Jean-Pierre Sueur
Contre la violence - toujours répréhensible -, Michel Rocard avait montré le chemin, celui du dialogue envers et contre tout.
Les accords de Paris puis de Nouméa ont permis 30 années de paix civile.
Chacun se souvient de la poignée de mains entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.
Le dialogue, ardente et urgente nécessité, doit précéder la loi constitutionnelle, et non l’inverse.
On trouvera ci-dessous les liens avec les deux rapports récents que j’ai rédigés au Sénat avec mes collègues Philippe Bas,
François-Noël Buffet et Hervé Marseille, après un déplacement en Nouvelle Calédonie, au cours duquel nous avons auditionné TOUTES les parties prenantes. Ces rapports présentent de nombreuses pistes pour ouvrir et poursuivre le dialogue afin de trouver un accord solide :
- Avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie (Rapport d’étape) (27 juillet 2022).
- Nouvelle Calédonie :Renouer avec la promesse d’un destin commun pour tous les calédoniens (12 juillet 2023)
Je me souviens de mon émotion lorsque, jeune député, j'ai applaudi son discours du 17 septembre 1981 à l'Assemblée nationale, puis voté l'abolition de la peine de mort, bouleversé par son inoubliable plaidoirie. Et aussi de son autre plaidoirie, plus récente, pour l'abolition universelle de la peine de mort. Je me souviens de cette phrase de lui : « La principale cause de la récidive, c'est la condition pénitentiaire ». Ce combat pour la « régulation carcérale » et l'amélioration des conditions de détention est toujours devant nous ! Je pense encore à toute l'amitié qu'il me porta lorsque nous siégions ensemble au Sénat. J'ai mesuré au Sénat combien il était « l'éloquence incarnée ». Il m'a légué, en partant, ce dossier auquel il tenait tant de la « compétence universelle » du juge français par rapport aux crimes relevant de la Cour pénale internationale. Depuis, nous avons pu avancer sur ce sujet, avec son soutien, mais il reste encore du chemin à faire. Je me souviens aussi de sa passion pour l'œuvre et la personne de Victor Hugo… Il y aurait tellement à dire…
Alors, je dirai simplement aujourd'hui : un grand merci pour tout, cher Robert Badinter !
Jean-Pierre Sueur
Au moment de présenter des vœux, je pense d’abord à toutes celles et tous ceux qui souffrent de la guerre qui, décidément, revient toujours et encore dans notre monde, comme si les leçons de l’histoire étaient continuellement oubliées.
Inexcusable est l’agression de Poutine contre l’Ukraine, comme l’est le terrorisme du Hamas, comme l’est aussi l’acharnement de Netanyahou à bombarder massivement les populations civiles. Puissent les instances internationales, les diplomaties du monde entier, les femmes et les hommes de bonne volonté être entendus lorsqu’ils œuvrent pour ce bien si précieux qui s’appelle la paix !
En France, l’année sociale a été rude, et le dialogue social n’a pas prévalu, c’est le moins qu’on puisse dire, s’agissant en particulier de la réforme des retraites. Et l’adoption, dans les conditions que l’on sait, de la loi sur l’immigration, suscite de lourdes inquiétudes car une ligne a été franchie, puisque nombre des articles de cette loi mettent en cause les valeurs de la République, et sont autant contraires à l’égalité qu’à la fraternité. En outre, quelle absurdité que de dissuader les étudiants étrangers de s’inscrire dans nos universités en leur imposant une caution qu’ils ne récupèreraient qu’en partant, comme si on voulait absolument se débarrasser d’eux ! Quel message à la jeunesse du monde !
Alors, pour 2024, je souhaite de tout cœur que les artisans de paix soient entendus et que nous sachions restaurer, et faire vivre, les si précieuses valeurs de la République.
Et je présente mes vœux les plus sincères à tous les habitants du Loiret, et particulièrement à ceux qui souffrent des difficultés de la vie ! Que pour toutes et tous la vie soit meilleure !
