Après avoir écouté attentivement les déclarations du Premier ministre, Édouard Philippe, à l’Assemblée Nationale puis au Sénat, je réagirai sur deux points : la fiscalité et la réforme constitutionnelle.
La fiscalité
Deux questions restent sans réponse.
Le Premier ministre a réitéré l’engagement de supprimer la taxe d’habitation. Alors que depuis deux ans il a été question d’exonérer de cet impôt une partie des Français puis tous les Français, nous ne savons toujours pas comment cette suppression sera compensée ou, pour parler plus directement encore, par quel impôt elle sera remplacée. Une réforme de la fiscalité locale a été à nouveau évoquée. Mais sans plus. Or il est clair qu’il faudra trouver des solutions, qui ne seront pas indolores. Cette question préoccupe, en particulier les élus locaux. Il serait bien qu’il y ait enfin une réponse !
Le Premier ministre a également réitéré des engagements de diminution des impôts perçus par l’État – mais sans dire, là encore, comment le « manque à gagner » pour l’État serait compensé. Il a été à nouveau question de sensibles diminutions des dépenses de l’État. Mais le Premier ministre n’en a pas dit plus. Or l’heure de vérité sera celle où on nous dira quelles dépenses de l’État on réduira et quelles en seront les conséquences.
Réforme constitutionnelle
Sur la réforme constitutionnelle, j’ai eu le sentiment que le Premier ministre en parlait avec si peu d’enthousiasme que c’est à peine s’il y croyait…
Ainsi n’a-t-il prévu aucun « créneau » dans un agenda parlementaire déjà chargé, alors qu’une telle réforme nécessiterait plusieurs semaines de débat à l’Assemblée Nationale comme au Sénat.
Il a, de surcroît, annoncé ce qu’il ferait en cas d’échec : le vote d’une part de proportionnelle en maintenant le nombre de députés et de sénateurs.
On conviendra que la meilleure façon de défendre un projet n’est pas de se placer dans la situation où il échouerait.
J’ai déjà dit pourquoi la réduction du nombre de parlementaires ne me paraissait pas être une nécessité ni une bonne solution à un moment où on parle tant de proximité. Imagine-t-on demain des députés dont la circonscription compterait 200 000 à 300 000 habitants – sinon plus ?
Mais même sur ce sujet, je pense qu’un accord restait et reste possible avec le Sénat. Les chiffres défendus par le gouvernement et le président du Sénat pour ce qui est du nombre de députés et de sénateurs ne me semblent pas si éloignés qu’ils interdiraient un accord et un compromis.
Mais surtout, s’il n’y avait pas de réforme constitutionnelle, cela empêcherait des avancées qui sont indispensables et attendues depuis longtemps. J’en citerai cinq :
-
la réforme du mode de nomination des magistrats du parquet afin qu’ils soient nommés selon les mêmes règles que les magistrats du siège ;
-
la suppression de la Cour de justice de la République ;
-
la réforme du Conseil Constitutionnel afin que les anciens présidents de la République n’y siègent plus de droit ;
-
les avancées en matière de prise en compte de l’environnement attendues à l’article premier de la Constitution ;
-
des possibilités accrues d’adaptation du droit pour tenir compte des spécificités des collectivités locales.
Il serait très dommageable de se priver de ces avancées nécessaires, faute d’un accord et d’un compromis qui restent possibles.
Jean-Pierre Sueur