Je suis totalement favorable au projet de TGV « Grand Centre ». J’ai adhéré à l’association qui le soutient. Et je partage l’ambition de cette association qui s’engage pleinement afin de promouvoir cette liaison extrêmement pertinente pour l’aménagement du territoire.
Mais il me paraît utile de garder présentes à l’esprit les leçons du passé et de ne pas seulement raisonner par rapport à un projet dont la réalisation est encore lointaine, même s’il faut agir pour la rendre moins lointaine.
Je présenterai ma position à ce sujet autour de deux proverbes :
1) « Chat échaudé craint l’eau froide »
L’histoire d’Orléans et du TGV est déjà longue.
Le premier ratage est dû à Jacques Douffiagues qui, lorsqu’il était maire d’Orléans et ministre des Transports, avait décrété qu’il était inutile que le TGV Atlantique passe par Orléans au motif que nous étions déjà à une heure de Paris par le train. J’avais alors dénoncé cette position, car la question n’est pas seulement celle de notre rapport à Paris : c’est celle de notre rattachement à l’ensemble du réseau TGV. Imaginez aujourd’hui une ligne TGV nous reliant à Tours, Poitiers, Bordeaux, Toulouse. C’était possible. Cela aurait un peu rallongé le trajet pour atteindre ces villes. Mais si peu… En bref, ce fut une fantastique « occasion manquée ».
Et puis il y eut le POLT, c'est-à-dire le projet d’une liaison rapide Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, autre projet extrêmement pertinent pour l’aménagement du territoire… Participant à la réunion organisée ce vendredi 23 avril à Orléans pour soutenir le projet de TGV « Grand Centre », j’avais le sentiment d’être revenu un certain nombre d’années plus tôt et de participer une nouvelle fois aux réunions qui avaient été organisées pour soutenir le POLT : mêmes arguments, même rassemblement des élus de tous bords, même détermination… Et puis un beau jour le gouvernement Raffarin et son ministre Gilles de Robien ont décidé purement et simplement de rayer ce projet d’un trait de plume, au grand dam de tous ses défenseurs !
Cette décision était absurde, inconséquente, mais rien n’y fit !
Par rapport au projet de TGV « Grand Centre », nous étions pourtant plus avancés. Je rappelle qu’un engagement financier liait les trois régions concernées et l’Etat, avec des participations chiffrées, ce qui a rendu d’autant plus scandaleuse la décision prise par l’Etat d’abandonner le projet.
Le résultat fut très négatif pour Orléans et pour l’aménagement du territoire, puisque, faute de POLT, il faudra passer par Bordeaux pour aller à Toulouse, et par Poitiers pour aller à Limoges. Dans les deux cas on évitera Orléans.
Comment faire pour que cela ne se reproduise pas ?
1. Il faut un engagement financier clair de l’Etat. La faconde de M. Michel Mercier est, certes, remarquable. Mais, ce vendredi, à Orléans, il n’a pas prononcé le moindre chiffre ni apporté le plus petit commencement d’engagement précis quant au financement de l’Etat.
2. Ce projet est, certes, inscrit dans le « Grenelle 1 ». Mais dans cette loi, cette réalisation n’est prévue que dans un second wagon – si je puis dire - après douze réalisations préalables de lignes à grande vitesse qui risquent de prendre du retard ! Et compte tenu de ces éventuels retards, il serait plus que souhaitable d’obtenir une révision du calendrier afin de rapprocher les délais. Faute de quoi il est quelque peu utopique d’annoncer une réalisation pour 2020 ! Cette anticipation serait d’ailleurs pleinement justifiée par les considérations liées à l’aménagement du territoire. Il y a en effet au cœur de notre pays une grande zone comptant une part des régions Centre, Limousin, Auvergne et Midi-Pyrénées qui se caractérise par l’absence de tout TGV !
2) « Ne pas lâcher la proie pour l’ombre ».
Compte tenu des fortes incertitudes qui existent en termes de calendrier et de financement, il ne faut surtout pas lâcher la proie pour l’ombre.
Car si, lorsqu’il existera, ce TGV Grand Centre sera précieux pour notre développement économique, il ne faut pas méconnaître que dans le contexte de concurrence entre les territoires qui caractérise la période actuelle – qu’on le veuille ou non – beaucoup de choses vont se jouer dans les dix, quinze ou vingt prochaines années – c'est-à-dire avant l’arrivée du TGV Grand Centre.
Et durant cette période décisive nous ne pourrons pas rester les deux pieds dans le même sabot (troisième proverbe !).
Car la question du TGV et de la liaison d’Orléans et de son aire d’influence au réseau TGV ne se réduit pas au TGV Grand Centre.
Il existe d’ores et déjà un TGV qui, utilisant les lignes existantes, conduit chaque jour de nombreux passagers d’Orléans (Les Aubrais) à Roissy en une heure et demie, d’Orléans à Juvisy (soit près d’Orly) en 50 minutes et d’Orléans à Lille en 2h30, sans passer par Paris.
Cette liaison TGV est financée à 100% par les deux régions Centre et Limousin (puisque le train part de Brive la Gaillarde et dessert Limoges).
Cette liaison – dont les élus de l’agglomération d’Orléans furent les promoteurs, sous une forme différente il y a plus de dix ans – est un succès !
Cela se comprend. Elle permet d’aller plus facilement depuis Orléans à Roissy. L’accès à Roissy permet de rejoindre nombre d’autres TGV. J’ajoute qu’avec l’arrêt à Juvisy on pourrait organiser une liaison rapide avec Orly. Et pour peu que les correspondances soient étudiées, on peut, depuis Lille, se rendre facilement à Londres et à Bruxelles.
La seule chose qui est insatisfaisante ce sont les horaires. Il n’y a, en effet, qu’une seule liaison par jour dans chaque sens. Il serait évidemment très précieux qu’il y en ait plusieurs, ce qui permettrait – par exemple – de se rendre tôt le matin d’Orléans (Les Aubrais) à Roissy et d’en revenir plus tard le soir.
Est-ce trop demander que toutes les collectivités, tous les élus et tous les responsables économiques concernés s’unissent pour obtenir de nouvelles dessertes pour ce TGV existant ? Ce serait une manière de répondre au problème d’aujourd’hui et de maintenant, aux enjeux concrets des dix ou quinze prochaines années, sans obérer en rien le projet de TGV Grand Centre.
Jean-Pierre Sueur
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