Pourquoi j’ai écrit ce livre ?
Il y a quelques années, mon ami Alain Malissard, président de l’Association Guillaume-Budé d’Orléans - trop tôt disparu - hélas, m’a demandé de faire une conférence devant cette association. Sans trop réfléchir à tout ce que cela impliquerait, je lui ai dit : « Victor Hugo au Sénat. » Je me suis mis à travailler aussitôt à la bibliothèque du Sénat et à solliciter le service des Archives du même Sénat. Et je me suis rendu compte de l’importance et de la grande qualité des discours et interventions que notre grand prédécesseur, Victor Hugo, avait faits d’abord à la Chambre des Pairs puis, après l’exil, au Sénat. La plus grande partie de ces interventions était méconnue ou oubliée.
Alors, j’ai eu l’idée d’écrire ce livre pour faire revivre ces textes remarquables.
J’ajoute que, faisant fréquemment visiter le Sénat, je montre aux visiteurs la place de Victor Hugo dans l’hémicycle. Et je rappelle qu’ici au Sénat, mais aussi à l’Assemblée Nationale ou en bien d’autres lieux et circonstances, Victor Hugo a défendu : l’abolition de la peine de mort, l’abolition de l’esclavage, le droit de vote des femmes, les lois sociales (il avait écrit Les Misérables), l’école publique et laïque pour tous (« Ouvrir une école, c’est fermer une prison. »), les États unis d’Europe, la monnaie unique européenne, l’amnistie après la Commune.
… Presque à chaque fois, on traitait Victor Hugo d’utopiste. On disait que c’était un poète, un idéaliste… Mais ce qu’il a défendu a fini par être accepté et voté, quelquefois longtemps après : la politique, c’est gérer le présent et mais aussi préparer l’avenir. Et les visionnaires, comme Victor Hugo le fut en son temps, nous sont infiniment précieux !
Jean-Pierre Sueur
La quatrième page de couverture
>> Lire le premier chapitre du livre
La commission d’enquête parlementaire du Sénat sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Benalla » et dont je suis co-rapporteur, a poursuivi ses travaux avec calme, sérénité, sérieux et avec une totale fidélité au rôle que la Constitution assigne aux commissions d’enquête parlementaire.
Les déclarations et admonestations n’ont pourtant pas manqué pour nous rappeler chaque jour et plusieurs fois par jour que nous ne pouvions empiéter sur ce qui relève de la justice.
Ces déclarations et admonestations étaient inutiles et même contre-productives. Nous connaissons les articles 51 et 24 de la Constitution.
Et chacun aura pu constater que lors des trois auditions du 19 septembre dernier, nous avons strictement appliqué les articles 24 et 51-2 de la Constitution qui disposent que les commissions d’enquête parlementaire ont pour objet de « contrôler le gouvernement » et d’« évaluer les politiques publiques. » La protection du chef de l’État et des hautes personnalités est incontestablement une « politique publique. »
Il est bien de nous rappeler que le pouvoir législatif doit strictement respecter les prérogatives et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Il serait bien que les auteurs des déclarations et admonestations précitées se souviennent que la séparation des pouvoirs vaut aussi pour le pouvoir exécutif qui se doit de respecter strictement les prérogatives et l’indépendance du pouvoir législatif.
Jean-Pierre Sueur
>> (Re)voir les vidéos des trois auditions du 19 septembre (Alexandre Benalla, Vincent Crase et Yann Drouet)
>> Dans les médias :
C’est un livre singulier, un récit unique en son genre. Son auteur, Philippe Vasset a, dès son enfance, puis lors de son adolescence, et enfin à l’âge adulte, été continûment fasciné par un ouvrage que les Orléanais, les habitants du Loiret ou les usagers de la liaison ferroviaire Paris-Orléans connaissent bien, le rail dit de l’aérotrain.