Jean-Pierre Sueur
Membre honoraire du Parlement
Ancien ministre
Il faut grandement remercier ceux qui ont créé l'Association pour le Théâtre d'Aujourd'hui à Orléans (ATAO), inspirés par Marcel Réggui, dans la foulée de l'APAC puis des Semaines Musicales d'Orléans. Il faut fortement remercier le président, Jean-Marie Caplane, pour son infatigable dévouement, jusqu'à la présentation du "Bourgeois Gentilhomme" de ce mardi soir.
En 53 ans, l'ATAO aura présenté 323 pièces de théâtre à Orléans, contribuant à donner un nouveau souffle à la culture et à créer un public... Aujourd'hui, la "relève" n'est plus là pour "porter" l'association. Puisse cependant l'état d'esprit qui était celui de l'ATAO subsister et renaître sous d'autres formes !
Jean-Pierre Sueur
J'ai participé ce vendredi à l'inauguration au cœur d’Orléans d’une œuvre à la mémoire de Jean Zay, « ministre de l’intelligence » - qui a payé de sa vie son attachement à la République - et de son épouse Madeleine, due à Patrick et Anne Poirier, en référence aux banquets républicains de la Troisième République, en présence de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse.
MagCentre, 1er décembre 2023
Ce texte a été initialement publié sur le site de l'association des Amis du Patrimoine Hospitalier d'Orléans.
Durant 12 ans, de 1989 à 2001, en ma qualité de maire d’Orléans, j’ai eu l’honneur de présider le conseil d’administration du CHRO, car cette responsabilité était alors dévolue aux maires. J’en garde un excellent souvenir. Car cela m’a permis de connaître les grandes vertus de celles et ceux qui travaillent à l’hôpital : la fréquentation quotidienne des patients, des malades, a pour effet, chez toutes et chez tous, une grande humanité, une grande attention à tous ces êtres humains qui sont soignés, opérés, pris en charge.
Autour de la table, il y avait les représentants des médecins, dont le rôle est bien sûr essentiel, de l’ensemble des autres personnels, dont le rôle est également essentiel, car sans eux, les médecins ne pourraient pas assumer leurs tâches, de l’administration, à commencer par le directeur général de l’hôpital, de l’État, des élus et des usagers. Je me suis efforcé, durant ces 12 ans, au cours de réunions souvent longues, que tous puissent s’exprimer, que toutes les paroles soient prises en compte. N’étant pas directement impliqué dans beaucoup des choix, mais me sentant toujours concerné, je garde le souvenir de réunions sereines où chacun avait sa place.
Dans le même temps, j’étais déjà préoccupé par la transformation du CHRO en centre hospitalo-universitaire. Les contacts avec la faculté de médecine de Tours ne menaient à rien ! Et je reste frappé par l’imprévoyance des pouvoirs publics en ce qui concerne la formation des futurs médecins. Que de restrictions inutiles, néfastes, dont nous payons le prix aujourd’hui ! Toujours est-il que, lassé de ces réponses négatives, je me suis tourné vers des CHU du sud de l’Île de France, qui se sont montrés plus ouverts à l’idée d’une coopération avec le CHRO…Mais tout cela est de l’histoire ancienne…. Ayant eu l’occasion, en tant que sénateur, de rencontrer des maires et des élus de la plupart des 320 communes du Loiret, je peux dire que leur principale préoccupation est aujourd’hui la désertification médicale. Heureusement, suite à une « union sacrée » des élus, Jean Castex, alors Premier ministre, a pris la décision tant attendue…. Alors vive le CHU !
J’ajoute que je n’ai jamais compris l’intérêt de déplacer la faculté de droit et de sciences économiques, qui a une très bonne réputation aux plans national et international, en centre-ville ! Mais avec l’arrivée du CHU, cette décision contestable trouve une issue favorable puisque les bâtiments de la Faculté de Droit, de bonne qualité, pourront accueillir les étudiants et les enseignants de la nouvelle Faculté de médecine.
