Les communes, grandes ou petites, sont riches de tout ce que celles et ceux qui y ont vécu leur ont légué au cours des siècles. Elles sont faites de pierre et d’esprit.
C’est pourquoi, je tiens à saluer tout particulièrement l’ouvrage que Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay depuis trente ans, vient de consacrer (aux éditions Baudelaire, de Lyon) à Agylus, un homme du VIe siècle qui a été à l’origine de la création de Saint-Ay – et lui a donné son nom – il y a plus de 1 500 ans. Frédéric Cuillerier écrit d’emblée que cet être « continue à vivre dans les lieux qu’il a profondément aimés, dans les pierres qu’il a façonnées et assemblées, les arbres qu’il a protégés et plantés ».
Et quand on a achevé la lecture des 207 pages du livre, on mesure l’important travail accompli par son auteur pour retrouver aux meilleures sources – l’œuvre de Saint-Grégoire de Tours tout particulièrement – toute l’information historique nécessaire pour nous conter comment ce vicomte, protégé par le roi Gontran, grand guerrier, homme d’autorité et d’entreprise, sut littéralement construire avec les paysans du lieu et leur famille une vraie cité sur le territoire qui lui fut dévolu par le roi en un site remarquable longeant la Loire, proche d’Orléans, entre l’abbaye de Micy et celle de Meung, qu’avait fondé le moine Liphard, près de la grotte du dragon et de la chapelle dédiée à Saint-Mesmin, de l’autre côté de la confluence de la Loire et du Loiret, et des marécages insalubres de l’autre rive et de la Sologne.
C’est toute une vie sociale que Frédéric Cuillerier restitue, celle des paysans, des nobles, rythmée par les récoltes, la chasse et la guerre et aussi marquée par des réalités financières qui perdurent : comment définir l’impôt juste et la contribution de chaque famille à l’effort de défense ?
C’est aussi l’histoire d’un bouleversement – « La métamorphose de l’Être » - qui conduit Agylus à la religion chrétienne et amène Frédéric Cuillerier à décrire les relations entre les religions du VIe siècle, des dieux romains au Dieu chrétien. S’ensuit un pèlerinage à Jérusalem, le retour puis la mort du héros devenu patron de Saint-Ay.
Un narrateur – Marsius – suit l’histoire de bout en bout. Il nous apprend beaucoup sur la vie de son maître, mais aussi sur la place des femmes dans la société, le sort des esclaves, les violences - et leur contraire : la « force de la douceur » !
Jean-Pierre Sueur
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