On le sait, dans les années soixante, l’ingénieur Jean Bertin eut l’idée de concevoir un mode de transport révolutionnaire, l’aérotrain, qui, doté d’un moteur d’avion et se déplaçant sur coussin d’air, devait permettre de relier Orléans à Paris en une vingtaine de minutes.
Avant d’être abandonné, le projet fut bien avancé puisqu’un rail de béton, « tendu à sept mètres de haut » fut construit sur une longueur de dix-huit kilomètres afin que l’engin fût essayé puis mis au point « aux conditions réelles. »
Il nous reste, plus de cinquante ans après, cette structure de béton qui s’étend sur les communes de Saran, Cercottes, Chevilly et Ruan.
C’est peu dire que Philippe Vasset a été littéralement « happé », mentalement, par cet ouvrage sur lequel il aura passé des milliers d’heures de jour comme de nuit, heures de réflexion, de médiation, de rêveries dont il nous fait aujourd’hui le récit par ce livre dont j’ai plaisir à noter qu’il est remarquablement écrit. Le style est d’une grande pureté. Aucun mot n’est inutile. Nul pittoresque. Chaque phase est ciselée. Elle va à l’essentiel.
« Enfant – dit-il -, l’interminable barre levée sur les champs n’existait que pour moi. » Il se souvient : « Il y eut des records supersoniques, des déraillement et des sabotages. » Très vite, l’édifice lui apparut comme le symbole et la trace de fabuleuses prouesses techniques et, indissociablement, comme ce qu’il appellera comme « ruine du futur. »
Il nous raconte ses équipées sur l’ouvrage et les mille découvertes qu’il y fit depuis les travaux des champs jusqu’à « l’entrée de ville » – comme on dit – de Saran qui peu à peu proliférait avec ses« enseignes surdimensionnées », ses « luminaires tapageurs », cet« espace de consommation organisé autour des parkings » et leurs « immenses râteliers. »
Il note : « La ville gagnait de plus en plus sur les champs », mettant ainsi l’accent sur l’un des faits majeurs de la géographie contemporaine ou, si l’on préfère, ce que l’on nomme « aménagement ».
Il rencontre des agriculteurs, des amoureux, des ivrognes, des adolescents en goguette, des groupes druidiques pratiquant d’ancestrales cérémonies. Il parle des bourgs où « les décès sont la dernière distraction. »
Il perçoit que la fonction de l’aérotrain serait de « jeter des passerelles entre les métropoles du futur » qui pourraient vouer les autres espaces urbains et ruraux à la relégation – crainte toujours actuelle.
Il nous dit que cet objet, pur vestige d’un échec, « s’opposait à toute tentative de récupération. »
Philippe Vasset se fait poète. Il est poète. Son livre est poétique de bout en bout. Il dira que le « périmètre » de ce « ponton » « avait fini par se confondre avec l’intérieur de mon crâne. » Il dit aussi : « J’errai dans un cône immense (dont les voûtes, périodiquement, s’illuminaient de parcours nerveux). »
Comment ne pas penser au dernier Spleen de Baudelaire :
Philippe Vasset nous conte ensuite les traumatismes que furent pour lui les deux « brisures » du long rail, la première pour faire passer l’autoroute A19, la seconde accidentelle. Il nous explique combien l’œuvre, quelque gratuite et inutile qu’elle fût, avait perdu son unité originelle : « Le rail de Jean Bertin n’avait pas plus de fonction que d’avenir » ; « le monolithe était brisé et ma vie avec. »
Sa vie - lui qui était un « toxicomane de l’aérotrain » - le conduisit vers d’autres lieux devenus inutiles, d’autres friches, d’autres territoires qui étaient des rebuts de l’« aménagement », ou le signe de ses échecs, d’autres vides, latences, friches et « encombrants » – et vers les êtres humains qui, comme lui, leur étaient inexplicablement attachés.
