Séisme, tsunami : on n’aura pas lésiné sur les qualificatifs pour commenter les résultats de l’élection européenne de ce dimanche.
Sans minimiser l’ampleur de la crise de confiance dont ces élections témoignent, je voudrais m’en tenir aux faits.
D’abord, les élections intermédiaires en général, et européennes en particulier, ont toujours été l’occasion pour les Français d’envoyer des messages de mécontentement au pouvoir en place. Ce fut le cas, cette fois encore – mais plus fortement que par le passé.
En second lieu, ceux qui croient en l’Europe sont en France nettement majoritaires par rapport à ceux qui n’y croient pas.
Troisième constat : la majorité des électeurs du Front national disent que leur vote a d’abord été déterminé par les questions nationales, alors que la majorité des électeurs des autres partis disent qu’ils ont d’abord pensé à l’Europe.
Dernier constat : l’idéologie du Front national – je l’ai toujours dit – est dangereuse, et contraire aux valeurs de notre République. Il faut la combattre. Je ne crois pas pour autant que les électeurs du FN lors de ces européennes partagent – pour nombre d’entre eux au moins – cette idéologie. Je pense qu’ils se sont saisis du bulletin FN pour dire leur mécontentement, les difficultés auxquelles ils sont confrontés, leur colère.
Quelles conséquences tirer de ce vote ?
J’en vois deux.
D’abord, cesser de faire de l’Europe l’exutoire à nos problèmes internes et à nos impuissances. Cesser de ne parler de l’Europe que pour de brèves campagnes électorales tous les six ans. Cesser d’organiser les élections européennes dans des circonscriptions illisibles. Expliquer constamment que notre avenir passe indissociablement par la France et par l’Europe. Se battre pour que l’Europe parle plus et mieux, soit plus audible, plus claire. Pour qu’elle soit davantage une puissance publique qui protège autant qu’elle façonne notre avenir commun.
En second lieu, pour ce qui est de la politique française, clarifier encore les choix et les perspectives. Personne ne peut sérieusement soutenir qu’il faudrait renoncer à assainir nos finances, à réduire le poids de la dette (le « service de la dette » est aujourd’hui le premier budget de l’Etat, devant celui de l’Education nationale). De même, qui proposera de relâcher l’effort pour que nos entreprises soient plus compétitives et pour créer des emplois ? Le redressement de notre pays est une nécessité, une urgence : même si c’est difficile, je vois mal qu’on ne tienne pas fermement la barre pour atteindre cet objectif. Là où nous pouvons faire davantage et mieux, c’est pour tout ce qui concerne la formation des jeunes, priorité des priorités, et pour tout ce qui concerne la justice – et la justice sociale. Qui ne souscrirait à de nouvelles annonces de baisses des impôts ? Mais encore faut-il qu’elles soient compatibles avec les objectifs précédemment énoncés, et notamment la diminution de la dette ainsi que du déficit budgétaire et la relance de la compétitivité. Notre fiscalité doit être assurément plus juste. A cet égard, – et quoi qu’on en dise – il y a encore de larges marges de progression.
Au total, il faut évidemment entendre le message. Mais entendre le message, ce n’est ni improviser des remèdes de circonstance, ni se détourner de l’indispensable redressement. C’est faire des changements, des réformes – avec le souci constant qu’ils soient justes, crédibles, expliqués et compris. Et cela vaut autant pour la France que pour l’Europe.
Jean-Pierre Sueur
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