Une exposition à ne pas manquer au Musée des Beaux-Arts d’Orléans
Roger Toulouse est un immense artiste. A ceux qui en douteraient, je conseille d’aller admirer sans tarder l’exposition conçue par Bénédicte de Donker au Musée des Beaux-Arts d’Orléans. Celle-ci retrace les vingt-cinq premières années de création de Roger Toulouse, de 1933 à 1957.
L’œuvre de Roger Toulouse est encore trop méconnue. Ce constat est, pour moi, l’occasion de rendre hommage au grand travail effectué autour de son président, Abel Moittié, par l’association des amis du peintre. Revues, expositions, catalogues se sont, grâce à elle, multipliés depuis vingt ans.
Cela fait vingt ans que Roger Toulouse nous a quittés. Il a, jusqu’à la fin, cultivé la modestie. Marc Baconnet cite dans le texte pénétrant qu’il a écrit en préface au catalogue de l’exposition, cette lettre envoyée à son épouse Marguerite et dans laquelle il écrivait ne vouloir « surtout pas » être « le planeur remorqué par l’avion Picasso-Matisse ».
Cette modestie ne l’a pas empêché de faire des débuts brillants, d’exposer à Paris aux côtés de Derain, Ernst, Masson et Picabia, ni de recevoir à Orléans la visite de Gertrude Stein qui devait, en 1937, lui acheter « la quasi-totalité des peintures de son atelier ».
Mais elle l’a conduit, en 1947, à devenir, comme l’écrit encore Marc Baconnet, « maître-auxiliaire de l’École normale d’instituteurs (…) à Orléans où il prend sa retraite (trente-deux années de présence) », avant d’ajouter : « Choix étonnant au moment où les portes de la gloire s’ouvraient à lui. Bien des jeunes peintres auraient rêvé ce qui lui arrivait et n’auraient pas hésité à bondir dans l’arène. Il a choisi la solitude et la liberté et fut un excellent pédagogue. »
Roger Toulouse s’est nourri de courants artistiques de son époque. Mais il est frappant de constater qu’il n’en fut jamais esclave, ni prisonnier. Tout est revu par lui, intériorisé, ré-interprété et recréé.
Ainsi, le magnifique Nu à la plage où l’influence cubiste est sublimée. Ainsi La lecture où la tradition de l’enluminure est renouvelée. Ainsi, un Christ pathétique que Marc Baconnet range dans les « objets qui saignent » chers à Merleau Ponty. Ainsi, ces autoportraits au regard pénétrant et grave, ces portraits de Marguerite, figure unique, à nulle autre pareille. Ainsi La Madone, qui suscite, lorsqu’on la découvre ou retrouve, une ineffable émotion. Ainsi, L’homme à l’oiseau et Luther qui ouvrent sur l’étape ultérieure, celle des triangles.
Ainsi…
On pourrait tout citer.
Concentrons-nous pour finir sur le contraste qu’évoque Marc Baconnet entre l’Église de Semoy, avec son clocher, son toit, son jardin – et déjà les triangles et les cubes – et Paysage, « puzzle d’une fantaisie déconcertante. Il y a une distance incommensurable avec le tableau précédent. Nous sommes avertis : ce peintre nous surprendra toujours. Pour lui, rien n’est jamais acquis » – avant de rappeler cette parole de Roger Toulouse : « Interrogez la peinture, elle vous répondra. »
Jean-Pierre Sueur
>> Jusqu’au 14 décembre, au Musée des Beaux-Arts d’Orléans
>> Le site de l'association des Amis de Roger Toulouse
Roger Toulouse : une histoire vraie
Il m’a été donné d’avoir un témoignage qui m’a profondément marqué de la modestie de Roger Toulouse.
Un jour, je visitais à ses côtés l’une de ses expositions rue Jeanne d’Arc à Orléans.
Je lui fis part de mon admiration pour l’un de ses tableaux.
« Il te plaît », me dit-il, sans plus.
Bien des années plus tard, après sa mort, son épouse, Marguerite, me demande de venir dans son atelier.
Elle me montre le tableau que j’avais aimé.
Au verso, il était écrit : « Ce tableau est donné à Jean-Pierre Sueur ».
Ainsi, Roger n’avait rien dit. Il avait voulu que ce don fût fait dans la plus grande, la plus extrême, la plus authentique, la plus sincère discrétion.
Au-delà de la vie.
JPS
.