Philippe Vasset nous explique enfin combien les livres qu’il écrivit étaient marqués en creux, sans que cela fût dit, par cette expérience singulière. Il fallait que le récit de cette expérience devînt explicite. C’est l’objet de ce livre initiatique, un livre de poésie, un livre qui, en nous décrivant cette « vie en l’air », nous offre une riche réflexion philosophique sur l’air du temps.
Jean-Pierre Sueur
En dépit des polémiques, et même des insultes, la commission d’enquête parlementaire constituée au Sénat sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Benalla » poursuit ses travaux avec calme, sérénité, vigilance et détermination.
Étant co-rapporteur de cette commission d’enquête, j’ai été très sollicité. Et je souhaite revenir sur quelques sujets sur lesquels j’ai été interrogé par différents médias.
D’abord, cette « affaire » ne prend-elle pas trop de place ? Ma réponse est simple : les membres de la commission d’enquête ne sont pas responsables de la place qui lui est donnée dans les médias, qui exercent librement leur mission. Nous ne méconnaissons pas les lourdes questions qui apparaissent dans l’actualité nationale et internationale. Et nous passons beaucoup de temps à préparer les débats sur les projets de loi à venir (je pense en particulier au projet de loi sur la justice) ou sur ceux qui reviendront (comme le projet de loi « ELAN »). Mais nous nous devons aussi d’assumer notre tâche au sein de la commission d’enquête.
Celle-ci était-elle nécessaire ? Oui, bien sûr. Chaque fois que des événements aussi graves que ceux qui ont eu lieu se produisent, chaque fois que des dysfonctionnements manifestes et lourds de conséquences apparaissent, de telles commissions d’enquête sont créées. Au Sénat, il y en a chaque année six ou sept. Il y en a autant à l’Assemblée Nationale.
La Constitution confie au Parlement la tâche de voter la loi. Elle lui donne, par son article 24, une deuxième mission qui consiste à « contrôler le gouvernement » et à « évaluer les politiques publiques. » L’article 51 dispose que, pour l’exercice ces « missions de contrôle et d’évaluation (…) définies à l’article 24 (…) des commissions d’enquête peuvent être créées. »
L’ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que « toute personne dont la commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à cette convocation qui lui est délivrée. »
Elle dispose également que les commissions d’enquête parlementaires « ne peuvent traiter de faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. » C’est pourquoi nous veillons scrupuleusement à ne pas interférer, dans nos questions, sur ce qui relève de la justice.
Notre tâche n’est pas celle de la justice. Elle consiste, je le rappelle, à « contrôler le gouvernement » et à « évaluer les politiques publiques. »
Nous nous attachons donc à ce qui relève de l’État, de la puissance publique, des services publics.
Toutes les personnes que nous interrogeons doivent jurer de dire « toute la vérité. »
Nous nous attachons, et nous attacherons, à connaître la vérité – il y a encore aujourd’hui des non-dits, des imprécisions, des ambiguïtés et des contradictions –, à connaître tous les dysfonctionnements qui ont pu apparaître à tous les niveaux et nous ferons enfin des propositions pour mettre fin à ces dysfonctionnements.
Un dernier mot. Certains nous ont accusés de mener des objectifs politiques. Ce n’est pas le cas. Lorsque, dans des débats parlementaires, nous nous exprimons sur des projets et propositions de loi, nous défendons évidemment, chacune et chacun, nos positions politiques.
L’objectif d’une commission d’enquête parlementaire est tout autre. C’est pourquoi le président de la commission, les deux co-rapporteurs et les membres de la commission œuvrent en totale cohésion et cohérence, dans le respect et dans les limites de nos prérogatives constitutionnelles.
Ce n’est pas au Sénat, mais c’est à l’Assemblée nationale, qu’une commission d’enquête a explosé en plein vol, pour des raisons politiques.
Pour notre part, nous poursuivrons notre travail, dans l’état d’esprit que je viens de rappeler, au service de la République.
Jean-Pierre Sueur
>> Voir les vidéos des trois auditions du mercredi 12 septembre :
>> Lire l’article de Public Sénat sur les questions juridiques