Quel avenir pour la Cour européenne des droits de l’Homme ?
On me dira peut-être que cette question n’est pas d’actualité, en cette période de campagne pour l’élection présidentielle.
Et pourtant, cette question est pleinement d’actualité puisqu’une conférence internationale décisive pour l’avenir de cette institution aura lieu à Brighton des 18 au 20 avril prochains.
La Cour européenne des Droits de l’Homme, créée en 1959, a pour compétence de statuer sur les requêtes présentées par des personnes ou des Etats alléguant une violation des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, adoptée en novembre 1950.
Elle est constituée de 47 juges, un par Etat signataire de la Convention, élus par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Elle a développé depuis 1959 une jurisprudence s’appliquant à tous les pays signataires de la Convention.
Elle a ainsi pris des décisions importantes en matière de droit à l’interruption volontaire de grossesse, de fouilles à corps, de droit des personnes nées sous X à connaître leur origine, de reconnaissance des droits des personnes homosexuelles, de droit d’asile, etc.
Elle a pris de nombreuses décisions relatives à la violation du droit à un procès équitable (garanti par l’article 6 de la Convention) ou à des violations graves des articles 2 et 3 de la convention concernant l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants.
Or, le gouvernement britannique, qui exerce la présidence semestrielle du Conseil de l’Europe, a annoncé sa volonté d’impulser une réforme de la Cour. Le Premier ministre David Cameron a ainsi prononcé, lors d’un discours du 25 janvier devant l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, cette phrase apparemment sibylline, mais qui ne pourrait pas être sans conséquences : « La Cour ne dois pas (…) compromettre sa propre réputation en contrôlant des décisions nationales qui n’ont pas lieu de l’être ».
La prochaine conférence de Brighton sera saisie, sur la base d’un projet de résolution britannique, de deux séries de questions.
L’une est récurrente. Il s’agit du « surencombrement » de la Cour. Plus de 150 000 affaires sont en effet pendantes devant cette juridiction. A l’initiative, notamment, de son ancien président, le Français Jean-Paul Costa, des dispositions ont déjà été prises à cet égard. Elles doivent être confortées.
L’autre porte sur les prérogatives de la Cour que le projet de résolution britannique tend à réduire. La Cour a d’ores et déjà répondu que le « droit au recours individuel » devait être « préservé ». Elle a souligné « l’importance que les Etats exécutent comme il se doit les arrêtés pilotes rendus à leur égard et examinent avec attention les implications des arrêts rendus à l’égard des autres Etats ». Elle a rappelé que « le but doit être de détecter et de corriger les causes législatives et administratives des violations récurrentes et de mettre en place des mécanismes nationaux permettant d’apporter une réparation aux intéressés ».
Sera-t-elle entendue sur ces différents points et sur d’autres ?
Au-delà de débats qui peuvent paraître très techniques, l’enjeu de la conférence de Brighton est la juste application dans 47 pays du texte fondateur qu’est la Déclaration européenne des Droits de l’Homme.
Jean-Pierre Sueur
>> Voir la vidéo intégrale de l'audition de Jean-Paul Costa, ancien président de la Cour européenne des Droits de l'Homme, par la commission des lois du Sénat, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur
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