Gérald Antoine est décédé ce dimanche 26 janvier à Paris.
Je tiens à saluer la mémoire de cet homme chaleureux, entreprenant, enthousiaste, amoureux de la culture et de la langue française.
Gérald Antoine a été le premier recteur de la nouvelle académie d’Orléans-Tours. Il a pris ses fonctions en 1961 et est resté le recteur de cette jeune académie jusqu’en 1973, s’identifiant à cette fonction. Il était pour tous, à Orléans, « le recteur ». Avec Roger Secrétain, alors maire d’Orléans, il a œuvré pour la renaissance de l’Université d’Orléans, qui avait connu une longue éclipse de plusieurs siècles. Il croyait profondément à ce projet ainsi qu’à la création d’un grand pôle scientifique à La Source. Il y a mis toute son énergie. L’ayant invité à présider les fêtes de Jeanne-d’Arc en 1995, il déclara à cette occasion qu’il avait accompli cette œuvre « malgré maints obstacles venus le plus souvent de Paris, mais avec le concours actif de la Ville, du Département, de nombreux élus et aussi de personnalités exceptionnelles qu’inspiraient l’amour du terroir ligérien, le désir d’aider les étudiants de cette région à fuir l’attirance de la capitale, le rêve conjoint de séduire un nombre appréciable de jeunes Parisiens rebutés par les encombrements d’une Sorbonne en voie d’asphyxie ».
Gérald Antoine était un réformateur. Il a participé au cabinet de plusieurs ministres de l’Education Nationale, mais c’est surtout aux côtés d’Edgar Faure qu’il marqua les esprits, en mettant en chantier, en 1968, la loi d’orientation de l’enseignement supérieur. Ses conceptions sur la réforme de l’université, il les avait exposées dans un livre intitulé précisément « La réforme de l’université » paru en 1968, écrit avec Jean-Claude Passeron. A bien des égards, il a été un promoteur, repensant l’organisation des universités et plaidant pour qu’elles disposent d’une part d’autonomie, ce qui était à l’époque véritablement novateur.
Gérald Antoine était aussi un universitaire de grand talent qui a beaucoup œuvré dans le domaine de la grammaire, de la stylistique et de la littérature françaises. On lui doit une thèse magistrale sur la coordination en français. On lui doit aussi, non seulement la réédition de la célèbre « Histoire de la langue française » de Ferdinand Brunot, mais de surcroît, trois nouveaux tomes de cette histoire couvrant les périodes allant de 1880 à 2000. Ouvert à l’ensembles des recherches linguistiques contemporaines, tout en récusant les excès du formalisme, Gérald Antoine s’attachait à rendre compte des faits de langue en conjuguant tout à la fois leurs dimensions synchroniques et diachroniques. Il avait dirigé la revue « Le français moderne ».
Il fut encore un théoricien de la stylistique à laquelle il consacra un ouvrage fondateur. Il écrivit beaucoup sur le style de Paul Claudel, sur l’œuvre de Sainte-Beuve. Mais nombre d’auteurs retenaient son attention, comme le montre son ouvrage « Vis-à-vis, ou le double regard critique ». C’est ainsi qu’il anima à Orléans un colloque consacré à Charles Péguy.
Gérald Antoine fut un grand serviteur de l’Université, de la ville d’Orléans, de notre région, de la langue et de la culture françaises – en un mot, un grand humaniste. Nous lui devons beaucoup.
Jean-Pierre Sueur
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