Alors, oui, vive le CHU d’Orléans, tant (et trop) attendu !
Jean-Pierre SUEUR
J’avais déjà ressenti une première fois l’étrange impression que suscite la désintégration d’immeubles en une ou deux secondes. C’était le 19 juin 1992. Après beaucoup de réflexions, et même d’hésitations, nous avions décidé, alors que j’étais maire d’Orléans, la démolition de « la Borde aux Mignons », une véritable «forteresse » de barres et de tours située au cœur du quartier de l’Argonne. Le procédé fut le même que celui employé hier pour la T17 à Orléans La Source. Le but était le même : modifier en profondeur le quartier concerné, le restaurer, lui donner une nouvelle jeunesse, un nouvel avenir. Ce but fut largement atteint à l’Argonne, avec, de surcroît, l’avenue Jean Zay, celle des Droits de l’Homme, et l’arrivée du tramway, qui ont rapproché ce quartier du centre-ville.
Il n’empêche que ce n’est pas anodin - nous l’avons encore vu, ressenti, entendu, hier à La Source - que de voir démolis en une seconde des centaines de logements, d’abord voués à accueillir les femmes et les jeunes couples qui venaient de toute la France travailler aux Chèques Postaux, puis occupés par des centaines d’habitants, qui y ont vécu, s’y sont connus, s’y sont aimés, ont partagé les joies et les peines - en un mot, la vie, toute la vie. Ce foudroyage marque sinon l’échec, du moins le caractère dépassé ou obsolète de l’urbanisme des barres et des tours.
Mais il ne faut surtout pas faire de faux jugements. À l’époque, dans les années cinquante ou soixante, il manquait beaucoup de logements, il y avait encore beaucoup de baraquements. L’Abbé Pierre lançait un appel vibrant contre la misère du mal logement ou de l’absence de logement tout court sur les ondes de « Radio Luxembourg ». Il fallait construire, construire. Alors partout les élus - nos prédécesseurs - ont construit ces barres et ces tours qui représentaient alors la modernité et un bien-être : il y avait des salles de bain ! Nous aurions fait pareil.
Dès 1998, dans mon rapport « Demain la ville », puis dans mon livre « Changer la ville » (Odile Jacob, 1999), j’ai plaidé pour un changement radical de ces quartiers de barres et de tours.
Ces mutations apparaissent partout de plus en plus pertinentes. Mais n’oublions pas qu’elles n’ont de sens que si elles conduisent à ce que j’ai appelé (notamment dans plusieurs rapports rédigés au Sénat) une « nouvelle urbanité », c’est à dire des quartiers à taille humaine, où les différentes fonctions (habitat, commerce, travail, culture, formation, loisirs…) cohabiteront harmonieusement, où les espaces verts auront toute leur place, en un mot, où il fera bon vivre.
Alors, et alors seulement, on pourra dire que le foudroyage d’hier n’est pas le constat d’un échec, sur le temps, d’un projet vieux de 55 ans, mais le premier acte d’un vrai renouveau.
Jean-Pierre Sueur
> Lire l'interview parue dans Resonance, octobre 2023
Outre le charme singulier que ce très beau village et sa forteresse recèlent, un détour par Yèvre-le-Châtel offre souvent d'heureuses surprises.
Ce fut le cas lorsque, à l'occasion du lancement de la restauration de l'église Saint-Gault (XIIe siècle), Colette Mercier me fit l'honneur et le plaisir de me permettre de découvrir le nouveau livre consacré, cette fois, à l'œuvre graphique de son mari, Claude Mercier. On sait que, sous l'égide d'Alain Di Stefano, maire délégué de Yèvre-le-Châtel, qui préside le comité pour la promotion et la protection de l'œuvre de Claude Mercier, qui résidait à Yèvre-la-Ville et dont le village de Yèvre-le-Châtel recèle plusieurs œuvres, un remarquable "catalogue raisonné" de son œuvre sculptée est paru en 2017.
