Bernard Le Breton aime son village, Ligny-le-Ribault, un village de Sologne. Il est le fils du premier électricien de la commune. Il y est né, et a été mis au monde par le docteur Pierre Ségelle. Après une vie très active, en tant qu’enseignant, il s’est consacré avec son épouse, Marie-Louise, qui fut, elle, institutrice à Ligny-le-Ribault, à l’histoire de ce village où, avec des amis, ils ont créé et fait vivre un écomusée.
Tout commença par une conférence, le 12 octobre 2014. Celle-ci donna naissance à un livre qui vient de paraître, édité par l’écomusée, auprès duquel on peut le commander, un livre qui se lit d’une traite, car il est passionnant de la première à la dernière page. C’est aussi le premier livre consacré à Ligny-le-Ribault.
On me pardonnera de m’attarder ici principalement sur deux chapitres remarquables.
Le premier porte sur Pierre Ségelle. On sait que celui-ci fut maire socialiste d’Orléans de 1954 à 1959. On sait moins qu’après avoir été interné comme prisonnier civil en Allemagne durant la Première Guerre mondiale (et avant d’être déporté en Allemagne, durant la seconde !), après avoir été mobilisé dans l’armée d’Orient en 1918 en tant que médecin auxiliaire, il s’établit ensuite comme « médecin de campagne », et aussi médecin des pauvres et des plus démunis à Ligny-le-Ribault où vivaient ses parents. Sa disponibilité était grande. Il omettait de faire payer ceux qui ne le pouvaient pas. Bernard le Breton rapporte qu’une heure avant son mariage – à Yvoy-le-Marron –, « il se rendit au chevet d’une petite fille de trois mois afin de s’assurer que son état de santé ne s’était pas dégradé. »
Son premier engagement politique, ce furent les élections municipales de 1925 à Ligny-le-Ribault. C’est lui qui obtint le plus grand nombre de voix. On lui refusa cependant - le conservatisme veillait ! - d’être adjoint, et il fut donc, avec un instituteur, dans « l’opposition municipale ». Mais bien qu’il fût minoritaire, « il était systématiquement désigné par ses collègues comme secrétaire de séance »… Il fut réélu en 1929, dans les mêmes conditions… Et bien qu’il se fût installé à Saint-Marceau, il mit un point d’honneur à continuer à exercer son mandat et à participer à l’animation de Ligny-le-Ribault, où il avait créé une « société de bigophone. »
À Orléans, Pierre Ségelle resta le médecin des pauvres. Il fut Résistant. Il fut déporté. Il se battit en tant que maire pour construire des logements sociaux. C’est un grand homme. Il mérite bien la rue qui porte son nom à Ligny-le-Ribault, et qui fut inaugurée par Henri Duvillard le 7 juillet 1974.
Je serai plus court sur le second chapitre remarquable, qui est consacré au tramway… On l’a oublié, mais la Sologne fut, au début du XXe siècle, desservie par un tramway qui reliait plusieurs villages à Orléans. Une pétition fut lancée, avec succès, en 1902, pour que la ligne de tramway qui reliait Orléans à Cléry se poursuive jusqu’à Ligny. La ligne fut inaugurée en 1905, ce qui montre qu’à l’époque, les procédures étaient moins longues que de nos jours... Le tramway transportait les voyageurs, mais aussi les marchandises produites à Ligny, comme les balais et les sabots. La vitesse autorisée était de vingt kilomètres par heure. Il fallait deux heures pour aller d’Orléans à Ligny. Les habitants de la commune demandèrent que le courrier fût acheminé par le tramway plutôt que par la voiture hippomobile qui le convoyait auparavant… Il est singulier de constater combien les tramways que l’on a si facilement démontés au bénéfice de la déesse automobile étaient alors perçus comme un mode de transport à la fois moderne, souple, efficace et convivial…
Il y aurait beaucoup d’autres passages de ce livre à citer, comme celui relatif aux sabotiers par lequel on apprend que Marcel Terquis fabriquait « des sabots spéciaux pour les braconniers ; le talon était situé à l’avant du sabot, si bien que le garde-chasse (…) était trompé sur le sens réel de la marche du "braco", à partir des empreintes apparentes au sol » (on peut voir ces sabots très spéciaux à l’écomusée de Ligny).
… Mais il est temps de conclure en remerciant chaleureusement Bernard Le Breton pour ce bel ouvrage !
Jean-Pierre Sueur