Qui a peur de la transparence ?
On le sait : le gouvernement a déposé un projet de loi visant à instaurer pour les députés et les sénateurs, comme pour les ministres, une transparence quant à leur patrimoine, à leur activité, à leurs intérêts (et visant à éviter tout conflit d’intérêt). Cela passait notamment dans le texte du gouvernement par la publication au Journal Officiel des déclarations de patrimoine des parlementaires.
L'Assemblée Nationale a modifié ce dispositif et prévu que ces déclarations de patrimoine pourraient être consultées par tous les électeurs, mais que leur publication était interdite sous peine d’un an de prison et de 45 000 € d’amende.
Dans le rapport que j'ai fait au nom de la Commission des Lois du Sénat, j'ai critiqué ce dispositif au motif qu'il était illusoire d'imaginer que des documents universellement consultables puissent ne pas être publiés à l’heure d’Internet (qui ne connaît pas les frontières) et à un moment où on réaffirme le droit des journalistes au secret de leurs sources.
J'ai donc proposé dans mon rapport de supprimer aussi bien l'infraction de publication que les sanctions dont elle était assortie.
On m'a fait remarquer que, dès lors, la publication devenait licite et qu'il était logique de revenir dans ce cas au projet du gouvernement qui proposait donc la publication au JO de ces patrimoines.
J’ai donc fait, avec Alain Anziani et Jean-Pierre Michel, un amendement en ce sens, qui a été adopté par la Commission des Lois.
Vingt représentants du groupe centriste déposaient le même amendement, avec pour premier signataire le président du groupe.
… En séance publique, l'amendement rétablissant cette (salutaire) transparence était voté par tous les socialistes, tous les communistes, tous les membres d'Europe Ecologie – Les Verts et les 20 centristes qui l’avaient signé, cependant que l’UMP, le RDSE (les radicaux de gauche) et les autres centristes votaient contre.
Et puis, au moment du vote de l’article dans lequel cet amendement était inséré, revirement : une bonne dizaine des centristes qui avaient signé l’amendement – dont le premier signataire – votent contre l’article qui, de ce fait, ne passe pas.
… C'est donc une part non négligeable des signataires de l'amendement qui a voté contre son inscription effective dans la loi…
Cette histoire est, hélas, très révélatrice.
Qui a peur de la transparence ?
Jean-Pierre Sueur.
> Lire :
- le rapport de Jean-Pierre Sueur
- l'intervention de Jean-Pierre Sueur en séance publique au début du débat
- l'intervention de Jean-Pierre Sueur après le vote négatif sur l'article 1
- la dépêche AFP du 13 juillet 2013.
.