Aujourd'hui, c'est l'œuvre graphique qui nous est restituée dans un nouveau livre publié aux éditions El Viso. Et ce livre mérite d'être contemplé et pas seulement lu... car c'est la même force d'âme qui unit l'œuvre de cet artiste, qu'elle soit sculptée ou graphique.
Et dans leurs textes d'introduction, David Caméo et Lydia Harambourg nous préviennent et nous mettent en garde, à juste titre : ce serait une profonde erreur que de reléguer l'œuvre graphique à n'être faite que d'esquisses ou d'ébauches en vue de sculptures à venir. Non ! Cette œuvre graphique existe pour elle-même, en elle-même. Mercier "explore ce que nous ne pouvons nommer comme visible et que le dessin effleure, pénètre, construit ou rétracte" écrit Lydia Harambourg.
Ce qui frappe, c'est la grande diversité des approches : monotypes noirs, monotypes couleur, plumes d'oie, encre de chine, taille douce, eaux fortes, gaufrage, gravure, lithographie, peinture à l'huile sur toile. Et au-delà de cette diversité - qui témoigne d'une intense et constante recherche - la sûreté des traits, leur sobre beauté, oui, une force - une force d'âme.
Jean-Pierre Sueur
C'est avec tristesse que j'ai appris le décès de Jacques Julliard. Ancien élève de l'École normale supérieure, Jacques Julliard s'est très tôt engagé dans le syndicalisme. Il fut secrétaire national du Syndicat général de l'Éducation nationale (SGEN), adhérent et toujours proche de la CFDT, mendésiste, grand ami de Michel Rocard et grande figure de ce qu'il fut convenu d'appeler la « deuxième gauche ». Il fut un historien remarquable, à qui l’on doit notamment une Histoire des gauches savante et lucide – et une quarantaine d’autres livres. Enfin, son talent d'éditorialiste – pendant longtemps au Nouvel Observateur – était notoire. Il défendait ses idées avec fougue, aimait la controverse, mais aussi le dialogue : il respectait ses adversaires. Ses éditos (désormais ils étaient dans Marianne) nous manqueront. Merci Jacques.
JPS
Photo Wikipedia : Jacques Julliard en 2012
Hadrien Courtemanche a publié dans le numéro 178 de la revue L’Amitié Charles Péguy un compte-rendu très chaleureux du texte La Loire de Charles Péguy publié aux éditions La Guêpine préfacé par Jean-Pierre Sueur.
>> Lire l’article d’Hadrien Courtemanche
Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de l’article que Jean-Pierre Sueur a publié dans cette revue, qui vient de paraître.
>> Cliquer sur l'image pour lire
JPS
Jean-Pierre Sueur sera l’invité de « Dimanche en politique » sur France 3 Centre-Val de Loire le dimanche 11 juin de 11 h 28 à 11 h 55.
Ce colloque, parrainé par la ville d’Orléans, l’Université d’Orléans et La République du Centre, aura lieu le vendredi 16 juin à l’auditorium du Musée des beaux-arts à Orléans, de 9 h à 18 h.
Inscrivez-vous dès maintenant
par téléphone au 06 83 40 32 93
ou par email à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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La commission des lois du Sénat a décidé d’entendre le maire de Saint-Brévin, Yannick Morez, qui a exposé en détail durant une heure ce qu’il a vécu, les agressions et violences qu’il a subies pour avoir accepté de relocaliser un centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), exerçant à cet égard une mission pour le compte de l’État, et le manque de soutien de l’État durant cette période, ce qui l’a conduit à donner sa démission.
Pour être intervenu à de nombreuses reprises auprès de Jean-Marie Bockel, président de la commission de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, pour que la cité de l’Herveline, qui était située à Semoy soit reconnue, je me réjouis qu’elle l’ait été. Celles et ceux qui y ont été accueillis pourront donc solliciter une indemnisation.