
Cette scène, d'abord, nous frappe. François Mitterrand est élu à la présidence de la République depuis quelques mois. Il est entre le docteur Gubler et le professeur Steg qui lui apprennent qu'il a un cancer qui ne laisse pas espérer de rémission. « Entre trois mois et trois ans, pas plus » disent-ils. « Je suis foutu», dit-il. Il parle de ces décennies de vie politique. Et de la mort qui vient si vite alors qu'il vient d'atteindre la dernière marche.
Singulier destin de celui de cet homme qui, se sachant condamné, a achevé son septennat, s'est présenté pour un autre qu'il achèvera aussi. Il a ce mot : « Je ne leur laisserai pas un quart d'heure ! ».
Savoir cela permet de relire autrement ces quatorze années. Olivier Py ne laisse de côté ni les lumières ni les ombres : il restitue le Rwanda, la Bosnie, Pierre Bérégovoy, les relations avec Bousquet, de Grossouvre. Ce n'est pas un panégyrique, loin s'en faut. Mais l'on sent (contrairement à ce que j'avais ressenti lors de la création à Orléans de Requiem pour Srebrenica) une réelle sympathie pour le personnage - un personnage de roman, mais aussi de théâtre, assurément. Autour de Mitterrand, de nombreux personnages, encore vivants, apparaissent. Chaque acteur en interprète quatre ou cinq. Ce sont souvent des esquisses, parfois des caricatures. Je regrette qu'Anne Lauvergeon soit ainsi jouée comme une servante ou confidente de comédie, ce qui ne lui ressemble pas ! ... Mais au total, quel spectacle fort ! Quelle joie de découvrir ou de retrouver tant d'écrits de François Mitterrand, jusqu'aux lettres, très nombreuses, où il est question d'arbres - de peupliers tout particulièrement - et d'amour qu'il écrivit si jeune à une certaine Marie-Louise Terrace - devenue plus tard Catherine Langeais. Et quel plaisir - hélas aujourd'hui disparu ! - de retrouver un président de la République qui aime et respecte la langue française.
Jean-Pierre Sueur
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