Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, dresse dans le rapport annuel qu’elle vient de publier un constat alarmant de la situation dans nombre de prisons et de lieux de détention.
Elle note que le taux de surpopulation atteint aujourd’hui est sans précédent. Il y a 73 080 détenus pour 60 899 places, ce qui se traduit dans les maisons d’arrêt par un taux d’occupation moyen de 142,2 %.
Elle met en cause « les magistrats qui cèdent trop souvent à la facilité d’enfermer, les élus qui, connaissant l’état de nos prisons, appellent à plus de vengeance et d’enfermement, et l’État qui détourne le regard. » Elle dit que la réponse n’est pas dans la construction – toujours différée – de nouvelles places de prison, constatant que « plus on construit plus on remplit. »
Pour elle comme d’ailleurs pour les auteurs du rapport conclusif des États généraux de la Justice, la réponse passe par le développement des peines alternatives à la détention et surtout par la régulation carcérale.
Dominique Simonnot préconise qu’une telle régulation soit effectuée par des commissions locales qui seraient prévues par la loi, qui seraient présidées par l’autorité judiciaire, qui veilleraient à ce que ne soit pas dépassé un taux donné de densité carcérale. Et cela grâce à des sorties, sous la surveillance des juges d’application des peines et des services pénitentiaires, à quelques semaines de la fin pour des personnes qui, de toute façon, recouvreraient bientôt la liberté. Elle ajoute : « C’est ce qui a été fait sans drame aucun lors de la pandémie du COVID quand 72 000 détenus sont devenus 58 000. »
Faute d’une telle régulation, la surpopulation croissante des prisons a pour effet que deux mille personnes environ dorment sur des matelas à même le sol dans des cellules de 9 m² où cohabitent trois personnes, et « pour conséquence directe les violences, un manque d’hygiène, l’entrave aux activités, au travail et à la réinsertion. »
Il est clair en effet que ces conditions de détention ne favorisent pas, loin s’en faut, la réinsertion à la sortie de la prison, et que la France, faute d’avoir traité ce sujet, sera sans nul doute à nouveau condamnée par les instances européennes, alors que d’autres pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne ont pu mettre en place avec succès de telles régulations.
Il est question de cette régulation depuis au moins 2017. Les États généraux pilotés par des magistrats reconnus l’ont clairement défendue. Ce rapport de Dominique Simonnot apporte, en décrivant des faits très précis, de nouveaux arguments.
Je serai de ceux qui ne manqueront pas de revenir à la charge là-dessus à la faveur du projet de loi de programmation sur la Justice qui est annoncé. Jusqu’ici, le garde des Sceaux n’a jamais pris en compte ces perspectives de régulation. Changera-t-il d’avis à la lecture de ce nouveau rapport ?
Jean-Pierre Sueur